Nombre de pays comptent déjà un contrôle technique pour leurs motos ; à l’inverse, Finlande, Irlande et Hollande ont fait part de leur refus d’imposer un tel contrôle à leurs deux-roues. Alors que faire dans nos contrées ?
Une chose est sûre en tous cas si, comme nous l’avons fait, vous interrogez des professionnels du secteur (concessionnaires, journalistes, accessoiristes,…) sur la raison de l’imposition d’un tel contrôle, leurs avis convergent : c’est l’appât du gain qui motive aussi bien les gouvernements que les multinationales, DEKRA en tête. La plupart des professionnels sont donc contre. Nuançons car il y a cependant une exception : les importateurs eux se montrent plutôt favorables à l’instauration du contrôle technique et, ironiquement parlant, on ne peut que les comprendre. En effet, comme l’écrivaient nos confrères de MotoTrends : "D’abord, cette obligation imposerait à certains d’entre nous de se séparer de leurs anciennes montures pour... en acheter une neuve; ensuite, chaque constructeur possède dans son catalogue une série d’accessoires homologués que le motard devra acquérir s’il veut « modifier » sa monture tout en respectant les règles." On mesure aisément l'avantage économique escompté en l'occurrence par les importateurs... La position des importateurs apporte donc de l’eau au moulin du lobbying des sociétés de contrôle technique, de l’industrie et des diverses organisations de sécurité routière. Pourtant, nous pensons qu’il est pertinent de s’opposer à la création du CT pour motos et les raisons ne manquent pas, sans même évoquer la supposée compétence mécanique supérieure du motard face à l'automobiliste moyen :
- Les statistiques d’accidentologie nous apprennent que seulement 0,3% des accidents impliquant une moto sont dus à un possible défaut d'entretien. Notons que suivant la manière d'établir et d'interpréter ces statistiques, ce chiffre peut monter à 5%. L’impact du CT sur la sécurité apparaît donc, suivant les cas, très faible, infinitésimal voire nul. On nous le présente pourtant comme la panacée dans ce domaine.
- Comment ne pas mettre en doute la compétence d'agents techniques ne connaissant que (très) peu les motos ? Souvenons-nous qu’il y a une bonne vingtaine d’années, les examinateurs du permis moto devaient suivre des stages (notamment auprès de l’escadron motocycliste de la Police de Bruxelles) pour savoir ce qu’exigeait le pilotage d’un deux-roues motorisé !
- Que deviendront nos pots, bulles haute protection, commandes reculées, maîtres-cylindres radiaux, valises, pneus (pas ceux d'origine ou recommandés par la marque !), amortisseurs, selles creusées ou confort lorsqu’un agent pas forcément compétent se bornera à remarquer qu’il ne s’agit pas là d’équipements d’origine?
- Qu'adviendra-t-il des customisations et des ancêtres (perte d'huile normale, pas de clignotants, freins mous, feux en 6v, ...) ?
- Souvenons-nous aussi que par le passé, Test-Achats avait déjà attiré l'attention du public sur le manque de compétence de certains agents employés par les centres d'inspection automobile.
- Sur le sujet, la cacophonie entre les trois Régions fédérées est totale. Et, lorsqu'on interroge les responsables politiques sur les têtes pensantes qui les ont amenés à conclure à la nécessité d'un CT pour les motos, ils préfèrent ne pas répondre; c'est notamment le cas de la Ministre bruxelloise de la Mobilité, l'écologiste Elke Van den Brandt. Faut-il conclure, comme n'hésitent pas à le faire certains, que c'est le lobbying des multinationales et autres prestataires de CT qui les en ont convaincus?
- Le policier Bertrand Caroy, connu pour ses interventions dans l'émission "Enquêtes" de RTL-TVI, estimait récemment qu'un CT pour les motos était superflu.
- Terminons sur une interrogation hautement rhétorique puisque chacun en connaît déjà la réponse : ne serait-il pas plus avisé d’investir dans les infrastructures routières défaillantes plutôt que dans un contrôle inquisiteur dont les avantages restent à ce jour loin d’être garantis ?
On le voit, le bon sens suffit déjà à mettre en doute la pertinence d’un CT pour les motos mais, dans une logique typiquement capitaliste, le bon sens n’a évidemment pas droit de cité… Conscients en tous cas du manque de connaissances ambiant comme des investissements nécessaires en termes d’équipements des centres de CT automobiles, nos politiques semblent actuellement entendre d’une oreille favorable l’éventualité de confier ce CT moto à des concessionnaires agréés. Une demi-mesure destinée à apaiser les tensions, sans doute. Reste encore à découvrir les modalités pratiques et les tarifs qui seraient pratiqués.