S'il ne fait aucun doute que la R1 2007 sublime l'excellente sportive qu'elle a toujours été, elle nous lègue pourtant un je-ne-sais-quoi qui fleure la déception. Peut-être parce qu'elle s'affirme de plus en plus comme une moto de pilote plutôt que comme une moto de motard...Bien sû.r, nous n'ignorons pas qu'il est politiquement correct d'encenser les nouveautés et de lister tout ce qu'elles font mieux que leurs homologues des millésimes précédents. Ne nous laissons pas gruger par la technologie, si aboutie soit-elle, et tâchons de démêler objectivement l'écheveau des fantasmes et des réalités.Une question de ligne ?En cinq générations d'existence, la R1 s'est affirmée comme la référence esthétique des hyper sportives. Loin de nous l'idée saugrenue de prétendre qu'elle est trahie par sa livrée 2007. Pourtant, au premier regard, quelque chose nous empêche de la trouver aussi sculpturale que dans le passé. Qu'est-ce qui gêne ? Pour en avoir le c&oelig.ur net, nous avons fait part de notre sentiment à quelques passionnés fréquentant la piste de Lezennes, et leurs réflexions nous ont confortés dans notre opinion. Morceaux choisis : " Cette ligne commence à être trop vue ", " Depuis 4 saisons, c'est la même moto ", " Elle finit par ressembler aux autres ", " On dirait une R6, mais en moins bien ", etc.En réalité, nous pensons que cette dernière remarque est légitime, tout comme celle qui insiste sur le manque d'innovation plastique prévalant depuis 2004. Il est incontestable que cette R1 2007 duplique en partie les lignes acérées de la 600, mais en un peu plus volumineux, ce qui n'est pas un bien. D'où ce sentiment de manque d'originalité, renforcé par le fait qu'il faut effectivement être un amateur averti pour différencier aisément les millésimes 2004 à 2007. Sans parler de la frustration de ceux qui ont acheté un modèle 2006 déjà démodé...
Une question de technologie ?
Pour ce qui a trait à la technologie par contre, la R1 2007 innove et creuse (temporairement) l'écart avec la concurrence. " La technologie au service de l'être humain ", c'est le leitmotiv de Yamaha. Pour atteindre cet objectif ambitieux, Une foule de modifications sont intervenues depuis l'an dernier. En réalité, tout est neuf sur cette R1, même le Deltabox, qui a l'air identique à celui de 2006, ne l'est pas du tout. Ce qui se voit le plus, en dehors des retouches esthétiques, c'est probablement le retour à des étriers de freins à 6 pistons, qu'on avait abandonné il y a quelques années en raison d'une certaine brutalité. Désormais intégrés dans un système " tout radial ", ils justifient pleinement le choix du deuxième constructeur mondial : même du Brembo Oro radial n'atteint pas ce degré de performances. La R1 2007 présente tout bonnement les meilleurs freins jamais vus sur une moto de grande série . tout y est au plus haut degré : puissance, endurance et finesse des sensations tant sur route que sur circuit. Un régal, mais qui a son prix : si vous faites de la piste et que vous voulez tirer avantage de ces freins, vous devrez pratiquer une musculation adaptée des bras, car la R1 les mettra rudement à l'épreuve !Pourtant, et vous l'aurez remarqué comme nous, ce n'est pas sur les freins que Yamaha a axé sa campagne de communication, c'est plutôt sur la conjonction des systèmes YCC-T (Yamaha Chip Controlled Throttle) et YCC-I (Yamaha Chip Controlled Intake). En langage de néophyte, l'accélérateur électronique étrenné l'an dernier sur la R6 et l'admission variable.
