Corsaire ou flibustier ?
Il faut reconnaî.tre que, lorsqu'en 2004, Moto Morini présenta la Corsaro 1200, beaucoup doutaient encore de la viabilité du projet. Trois ans et une moto (la " 9 ½. ") plus tard, le constructeur italien s'est bel et bien refait un nom.Situons d'abord les choses : la 9 ½., n'est pas une 950cc, elle est animée par le même 1200 que la Corsaro (passé de 140 à 117cv) assagi pour être plus disponible dès les bas régimes. Pour le constructeur, la 9 ½., dont l'appellation renvoie aux Morini 3 ½. des années '70, est une déclinaison plus routière et plus confortable de la Corsaro.
Précis de piraterie
Les débuts de la marque remontent à l'arrivée en compétition du jeune Alfonso Morini en 1925. Il est au guidon d'un mono 2-temps de 125cc qu'il a lui-même conçu. Dans les années '30, l'homme se fait respecter en étant l'un des rares Transalpins à rivaliser avec les pilotes étrangers. Plus tard, la grand Ago lui-même réalisera ses débuts en course avec une Morini 175. Dans les années '60, la marque produit de petits 4-temps qui connaissent leur heure de gloire puisqu'ils sont même exportés vers les Etats-Unis . en vedette, la... Corsaro 125.A la mort d'Alfonso Morini (1969), sa fille poursuit son &oelig.uvre. Malgré la sortie de modèles inspirés, les finances s'épuisent peu à peu et, en 1987, Gabriella Morini, se résout à vendre la marque aux frères Castiglioni, propriétaires du Groupe Cagiva-Ducati. Il s'avère rapidement que ces derniers se désintéressent de leur acquisition et des projets qui fourmillent dans les cartons... Ce n'est qu'en 1999 que la marque sera à nouveau propriété de la famille Morini qui, soutenue par Gianni Berti, un riche homme d'affaires bolognais, renaî.tra à la vie en proposant l'actuelle Corsaro.Ceci rappelé, il faut concéder que, sur le marché moto d'aujourd'hui, aucune machine n'aurait intérêt à se faire une réputation de pirate. A moins que vous la pilotiez dans les î.les caraïbes, avec l'apparence de Johnny Depp et un tricorne sur la tête. Alors cette Corsaro est-elle bien nommée ? Les corsaires écumaient les mers, certes, mais ils le faisaient officiellement, et à la solde des Etats. On honore d'ailleurs la mémoire des plus célèbres, que furent Robert Surcouf et Jean Bart... En tant que corsaire des routes, la Corsaro devrait donc afficher un comportement tout ce qu'il y a de légal en faisant clairement voir à la concurrence qu'il ne fait pas bon s'y frotter. Si par contre, la Corsaro est plutôt du genre flibustier, elle fera flotter le pavillon à tête de mort sur son vaillant pilote. Voyons cela par l'essai.
