Puisque la Turismo Veloce est typée trail, pourquoi ne pas l'étalonner à l'aune de l'indéboulonnable référence du segment? Philippe G. roule en GS depuis 8 ans et s'est frotté à l'Italienne. Voici ce qu'il en pense...
Travaillant à Bruxelles et habitant sa banlieue, Philippe utilise sa GS 2012 au quotidien sur de faibles distances mais prend chaque année la route avec un groupe d'amis pour des voyages dans les pays voisins. De quoi bien connaître tous les secrets de sa compagne allemande.
Une question de look
Difficile de commencer ce compte-rendu sans parler d'esthétique, surtout face à une machine italienne... Les goûts et les couleurs sont certes très personnels, mais il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour critiquer la MV à ce point de vue. J’ai particulièrement apprécié les profils, surtout le droit, avec le carter d'embrayage transparent. L’arrière est magnifique, épuré dans ses formes mais sportif et imposant grâce aux dimensions du pneu. Et ces trois pots superposés toisant une jante bellissima, c'est gravement attirant!
Splendide superposition tout en légèreté des deux selles très bien finies (comme toute la moto d'ailleurs). Le phare arrière agressif et très lumineux, les spoilers et prises d'air, la couleur retenue, tout concourt à faire de cette moto une vraie beauté italienne face à laquelle, je l'avoue, ma germanique monture a bien du mal à soutenir la comparaison. Le seul bémol, mais cet avis n’engage que moi, c’est le phare avant qui manque un peu d'audace par rapport au reste. Je préciserai que je n’ai pas roulé avec les valises mais que je les ai vues de près. Eh bien, je crois que pour une fois, je ne serais pas gêné de rouler avec des sacoches latérales… Elles sont très jolies et bien profilées, aux antipodes des casiers métalliques commercialisés par les Bavarois.
Quid du confort?
Avec une telle différence de gabarit entre les deux motos, j'appréhendais un peu l'inconfort que pouvait générer l'Italienne; erreur! La selle relativement haute est étonnamment confortable malgré son élégante finesse. Avec la facilité apportée par les suspensions pilotées électroniquement, je crois que je n’aurais aucune peine à avaler 500km quotidiens au guidon de la Turismo Veloce. La position de conduite est idéale pour moi et même améliorée par rapport à la GS grâce à un guidon plus étroit et plus proche. En position haute,
la bulle s'avère très efficace tout en restant discrète. Même si MV dit de la Turismo Veloce que c'est une sportive confortable, il lui reste un petit quelque chose d'un trail, nous le verrons plus bas. Donc, la Turismo n'est pas un pullman mais son confort est néanmoins réel et je le placerais plus ou moins à égalité avec celui de ma GS qui jouit d'une bulle plus grande mais dont la position me semble moins naturelle. Et je dois dire que je ne m'y attendais pas...
T'es équipé, mon gars!
Il suffit de tourner la clé de contact pour s'apercevoir que l'équipement de la Turismo Veloce est pléthorique. En effet, contrairement aux BMW actuelles qui multiplient les écrans successifs, les Italiens ont choisi de tout afficher en continu sur le tableau de bord TFT. Résultat, il y a tellement d'infos simultanées que ça fait presque peur au début. Mais à l'emploi, tout cela est très intuitif; bien vu signor! Evidemment, c’est blindé d'électronique et paramétrable à un degré tout à fait inconnu pour moi, de l'arrivée des gaz à la gestion du couple et du frein moteur en passant par la sensibilité du ride-by-wire. Bon, les plus âgés diront peut-être que les caractères sont un peu petits... Changez donc de lunettes, les gars !
Petite critique concernant l’accessibilité de certains éléments de commande, warning et cruise control notamment. Petite différence aussi avec la Teutonne, le recul par rapport au tableau de bord est moindre, donc on doit un peu pencher la tête en avant sur la MV pour consulter l'affichage; on quitte ainsi la route des yeux. Qualité de ce défaut: comme on est plus proche de la roue avant, la MV procure une meilleure "lecture" de la route que ma GS.
LE moteur
WAOUH! C'est le seul mot qui me vient à l'esprit pour caractériser ce 3-cylindres de 800cc.