Yamaha présente cette dernière technologie comme l'un des développements les plus importants en matière de contrôle électronique des moteurs. Emboî.tant le pas au dossier technique édité par Yamaha, on vous explique l'affaire : sur un moteur, la longueur d'une tubulure d'admission détermine le rendement optimal sur la plage de régimes la plus fréquentée. Une longue tubulure d'admission offre des puissances élevées à bas et moyen régimes alors qu'une admission plus courte favorise la puissance à hauts régimes. Lors de la phase d'admission, la descente du piston crée une dépression au niveau de l'admission, cette différence de pression entraî.ne une réaction inverse dans la direction de la soupape d'admission. Ce phénomène accroî.t le rendement volumétrique du moteur. Une tubulure d'admission plus courte produit une onde de pression plus courte mais plus marquée, une tubulure plus longue ralentit l'onde de pression. Sur cette base, une admission contrôlée électroniquement permet en principe d'offrir des performances optimales sur toute la plage de régimes. Le système Yamaha utilise quatre cornets d'admission légers en résine de plastique, qui sont divisés en une section supérieure et une section inférieure, et qui sont intégralement connectés, les deux sections constituant un cornet d'une longueur de 140 mm. Lorsque le moteur de la R1 2007 atteint un régime spécifique, et que l'ouverture du papillon des gaz excède un certain niveau, les cornets supérieurs et inférieurs se séparent pour créer une tubulure d'admission plus courte d'une longueur de 65 mm. La séparation des quatre cornets d'admission est simultanée et réalisée par un servomoteur contrôlé électroniquement. En ville, dans les bas régimes donc, le moteur fait appel aux tubulures d'admission de 140 mm, qui lui offrent un couple important et une excellente réactivité à l'accélération. De son côté, le système YCC-T optimise le couple et procure une réponse à la fois instantanée et précise aux sollicitations du pilote. En effet, le boî.tier électronique intègre trois puces haute vitesse analysant constamment la façon dont le pilote manie la poignée des gaz. Voilà pour la théorie et, sur circuit, il est vrai qu'on profite à plein de ces avancées. Par contre sur la route, le pilote de la R1 2007 pourra mesurer tout à loisir l'écart existant entre la théorie et la pratique...
Avec 180cv sans air forcé, le propulseur de la R1 2007 enterre tous ses prédécesseurs de la série R. D'autre part, on vous explique chez Yamaha que le retour à une culasse à 16 soupapes (au lieu des 20 du concept Genesis qui prévalait jusque-là) s'imposait pour tirer le meilleur parti possible des systèmes YCC-T et YCC-I que nous venons de détailler. Donc, sur le papier, c'est que du bonheur. Et au guidon ?On va passer sur les aspects pratiques de plus en plus réduits, mais on épinglera tout de même les rétroviseurs, dont les longues tiges font croire à une efficacité qui ne résiste pas à l'usage : on n'y voit pas suffisamment loin. Un bloque disque trouvera sa place sous la selle passager, sans plus. Comme nous le disions l'an dernier certains affichages du tableau de bord sont peu lisibles en raison de leur petite taille. Une fois en route, on ressent rapidement l'appui sur les poignets, le manque de protection de la bulle et l'hydraulique de suspension pas assez freinée en détente. Résultats garantis : mal aux poignets (surtout en ville), fatigue cervicale et, pour ceux qui y sont sujets, douleurs lombaires. Ceci étant, et nous l'écrivions l'an dernier, sachant qu'on achète une hyper sportive, il n'est peut-être guère pertinent de se plaindre de son inconfort. C'est à vous de voir, mais nous trouvons tout de même regrettable que la R1 régresse dans ce domaine.
