Depuis sa création en 1911, Benelli a plus d’une fois connu les affres d’une banqueroute toute proche sans jamais sombrer. Depuis son alliance avec les Chinois de Qianjiang, l’avenir semble assuré car les progrès et les nouveautés s’enchaînent rapidement; la grosse Leoncino est là pour le prouver.
Il y a quatre ans, lors de la présentation presse des petites Leoncino 500, nous avions eu l’occasion de partager un petit-déjeuner avec les responsables italiens de Benelli. Ils nous avaient expliqué que l’âme de la marque restait bien transalpine et parlaient avec respect voire avec enthousiasme de leurs partenaires chinois, toujours à l’écoute et susceptibles selon eux de faire évoluer rapidement la marque vers un haut degré de qualité. Ma foi, lorsqu’on mesure les changements entre les premières Benelli made in China et cette Leoncino 800 en termes de finition et de qualité perçue, on est tenté de croire à ce jugement de nos hôtes italiens. En effet, vue de près, cette grosse Leoncino ne rend pas grand-chose à des « concurrentes » plus cotées que l’on peut trouver chez Ducati (Scrambler 800), Triumph (Trident 660) ou ailleurs.
Franchement, à part quelques câbles un peu trop apparents derrière le phare, la Leoncino en jette et a, du reste, suscité quelques commentaires élogieux de passants qui la détaillaient à l’arrêt, et parmi eux, il y avait aussi des connaisseurs. S’il faut chercher des domaines où la Benelli rend encore quelques points aux machines des marques établies, c’est plutôt du côté de l’équipement qu’il faut chercher.
Tour du propriétaire
En selle : ouh, c’est ferme et les suspensions s’affaissent à peine ; peu s’en faut qu’on se croie sur une sportive ! Impression d’ailleurs confirmée par la dimension des pneus. Si le 180 retenu à l’arrière a un côté patrimonial (ça fait « grosse bécane »), nous verrons qu’il n’a pas que des avantages en dynamique. L’affichage TFT est plutôt réussi avec son double barre-graphe en guise de compte-tours et reste toujours très lisible ; par contre, il est plutôt dépouillé.
Logique : à part l’ABS, il n’y a ici aucune électronique embarquée (mais l’embrayage est assisté) et on ne dispose donc que d’une unique cartographie. On regrettera cependant que l’instrumentation n’intègre pas de thermomètre. Les deux commodos sont nécessaires pour circuler dans des menus simples et conviviaux. A l’inverse, ils sont aussi nécessaires pour commander l’éclairage (feu de jour, de croisement, de route), et c’est d’une complexité presque risible ; heureusement, l’omniprésence des LEDs donne de l’efficacité à l’ensemble, et c’est ce qui prévaut ; nous avons pu le constater en roulant en nocturne.
Mastoc, la fourche Marzocchi de 50mm est dépourvue de tout réglage tandis que l’amortisseur arrière offre une molette de précontrainte très facile d’accès. On remarque encore un guidon très large, qui accentue bien entendu la prise au vent, et des réglages de leviers… virtuellement inutiles : quelle que soit la position retenue, il vous faudra de longs doigts et une poigne certaine pour les manipuler. Dommage parce que le triangle retenu (guidon, repose-pieds, selle) a de quoi convenir à la grande majorité des utilisateurs potentiels.
En selle
Parlons moteur à présent. Le bicylindre en ligne était apparu en 2019 sur les confidentielles 752 S et C. Ce bicylindre de… 754cc (le « 2 » des 752 indiquait en réalité le nombre de cylindres, conformément à la tradition Benelli) constitue LA découverte de cet essai parce qu’il offre un caractère propre à séduire. Mais oui, du caractère dans un moteur ; désormais, les Chinois peuvent le faire aussi ! On n’ira pas jusqu’à le comparer aux trois-pattes MV Agusta ou Yamaha, d’ailleurs bien plus puissants, mais la Benelli n’a certes pas à rougir d’une comparaison avec un bloc de MT-07 ; au contraire, il s’avère peut-être même encore plus rempli que le moulin nippon. Pas de coup de pied aux fesses ni de super-héros qui vous pousse dans le dos, mais une force franche dès les bas régimes et qui ne s’essouffle jamais jusqu’aux alentours de la zone rouge, avec même un étonnant regain sur les deux derniers milliers de tours.
Il y a vraiment là de quoi faire plaisir au plus grand nombre, d’autant que le propulseur s’avère d’une belle rondeur : malgré nos tentatives scélérates de le prendre en défaut sur ce terrain, il faut reconnaître qu’il a passé toutes les épreuves avec une aisance insoupçonnée a priori. Et tout ça dans une sonorité bien agréable dont on pourrait douter qu’elle satisfasse à la norme Euro5. Bref, ces 76 chevaux-là font le travail qu’on en attend et y ajoutent une ferveur qui ne peut que plaire.