D'aspect, la Corsaro impose le respect. Sa silhouette râblée et comme tendue vers l'avant par ses pièces d'artillerie, ou plutôt par ses silencieux pointés vers le ciel, la fait indubitablement s'exprimer dans le registre agressif. " Elle a une méchante gueule ", a résumé un pilote de Tuono croisé sur une terrasse. Il est vrai qu'elle donne l'impression d'être toujours prête à dégainer l'épée pour partir à l'abordage . et nous verrons que ce n'est pas qu'une impression... La Corsaro flatte donc le premier regard et, dans l'ensemble, elle ne démérite sû.rement pas lorsqu'on la considère de plus près. L'&oelig.il s'attarde juste sur quelques détails curieux, comme le vase d'expansion bizarrement coincé entre le sommet du réservoir et les deux tés de fourche . ou encore le bouchon de radiateur en simple " plastoc " rudement cheap. On n'aime pas trop non plus la chambre de tranquillisation qui ponctue le collecteur d'échappement, la fixation du garde-boue arrière aux silencieux, les colsons trop visibles çà et là et une portion de faisceau électrique laissé à nu sous le té supérieur. Mais, convenons-en, on est là dans le registre du détail, ce qui n'empêche nullement la Corsaro d'en jeter quand même. A l'inverse, l'ensemble saute-vent/instrumentation, les platines, le guidon et ses pontets, le cadre, la fourche inversée de 50mm et les freins Brembo Oro lui offrent des touches de classe. La position de conduite est sportive et incite à l'action : on est haut perché (l'assise atteint 810mm) et poussé en avant par la selle, on note donc logiquement un appui sur les poignets. Les jambes sont bien pliées, de sorte qu'on a un peu l'impression de chevaucher un supermotard davantage qu'un roadster. C'est bon pour les sensations, c'est fun pour la ville où la Corsaro est presque un vélo, mais cela grève largement le confort. Ben oui, un corsaire, en mer 9 mois sur 12, ça vit à la dure ! N'espérez donc pas abattre de la borne, les orteils en éventail sur une Corsaro. Nous en avons fait l'expérience : 200km d'autoroute d'une traite vous fatigueront déjà solidement . la selle est dure, le bicylindre vibre (de bonnes vibrations, c'est vrai, mais usantes à la longue) et le saute-vent n'offre en réalité aucune protection alors que la position de conduite vous expose intégralement. Profitons-en pour signaler qu'un passager éventuel est encore moins bien loti car le strapontin arrière, dur et surélevé, le projette vers l'avant sans qu'il puisse se raccrocher à quoi que ce soit sinon à votre anatomie. Bref, la Corsaro n'a rien d'un vaisseau de croisière, c'est bel et bien un bâtiment d'abordage.Cela se mesure également aux aspects pratiques qui... n'existent tout simplement pas. Même un petit bloque-disque ne passera pas sous la selle passager, il vous faudra l'accrocher aux platines arrière. Et, pour y arrimer une charge, il conviendra de faire preuve d'imagination, d'autant que le réservoir est évidemment en matière synthétique. On note cependant la présence d'un warning, et on apprécie la pléthore d'informations dispensées par l'affichage digital. Tout y est et plus encore (chrono, température extérieure, vitesses moyenne et maximale, etc) puisqu'on y accède aussi à une centrale de diagnostic. Vachement techno ! Malheureusement, il y a deux hics : d'abord l'affichage digital est trop peu contrasté . il faut donc qu'il fasse sombre pour faciliter la lecture. Ensuite, et c'est souvent le cas sur les Italiennes de petite série, notre instrumentation n'était pas tout à fait étanche, ce qui rend les informations fantaisistes sous la pluie. Nous avons par exemple été crédités d'une vitesse de pointe de... 388km/h . de quoi faire des jaloux chez Ducati en MotoGP ! Plusieurs données de l'affichage sont affectées mais, heureusement, le phénomène disparaî.t à mesure que le temps s'assèche. Naturellement, pour le propriétaire d'une Corsaro, le problème serait résolu d'emblée par le remplacement du bloc instruments sous garantie.