Une moto pour les pilotes, disions-nous plus haut, pas forcément pour les motards. Et nos impressions de conduite sur route viennent corroborer ce constat. Comprenons-nous : l'efficacité générale de la moto n'est aucunement en cause puisqu'elle adhère au parquet en toutes circonstances, qu'elle freine d'enfer (on s'extasie sur chaque décélération) et qu'elle est valorisée par le regard d'autrui. Mais ce moteur bardé de techniques de pointe ne nous a pas vraiment convaincus sur la route. Pourquoi ? Parce que contrairement à ce que déclare Yamaha, le couple aux bas et moyens régimes ne profite pas des technologies embarquées. Que du contraire même : le moulin de la R1 se révèle très creux sous les 5.000rpm, à telle enseigne qu'on se croirait sur une 600... En ville, on reste évidemment souvent sous les 5.000 tours fatidiques et, quand on rouvre pour effectuer un dépassement, on est tout étonné de devoir attendre un régime plus favorable pour que la R1 veuille bien décoller, ça peut même vous valoir quelques frissons parce qu'on ne dépasse pas aussi vite qu'on le pensait. Un exemple frappant ? Il nous a été donné à un feu rouge par cette Deauville 700 dont le conducteur venait précisément de nous dire qu'il était très pressé : la Honda est partie devant la R1 sans aucune discussion. Son pilote ne se doutait sû.rement pas qu'on avait pourtant ouvert les gaz pour vérifier nos allégations sur la paresse du nouveau bloc à bas régimes... Evidemment, dès que les 5.000 tours sont atteints, la Deauville est impitoyablement aspirée et déposée dans vos rétroviseurs. N'empêche, cette paresse du nouveau bloc R1, on a du mal à la pardonner quand on est au guidon de cette 1000 surpuissante. Peut-on néanmoins la comprendre ? Ecoutons Toyoshi Nishida, le R1 Project Leader : " Les puissances atteintes aujourd'hui nécessitent une réelle réflexion sur la maî.trise de la moto et son exploitation maximale [...] Les motos sportives doivent être facilement exploitables pour être agréables à conduire et efficaces à piloter. " Voilà qui est dit : exploitable sur route, la R1 l'est parce que sa puissance vous arrive d'abord à dose homéopathique et donc, sans jamais vous déborder. Difficile à critiquer, si ce n'est au nom du plaisir. D'autant que ce qui se passe au-delà des 5.000rpm perpétue la mise à mort radicale du " coup de pied au cul " cher à tout motard : la R1 pousse très fort, de manière impressionnante même, mais avec une linéarité qui vous le fait peu sentir. Décidément toutes les grosses sportives suivent ce chemin de la dilution des sensations au nom de l'efficacité... On peut s'amuser sur route en R1, mais pour ce faire, il faut escalader le compte-tours et on constate alors qu'entre 10.000 et 14.000 tours, ce nouveau moteur est une authentique furie qui peut vous bousculer les neurones. Chouette ! Le problème, c'est qu'à ces régimes, même sur le premier rapport, on dépasse déjà les 120/130km/h qui nous sont alloués... Ainsi en troisième, après une montée en régime digne d'un avion de chasse en postcombustion, le tachymètre affichait un effarant " 230 " alors que nous étions... en zone urbaine. Un agrément de conduite à ce prix, nous ne pouvons nous empêcher de penser que c'est irrationnel. Pourtant, il paraî.t que cela s'appelle le progrès.
Une question de pilotage ?
Fins diplomates, les Japonais ont présenté la R1 2007 au Qatar pour un test uniquement confiné au circuit. Nous les comprenons parfaitement, car c'est là que leur moto donne sa pleine mesure et que sa technologie s'avère la plus convaincante. De fait, on n'a noté aucune voix discordante dans le concert de louanges accordé à leur nouvelle 1000. Excepté quelques journalistes éclairés qui ont signalé une certaine lourdeur à la mise sur l'angle. Qu'en est-il ?Cette lourdeur, nous l'avons également constatée : la R1 se verrouille sur son freinage dantesque et doit être forcée pour rentrer en courbe, ce qui aboutit à en faire une moto physique à piloter. Et plus le circuit est technique, plus vous suez... La puissance du freinage n'y est sans doute pas étrangère, pas plus que les 5kg pris par la R1 depuis l'an dernier . elle est aussi 20mm plus longue, ce qui ne favorise évidemment pas la maniabilité. Ceci posé, il faut savoir que, de l'avis de confrères français compétents, cette caractéristique disparaî.t lorsque la R1 2007 est chaussée de vraies gommes racing. Une moto de pilote, on vous le disait ! Nous, nous roulions en Pirelli Diablo Corsa III, et nous avons dû. nous retrousser les manches pour l'inscrire en courbe... Bon, après tout, c'est une 1000 et il n'est pas scandaleux de devoir la forcer un peu . mais une CBR ou une GSXR 2006 n'en demandent pas autant.