Ce propulseur nous rappelle qu'une moto doit avant tout s'articuler sur un moteur expressif. Sinon? Ben sinon, ce serait une bagnole, mon gars! Pour le Béhèmiste que je suis, ce trois-pattes est vraiment impressionnant. Plus souple que je ne croyais (bien plus que ma GS en tous cas), il ne demande qu’à monter dans les tours, et quelle allonge à chaque palier; on est même étonné qu'il ne fasse que 110cv. Quant à sa sonorité, elle est un peu métallique à bas régime mais se mue en vraie symphonie une fois dans les tours. Cela n'a rien à voir avec un son Ducati ni même Triumph; c'est plutôt apparenté à ce que sort un bolide italien à quatre roues. J’adore !
Et les transmissions?
Perso, j’ai dû m’y habituer, je l'avoue. C'est normal en même temps: on n'a pas l'habitude de rouler avec un embrayage automatique qui vous permet de rester en première quand vous vous arrêtez à un feu ou dans un bouchon... Mais une fois que l'accoutumance s'est faite, on a du mal à s'en passer et c'est ma GS qui me semblait bizarre quand je l'ai reprise. Cet embrayage automatique, c'est génial en fait. Remarquez, heureusement que l'embrayage est automatique parce que le levier est sacrément dur à manœuvrer, ce qui est classique chez les Italiennes, paraît-il. De son côté, la boîte est fort bien étagée et les six rapports m'ont semblé tirer exactement ce qu'il faut, ni trop courts ni trop longs, avec une commande bien plus souple que sur ma GS. Reste le shifter; c'est un équipement dont je ne suis pas coutumier et qui m'a semblé très agréable à utiliser dans les tours. Par contre, à bas régimes, j'avais quand même un peu l'impression de "faire mal" à la Turismo Veloce. Ceci dit, le shifter opère aussi bien en mode up qu'en mode down et c'est à souligner parce que ce n'est pas le cas sur la Ducati d'un de mes amis dont le shifter descend les rapports plus volontiers qu'il ne les monte.
Comportement
Bien plus courte et plus légère que ma GS, nantie d'une foule de réglages possibles et d'un vilebrequin contrarotatif comme en MotoGP, rien d'étonnant à ce que la Turismo Veloce me semble d'une réactivité fulgurante en comparaison de ma 1200. Le châssis tubulaire fait aussi son office pour vous mitonner une tenue de route dont les standards de précision excèdent ceux d'une GS qui n'a pourtant pas à rougir en la matière. C'est là qu'on se rend compte que la MV reste une sportive avec des airs de trail; elle est super agile mais aussi assez facile pour que chacun puisse prendre plaisir à la faire virevolter dans les enchaînements de virages. Avec un minimum de savoir-faire et en grimpant dans les tours, c’est montée d’adrénaline récurrente garantie; en deux mots, le pied ! Et revenons à ce que je disais précédemment, son petit côté trail est réel. Ainsi, je suis me suis aventuré dans des chemins bosselés et terreux, et ça passe notamment parce que la garde au sol reste confortable. Ah oui, j'oubliais deux détails en passant: le rayon de braquage est court et on dispose d'un frein de parking indispensable dans les rues en pente. Eh oui, avec l'embrayage automatique, on a beau rester en première à l'arrêt, la moto roule toujours...
Mon verdict
La Turismo Veloce est une moto sportive qui conserve certains avantages d’un trail (garde au sol haute, position de conduite, confort sur long trajet). Elle représente le meilleur des deux mondes. Mais son âme, c'est ce fabuleux trois-cylindres; une fabrique de plaisir et un shot d'adrénaline garanti à chaque rotation de la poignée droite. Le plus bel hommage que je puisse lui rendre, c'est de dire qu'en en descendant, je m'interrogeais vraiment pour savoir s'il ne serait pas judicieux de m'en offrir une...
Ceci posé, ne méconnaissons pas qu'elle requiert peut-être plus d'expérience qu'une GS dans la mesure où l'Italienne se pilote davantage. Maintenant, la GS par son poids supérieur et sa maniabilité (largement) inférieure peut aussi surprendre. Pour tirer la quintessence de cette MV Agusta, il faut soit un minimum d’expérience soit une phase d’apprentissage et d’audace, contrôlée bien sûr. Mais quel plaisir elle distille à son pilote!
Avoir pu l'essayer durant une semaine me place un peu dans la position du quinquagénaire ayant connu une liaison passionnée avec une diva italienne mais contraint par les circonstances de revenir vers sa placide épouse germanique...
Philippe G.