Lorsque le bicylindre de 1187cc ouvert à 87°. s'ébroue, toute la moto prend vie sous l'effet du martèlement des gros pistons. On remarque de suite la dureté d'un embrayage viril typiquement italien . quant à la boî.te assez précise, elle évoque un peu une (bonne) boî.te BMW. On note quelques à-coups dus à des hésitations de l'injection lorsque le moteur est froid, mais cela s'estompe au bout d'un ou deux kilomètres, et on peut affirmer que l'injection de la Corsaro (une Magneti-Marelli) est fort bien maî.trisée. Avec moins de 200kg à sec, la Corsaro n'est pas une moto lourde . il faut néanmoins s'habituer à la position haute du pilote qui rehausse d'autant le centre de gravité de l'ensemble. De sorte qu'au début, on a l'impression de sentir la Corsaro " tomber " dans les entrées du courbe, mais on s'y fait vite, et même on fait un avantage dynamique de cette caractéristique.Avec 140cv (la ligne Termignoni et un autre boî.tier électronique montent même à 163cv !) et 123 Nm de couple, il est évident que le bicylindre maison fait parler la poudre. Mais sa grande qualité, à l'inverse de ce que nous avions constaté sur la Benelli Café Racer, c'est de rester exploitable : il va à l'abordage (et comment !) mais sans vous déborder. Pour vous donner un ordre de comparaison, la Corsaro fit l'admiration d'un pilote de Kawa ZX9R dans une enfilade de feux rouges : " Qu'est-ce que ça pousse ! Pourtant, j'ouvre en grand, et à chaque fois, tu t'arraches. " Oui, le corsaire dégaine vite et tire le premier, mais en sachant ce qu'il fait. On peut sincèrement affirmer que, pour une reprise, Moto Morini ne s'est pas fourvoyé : ce bicylindre-là est plein de qualités. Vraiment très puissant, il délivre plus de sensations qu'une Tuono parce qu'il vous donne le meilleur de lui-même dès 3500rpm. En plus, il n'oublie pas d'être souple et repart (en rouspétant, il est vrai) en 6°. à 1500rpm. Très expressif, ce moteur est une mine de sensations . il faut bien une Mostro S4RS pour le comparer pertinemment. Encore qu'il pousse, à notre avis, légèrement plus fort et légèrement plus longtemps que le prestigieux moteur de la Duc'. Revers initial de cette méritoire médaille, il est gourmand : on n'est pas descendu sous les 10L/100km, sauf sur autoroute. Il est vrai cependant que nous ne sommes guère restés calmes à la barre du corsaire, mais nous ne verrions pas trop l'intérêt d'une conduite pépère sur un tel engin... Second revers, et nous retrouvons là une remarque déjà émise à propos de la Benelli dont nous reparlions plus haut, le frein moteur se ressent naturellement du couple disponible : lâchez les gaz brutalement, et ça vous écrase les bras comme un freinage. Résultat subsidiaire : si vous le faites en courbe, les suspensions n'apprécient pas, et le flou apparaî.t dans votre trajectoire. Mais il est vrai que cela participe aussi du caractère bien trempé de la Corsaro. Ce n'est pas un défaut, c'est une caractéristique inévitable.
Nous vous avons déjà dit à quel point la Corsaro est à l'aise en ville . son poids contenu, sa géométrie à empattement limité, la position de conduite . presque tout est fait pour vous rendre la ville agréable. Aux radars près, la ville serait pour le corsaire une sorte de second port d'attache. Car le premier, ce sont évidemment les routes secondaires, de préférence sinueuses. C'est là que la Corsaro s'exprimera à son meilleur. Son cadre tubulaire est de grande qualité et, à dire vrai, nous ne l'avons jamais pris en défaut. Il en va d'ailleurs de même pour son joli bras oscillant asymétrique : stabilité et motricité sont au rendez-vous, et c'est heureux avec un tel moulin. L'amortisseur arrière Sachs donne ici encore satisfaction, encaissant sans broncher les bordées d'artillerie décochées par le bicylindre. Nous ne serons plus circonspects qu'à l'égard de la fourche Marzocchi. Superbe pièce, certes, mais qui n'affiche pas l'intransigeance d'éléments de certaines autres marques prestigieuses. En freinant fort, on comprend vite que cette fourche manque légèrement de fermeté, car elle plonge un peu trop facilement. Dans les grandes courbes bosselées, dans les changements d'angle rapides et, de manière générale, sur les revêtements dégradés, c'est elle qui vous ralentira un peu. Juste un peu, car elle reste une fourche de qualité, mais qui peine parfois à supporter la puissance de feu de la Corsaro. Ce n'est pas une surprise pour nous, nous avions déjà fait le même constat sur une Bimota équipée par le même fabricant. Certains d'entre vous s'étonnerons peut-être de ne pas trouver ici de disques " pétales " ni d'attirail 100% radial. S'il est vrai que les solutions classiques retenues par Morini sont moins trendy, il n'en reste pas moins qu'il serait difficile de faire mieux que l'ensemble Brembo qui équipe la Corsaro. Très grosse puissance, endurance et feeling correct sont de mise. En fait, le seul plus d'un ensemble radial proviendrait d'une dosabilité supérieure, d'un meilleur senti au levier.