Une fois sur sa trajectoire et bien aidée par un embrayage assisté très fin (antidribbling), la R1 se montre impériale : rigoureuse, stable, rigide. Et on arrive alors à son second point (très) fort outre son freinage : l'avantage que lui confère la conjonction des systèmes YCC-T et YCC-I lors des réaccélérations. On l'a vu, l'arrivée de la puissance est aisément gérable mais sur une piste, où vous essorez la poignée dès que la fin de la courbe est en vue, le servomoteur électronique commandant l'admission réagit plus vite pour raccourcir les conduits, de sorte que la cavalerie déboule suffisamment vite. Et là, l'électronique embarquée sert votre cause : vous vous prenez à réaccélérer de plus en plus fort et de plus en plus tôt . il suffit d'appuyer plus fort sur le slider intérieur et la R1 vous extrait de la courbe comme un boulet sort d'un canon. Et le tout avec un sentiment de sécurité que les autres 1000 ne vous donnent pas. En fait, la conjugaison de l'YCC-T avec l'YCC-I joue tant soit peu le rôle du traction control utilisé en MotoGP et en Superbike. Cette sérénité à la remise des gaz, c'est vraiment un plus sur circuit. Mais, une fois encore, ce n'est pas un truc dont les routards profiteront souvent.Une question d'approche ?Cette R1 2007 nous laisse décidément dans la perplexité : on peut difficilement intenter un procès d'intentions à un engineering qui en fait une machine docile, pourtant elle déçoit parce qu'elle est avare de sensations et parce qu'elle est creuse sous les 5.000rpm. On ne peut que se réjouir de sa puissance énorme et néanmoins maî.trisée en usage circuit et de la pertinence de ses choix technologiques, pourtant ces qualités la confinent au pilotage plutôt qu'à la conduite. Quel paradoxe : une hyper sportive domestiquée et donc susceptible de s'adapter à tous, mais qui ne sera pleinement appréciée que par une poignée de motards chevronnés...
Fiche Technique
Yamaha R1 2007 - 13.990&euro. en mars 2007ENGINEType Liquid cooled, 4-stroke, DOHC, 4-valve, Displacement 998 cc Bore &. stroke 77.0 x 53.6 mm Compression Ratio 12.7:1 Max. power (without direct air induction) 132.4 kW (180 PS) @ 12,500 rpm Max. power (with direct air induction) 139.0 kW (189 PS) @ 12,500 rpm Max. torque (without direct air induction) 112.7 Nm (11.5 kg-m) @ 10,000 rpm Max. torque (with direct air induction) 118.3 Nm (12.1 kg-m) @ 10,000 rpm Lubrication Wet sump Carburettor / Fuel supply Fuel injectionClutch type Wet multiple-discTransmission 6-speed Final transmission Chain CHASSIS Frame Aluminium die-cast Deltabox Front suspension Telescopic forks, diam 43 mm Front wheel travel 120 mm Rear suspension Swingarm Rear wheel travel 130 mm Caster angle 24°. Trial 102 mm Front brake Dual discs, diam 310 mm Rear brake Single disc, diam 220 mm Front tyre 120/70 ZR17MC (58W) Rear tyre 190/50 ZR17MC (73W) DIMENSIONS Overall length 2,060 mm Overall width 720 mm Overall height 1,110 mm Seat height 835 mm Wheelbase 1,415 mm Min. ground clearance 135 mm Dry weight 177 kg Fuel tank capacity (reserve) 18 litres (3.4 litres) Consommations mesurées : de 8 à 10L/100km suivant type de conduite.ImportateurD'Ieteren SportParc industriel de la Vallée du Hain 371440 Wauthier-Braine02/367.14.11
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