En matière d’ergonomie, la Leoncino standard offre une position assez naturelle et relaxante, sauf que son guidon très large impose d’écarter les bras, ce que les plus petits d’entre nous pourraient trouver contraignant ; c’est un peu la même remarque que pour les leviers fort écartés… Ceci dit, on s’y fait vite, mais cette position engendre évidemment une pression renforcée du vent, notamment sur autoroute ; et n’attendez aucun secours ni du joli contour de phare ni de l’instrumentation.
Avec une fourche de 50mm, on s’attend à un amortissement de qualité ; eh bien c’est raté car c’est beaucoup trop ferme pour encaisser les irrégularités routières. Avec cette fourche « en bois », il est clair que l’amortisseur arrière a du mal à gérer le profil de la chaussée lui aussi. Il s’ensuit une double sanction sur les revêtements bosselés : le confort est aux abonnés absents et le guidage s’en ressent parce que, trop peu freinées en hydraulique, les suspensions ont tendance à faire rebondir le lionceau qui, dans certains cas, se retrouve plus souvent en l’air qu’au sol. Heureusement, rien de tout cela sur les routes planes. Là, la Leoncino fait preuve d’un comportement tout à fait satisfaisant et gomme même plutôt bien son relatif embonpoint (222kg à sec). Elle paie juste un tribut en maniabilité en raison de la largeur de ses pneus, mais c’est vraiment léger et, sans être spécialement vivace, la Benelli n’est pas non plus paresseuse à la mise sur l’angle. Lorsque les routes ne sont pas (trop) dégradées, la Leoncino peut donc être gratifiée d’un comportement très sain et sans paresse ; de quoi aisément satisfaire son propriétaire. Pour en revenir à la dureté (et à la sécheresse) des suspensions, nous pensons que tout cela pourrait facilement être résolu par l’adoption de ressorts progressifs tels qu’en conçoit la marque hollandaise Hyperpro. Pour environ 300€ les trois ressorts, il en sortirait une machine transfigurée tant en confort qu’en qualités routières, nous en avons plus d’une fois fait l’expérience sur des motos personnelles. Bien sûr, c’est un débours supplémentaire, mais limité à environ 3% du prix catalogue, ça nous semble acceptable.
D’autant que le freinage profiterait aussi pleinement d’une fourche plus progressive. D’origine, les étriers radiaux siglés Benelli ne déméritent pas et offrent une puissance largement suffisante ; par contre, le feeling au levier et la progressivité de la décélération souffrent de la raideur de la fourche. Cela freine, et même bien, mais le ressenti du pilote n’est pas optimal. Peut-être qu’un maître-cylindre radial… ; mais non, là on ferait enfler la facture ! Du côté du frein arrière, c’est plutôt efficace ; par contre, c’est la course de la pédale qui, très longue, dilue un peu la finesse des sensations. Quant à l’ABS, il nous a semblé intervenir judicieusement et jamais trop tôt, ce qui est un gage d’efficacité. Pour conclure sur ce chapitre, disons clairement que la Leoncino n’est absolument pas une mauvaise freineuse, c’est juste que ses commandes (et sa fourche) n’aident pas le pilote en termes de ressenti.
Nous vous aurons tout dit de ce beau scrambler (c’est ainsi que Benelli présente la Leoncino dans son catalogue) lorsque nous aurons signalé que les transmissions se font oublier, comme il convient sur une moto bien née, avec une mention spéciale à l’embrayage assisté qui jugule parfaitement le frein moteur et permet donc de rétrograder l’esprit léger. La sellerie est un peu dure et, si le strapontin arrière est un peu exigu, le passager apprécie la position de ses jambes.
Qui adopte le lionceau ?
Pour 8399€, Benelli offre avec sa grosse Leoncino une très jolie moto à l’esthétique inspirée –le design est étudié en Italie !- et à la finition valorisante. Le fabricant italo/chinois s’appuie sur une tradition séculaire qui peut séduire tous les amateurs de courant néo-rétro et il signe ici un moteur qui ne dépare certes pas l’histoire de la marque. L’inconfort relatif et les suspensions perfectibles sont aisément améliorables, comme nous l’avons vu, et pourraient aussi très bien être conservés en l’état. Benelli progresse donc nettement avec cette Leoncino 800 qui mérite qu’on s’y attarde à l’heure du choix.
Données techniques Benelli Leoncino 800
Moteur
bicylindre 4T, refroidissement par eau, double ACT, 4 soupapes
Alésage x Course 88 x 62 mm
Cylindrée 754 cm3
Puissance 56 kW (76,1 ch) à 9000 tr/min
Couple 67 Nm à 6500 tr/min
Alimentation injection
Transmission 6 rapports, chaîne
Cadre / Châssis
treillis tubulaire en acier
Suspension avant fourche inversée diamètre 50 mm, débattement 130mm
Suspension arrière mono amortisseur, débattement 130mm
ABS
Frein avant Double disque ABS, diamètre 320 mm
Frein arrière simple disque, diamètre 260 mm
Pneu avant 120/70 - 17
Pneu arrière 180/55 - 17
Dimensions
Poids 222kg
Hauteur de selle 800 mm
Longueur 2140 mm
Empattement 1460 mm
Essence 15 litres
Norme Euro5
Garantie 2 ans pièces et M.O.