Alors, corsaire ou flibustier ?Sans hésitation : corsaire. Car la Corsaro fait très bien tout ce pour quoi elle a été conçue, c'est-à-dire procurer du plaisir à son pilote dans un écrin d'exclusivité qui les valorise tous deux d'autant. C'est un fait, elle est une réussite. Trop chère, disent certains, mais nous ne sommes pas forcément d'accord avec cette affirmation, puisque la Corsaro fait accéder au monde de l'exception pour le prix d'une 1000 nippone.Ceci posé, il faut garder à l'esprit qu'il s'agit avant tout d'un générateur de sensations qui s'accommodera fort peu des trajets quotidiens (à moins qu'ils ne soient pas trop longs et n'impliquent pas trop de choses à transporter) et des balades dominicales digestives avec Madame. Par contre, si vous cherchez fun et rareté, la Corsaro 1200 pourrait faire de vous le capitaine du Black Pearl.
Fiche Technique
Moto Morini 1200 CorsaroMoteur TypeBiarbre Course Courte : bi cylindre en V longitudinal de 87°., 4 soupapes par cylindre, refroidissement liquide, double arbre à came en tête avec commande mixte pignons/chaî.neAlésage x course107 x 66 mmCylindrée 1 187 cc Puissance140 CV à 8.500 trs/minCouple123 Nm - 12,5 Kgm à 6 500 trs/minAlimentationInjection électronique Magneti Marelli avec corps à papillons de 54 mm de diam.EchappementSystème d'échappement avec double silencieux, catalyseur à 3 voies et sonde lambdaHomologationEuro 3Transmission Boî.te à vitesse6 rapportsRapports1ière vitesse 13/36 . 2e 17/32 . 3e 20/30 . 4e 22/28 . 5e 23/26 . 6e 24/25Transmission primaireEngrenages à dents droitesTransmission secondaireChaî.ne EmbrayageMultidisque en bain d'huile Dimensions Longueur hors tout2 055 mmLargeur hors tout 906 mmEmpattement1 440 mmPoids à vide 198 kgCapacité réservoir carburant 17 litres (conso mesurée : de 8,5 à 11L/100km)Châssis CadreTreillis tubulaire avec diamètre variable en acier ALS450Bras oscillantMoulé en alliage d'aluminium Angle de chasse 24,5°. Chasse (à la roue) 103 mm Angle de braquage 34°. droite et gauche Roue AV/ARBrembo alliage léger à 6 branches - MT 3,50 x 17" / MT 5,50 x 17" Pneus AV/ARPirelli Diablo - 120/70 ZR 17 - 180/55 ZR 17Suspension avantFourche Marzocchi upside-down (tubes inversés) ave tubes de 50 mm de diam. multiréglable Upside-Down-Gabel Marzocchi, Holmen diam. 50 mmSuspension arrièreA cinématique progressive avec mono-amortisseur Sachs multi-réglagesDébattement roue avant 130 mm Débattement roue arrière 130 mm Frein avantBrembo double disque de 320 mm, étrier à 4 pistons et 2 plaquettesFrein arrièreMonodisque de 220 mm avec maî.tre -cylindre et étriers à 2 pistons BremboInstrumentsCompte-tours électronique/analogique et afficheur à cristaux liquides (LCD) multifonctions
Importateur MSA INTERNATIONAL SA ZI Breedewues L-1259 SENNINGERBERG LUXEMBOURGTél. 00 352 26 34 57 1 FAX 00 352 26 34 57 57 info@msainternational.com
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