De nos jours, la sortie d'une BMW de petite cylindrée est un événement en soi. Fabriquée en Inde à l'attention des marchés émergents, cette G310R -dont on attend prochainement la variante GS- nous est apparue sérieuse, souvent séduisante; en un mot, convaincante.
Remarquez, au moment de choisir ce dernier qualificatif, nous aurions pu opter pour "originale" tant son petit monocylindre se démarque de la production actuelle, surtout en matière de petites cylindrées. Jugez-en plutôt: injection, culasse à 4 soupapes et double ACT, jusque-là, rien de tonitruant. Soupapes à linguets, revêtement carbone sur l'axe du piston allégé, cylindre traité au Nikasil antifriction et présence d'un balancier d'équilibrage; la recherche de qualité se précise. Et pour couronner l'ensemble, une architecture certes logique, mais rarissime dans la production actuelle: un cylindre "open deck", dit-on en anglais, incliné vers l'arrière et coiffé d'une culasse tournée à 180°. Résultats techniques: l'admission est située à l'avant du bloc tandis que l'échappement est à l'arrière, générant ainsi un chemin d'admission virtuellement rectiligne, ce qui est bénéfique pour la puissance mais aussi pour le volume dévolu à la boîte à air. Résultats dynamiques: d'abord, un réservoir plus court dans lequel les mouvements du carburant sont mieux contrôlés; et ce n'est pas innocent car on se souvient que la Kawasaki Z300 y était très sensible. Ensuite, et surtout, un bloc propulseur rapproché du centre de gravité et de la roue avant; ce qui, nous le verrons, confère à la petite Béhème un comportement très joueur. Ah, et si vous n’aimez pas trop le look de son tromblon, eh bien sachez qu’il en sort une musique finalement plutôt séduisante.
Cela posé, il est clair que le constructeur n'a pas cherché à faire de son petit roadster le leader de la catégorie en performances pures: avec 34cv à 9500rpm (et vous avez même droit à une shift light!) et un couple de 28Nm à 7500rpm, on reste relativement loin des ténors autrichiennes de la catégorie puisqu'une KTM RC390 affiche 10cv de plus et 9kg de moins. Et il est vrai que s'il est un grief que nous adresserions à la G310R, c'est effectivement qu'il lui manque une dizaine de chevaux pour rendre son conducteur pleinement heureux, du moins lorsque ce dernier a déjà goûté à des puissances supérieures. Sachez cependant que, lorsque nous lui faisions cette remarque, un technicien de l'importateur nous répondit: "C'est vrai qu'elle pourrait être plus puissante mais attention, la conformation de notre cylindre est telle qu'il est très facile de faire passer la moto à 400 vrais centimètres cubes et donc d'y gagner puissance et couple à peu de frais." Dont acte.
En l'espèce, le petit bloc de 313cc est loin d'être anémique et votre serviteur, un grand aérofrein pesant dans les 120kg avec équipement et gros sac à dos, a tout de même atteint 150km/h au compteur en palier. Mais, de fait, une KTM RC390 vous emmène à 160km/h compteur... avec une passagère. Donc, il y a bien une différence. Néanmoins, la souplesse et la linéarité du moteur BMW sont appréciables pour un petit mono et il vous gratifie clairement d'un regain de puissance plaisant aux alentours de 6500 à 7000rpm, de sorte qu'au total, il n'y a guère que sur de longues portions autoroutières -pour lesquelles cette 310 n'est pas conçue, convenons-en- que le manque de puissance et de vitesse peut se faire sentir.
Du côté de la consommation d'essence, BMW annonce fièrement 3,3L/100km et, comme la riche instrumentation offre un calcul des consommations (moyenne et instantanée), nous avons eu tout loisir de vérifier que la moyenne de notre essai en était... loin: entre 4,9L en ville et près de 7L/100km sur autoroute prestement avalée, entendez "poignée dans le coin". Disons que le chiffre avancé par le constructeur est peut-être accessible en enroulant très gentiment en banlieue. Et tenez compte aussi que votre bidon n’emmène que 11 litres au moment de planifier un parcours ; heureusement, le décompte kilométrique de l’instrumentation veille au grain pour vous éviter le désagrément de la panne sèche…
Zoome là-dessus!
