Sang mêlé
Relisez nos essais des VRSCA (V-Rod) et VRSCR (Street Rod), et vous verrez tout le bien que l'on pense de ces étonnantes Harley au caractère trempé et au moteur de feu. Avec la VRSCD Night Rod, le constructeur américain sort la plus belle de la famille, mais aussi la moins homogène.
En somme, une Night Rod concrétise la synthèse entre une V-Rod et une Street Rod en accentuant évidemment les touches de noir. Elle dispose du moteur optimisé (grâce au système d'échappement) de la Street (120cv furieux) ainsi que de ses commandes reculées comme sur un roadster, le tout virtuellement dans une géométrie de V-Rod. Ce côté hybride et sang mêlé vous apparaît clairement dès que vous montez (ou plutôt que vous descendez!) en selle : les commandes reculées et rehaussées de la Street vous basculent vers l'avant, tandis que le grand guidon au cintre bien marqué, et la selle, vous contraignent à reculer le buste. Ainsi, la Night Rod résout l'équation de la " quadrature du cercle " : c'est un low rider qui impose un appui sur les poignets. Du jamais vu! Confort ou fort con ? Bref, vous l'aurez compris, le problème de la Night Rod, c'est son manque de confort inhérent à une position de conduite hybride. Disons qu'on a du mal à trouver sa place et à rouler sereinement sur une longue distance, un peu comme si le buste n'était jamais bien placé, obligeant les abdos et le dos à compenser. Le phénomène est d'ailleurs d'autant plus évident que le pilote est de grande taille. En réalité, on se sent nettement mieux dès que les conditions de circulation permettent de laisser les pose-pieds centraux au bénéfice des pose-pieds avancés. Dans cette position " feet first " chère à Harley-Davidson, la région abdominale est soulagée et la pression sur le buste s'amenuise considérablement. Un vrai plus pour le confort, mais rarement utilisable puisqu'il impose de se passer du frein arrière (qui n'est pas là pour décorer) et du sélecteur de vitesses (toujours du genre physique). Par contre, sur autoroute cette configuration full low est une vraie source de confort pourvu qu'on corrige l'allongement des jambes par une pression supplémentaire des genoux sur le (faux) réservoir. C'est bien utile, car sur une Rod, la pression du vent devient vite intolérable : à 120km/h, il faut déjà du courage pour résister longtemps ; à 150km/h, l'abnégation est indispensable ; à 180 et au-delà, il vous faut l'esprit de sacrifice! Là où une Street Rod compense grâce à sa position roadster et où la V-Rod nous avait été prêtée avec une bulle salvatrice, la Night Rod fait de vous le jouet d'une tornade qui se déchaîne à chaque rotation de la poignée droite. Et ce n'est pas le joli capot de phare qui y change quoi que ce soit. Quant à l'avis du passager, qui clora cet important chapitre voué au confort, il tombe comme un couperet : l'hypersportive sur laquelle il a subi le chemin du retour, après avoir restitué l'Américaine à l'importateur, lui a paru " nettement plus confortable " que l'Harley. Tout autre commentaire serait superflu.
Le monde est mal fait
Nous avions été très enthousiastes - voire dithyrambiques - à l'essai des deux premières Rod. Concernant la Night Rod, nos critiques vous semblent peut-être injustes. Alors soyons clairs : d'abord, pour savoir tout ce que vaut une Night Rod, relisez nos essais de 2004/2005, car elle a trop en commun avec les deux autres pour ne pas être, au total, une moto épatante. Ensuite, il faut souligner que la Night Rod est bien la plus belle de la dynastie VRSC. A cet égard, il n'y a aucun doute, et moins encore dans sa livrée noir mat, qui ajoute un côté bestial et crapuleux à la silhouette agressive de la machine. Et puis, il reste ce moteur inépuisable et valeureux qui vous fait écarquiller les yeux à chaque accélération. Quelle personnalité, même avec seulement 1000km au compteur ! Il y a dans ses entrailles mécaniques de quoi clouer le bec à bien des bicylindres italiens et à maints quatre-pattes du Soleil Levant, croyez-nous sur parole. Sur une Rod, vous êtes le caillou dans l'élastique du lance-pierre! Une anecdote à ce propos : nous avons proposé à un ami pilote habitué aux 1000 japonaises de faire un run d'essai sur la Rod. Dédaigneux, il nous balance : " Mouais, je n'ai jamais tâté de ces meules de pédé. Au retour, son air ahuri en disait long sur les sensations ressenties en route et sa conclusion fut : " T'avais raison, me voilà devenu pédé ! "
Bref, on ne saurait trop vous répéter à quel point une Rod est une machine envoûtante dont la sonorité d'origine ne fait qu'ajouter à son charme. C'est pourquoi nous regrettons d'autant plus l'inconfort de la Night Rod si le monde était bien fait, elle aurait dû être parfaite. Bien sûr, elle conserve les menus défauts des autres " Rodeuses " : commande de boîte et embrayage virils, réservoir rikiki (14L) et consommation maousse 9,5L/100km), instrumentation peu lisible bien que de plus en plus complète (second trip et horloge apparaissent cette année). Mais à vrai dire, tout cela compte peu en regard des plaisirs qu'elle distille à son pilote : au guidon d'abord, avec l'.extraordinaire bloc Revolution, mais aussi grâce à de vraies aptitudes à la conduite dynamique malgré une garde au sol la plus limitée de la famille (ou carrément sportive dans le cas de la Street Rod) ou encore à d'excellents freins Brembo. A l'arrêt ensuite, à la fois grâce au sentiment subtil de se démarquer de la masse, et grâce au regard des autres, dont l'étincelle d'envie vous conforte dans l'idée d'avoir fait le bon choix. Et dans ce dernier type d'exercice, c'est sûrement la Night Rod qui frappe le plus fort.
Harley-Davidson VRSCD Night Rod - 17.795 euros (en avril 2006)
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