De prime abord, il faut laisser à la G310R que la qualité perçue est bien au rendez-vous. Les détails flatteurs sont nombreux, à l'instar du té et des fourreaux de fourche, de l'instrumentation, des jantes et des plastiques en général. Incontestablement, la petite Béhème en jette et ce, d'autant plus que son gabarit la ferait aisément passer pour une 600. Il y a bien quelques détails moins heureux comme du câblage apparent, mais ils passent inaperçus au bénéfice d'un ensemble respirant le sérieux inhérent à la marque. Et c'est là qu'on se dit qu'en maintenant son nouveau modèle sous la barre psychologique des 5000€, BMW nous propose une sorte de maître-achat en termes de rapport qualité/prix. Cela ne signifie pas forcément que nous croiserons des légions de 310R sur nos routes, car le modèle se destine surtout aux marchés émergents plus friands de petites cylindrées que ne le sont les Européens, mais à n'en pas douter, celui qui optera pour cette nouvelle BMW ne sera pas déçu.
Et d'autant plus qu'au chapitre dynamique, la petite Allemande assure à coup sûr. Nous parlions plus haut de l'influence de l'implantation moteur sur le comportement: la G310R s'avère remarquablement maniable et semble, à l'usage, peser bien moins que ses 145kg à sec. Les giratoires et autres pifs-pafs en tous genres sont avalés avec brio. D'autre part, le positionnement moteur a aussi permis d'équiper cette 310 d'un bras oscillant rallongé qui apporte son lot de stabilité à haute vitesse; même à fond en dépassant de gros véhicules sur l'autoroute, la machine reste imperturbable. Et il en est de même pour la motricité. Vous me direz qu'avec 34cv, on risque peu de se faire dépasser par la cavalerie, il n'empêche que la G310R vous permet de dévisser la poignée droite encore sur l'angle sans jamais amorcer le moindre décrochage. Elle est aussi bien servie en la matière par sa monte d'origine, des Michelin Pilot Street. Mais l'essentiel vient d'ailleurs...
A dire vrai, ce qui nous a frappé d'emblée sur la G310R, c'est la qualité et l'accord de ses suspensions: dès la sortie des locaux de l'importateur, une succession de casse-vitesses protubérants nous avait montré leur haut niveau de travail hydraulique. Et tout au long de nos 600km d'essai, ces suspensions nous ont enchanté. Non seulement la moins chère des BMW s'avère confortable -et c'est une gageure sur les routes de la région du Centre que nous arpentons souvent!- mais ce confort ne le rend en rien à l'efficacité. Tant sur billard (pour autant que ça existe encore en Belgique) que sur revêtements torturés, la 310 garde son cap avec brio, comme pourrait le faire une grosse cylindrée suspendue par des éléments prestigieux. Cette qualité de suspensions a été une surprise sans cesse renouvelée sur nos divers parcours, pourtant très sélectifs à ce point de vue.
Et il en va grosso modo de même lorsqu'il s'agit de freinage. L'étrier radial Bybre (comprenez By Brembo) procure une bonne puissance de décélération parfaitement servie par la fourche inversée qui, par sa plongée très mesurée, ne dilue aucunement le freinage et permet à la moto de rester bien en ligne. Des puristes expérimentés regretteraient peut-être que le freinage ne soit pas plus franc à l'attaque du levier, mais en fait, c'est au bénéfice de la progressivité qui, elle, sera appréciée de tous. L'élément arrière de son côté est un peu plus qu'un simple équilibreur et rassure. En complément de l'étrier avant, il assure une décélération (très) efficace bien servie par un ABS moderne et peu intrusif. Et, cerise sur le gâteau, BMW vous gratifie, à l'avant comme à l'arrière, de durits tressées. Danke sehr!
Dis-nous tout
Bon évidemment, les râleurs argueront que la 310 vous soumet à une forte pression du vent, mais c'est un roadster que diable! D'accord, on pourrait ergoter tant soit peu sur le verrouillage de la boîte 6 dont le point mort est parfois difficile à accrocher, mais on apprécie au contraire la course courte du sélecteur et la progressivité correcte de l'embrayage. Avec en outre un éclairage correct (le LED arrière est cependant un peu petit) et un confort de selle apprécié tant par le pilote que par le passager, lequel dispose aussi de poignées de maintien correctes.
On ne s'y attendait pas forcément, mais l'impression prévalant au sortir de cet essai est des plus flatteuses. Avec cette G310R, BMW n'a pas raté son coup et propose une moto qui s'installe d'emblée sur le podium des petites cylindrées tant par sa qualité générale que par son comportement remarquable. Et finalement, on lui pardonne aisément son (léger) manque de chevaux. Dans ces conditions, vivement la 310GS!