Nouvelle mais pas trop
A y regarder de près, on s'aperçoit que la 600 RR restait quasiment identique depuis 2007. il était donc temps que le premier constructeur mondial se penche sur sa supersport de pointe. Il l'a fait, mais sans excès...
Elle est loin l'époque où l'espérance de vie d'une sportive était de deux saisons. Depuis 2008 la crise financière, qui s'est muée en crise économique pour certains, a contraint les industriels à revoir leurs stratégies et à investir à plus long terme. La CBR 600 RR illustre cette évolution qui présente au moins un aspect positif: une machine japonaise ne se démode plus si vite que par le passé. Ainsi les CBR et autres GSXR sont-elles les rejetons d'ingénieurs qui gèrent désormais la technologie en bons pères de famille. Remarquez que nous ne leur faisons ici aucun procès d'intention, car une évolution moins rapide peut aussi rendre les changements plus profonds.
Pour juger de l'évolution de la RR 2013, nous avons choisi le biais inattendu d'une confrontation tout amicale avec son aïeule de 1992, la CBR 600 F2, ici dans un accastillage made in USA, ce qui vous explique la déco inconnue dans nos contrées. Certes, 21 ans d'histoire séparent ces deux machines, mais ne méconnaissons pas qu'à son époque, la F2 révolutionna aussi bien les cylindrées moyennes que ne le fit, six ans plus tard, la Yamaha R6. Allégée (185kg à sec), la F2 était la première 600 à atteindre la barre longtemps mythique des 100cv. la première vraie supersport, en somme. Si son habillage intégral ("bio", comme on disait alors) trahit son âge, son moteur, sa convivialité et ses prestations ne dépareraient pas des machines actuelles. Et d'ailleurs, qu'on se le dise: la comparaison n'est pas forcément à l'avantage de la nouvelle... En vérité, cette dernière a pour elle une efficacité générale bien supérieure (c'est que les suspensions et les freins ont évolué, entre-temps!) et une plus grande puissance. Mais, à cela près, elle est aussi bien plus exigeante physiquement, nettement moins confortable et, surtout, beaucoup moins exploitable en raison de sa mécanique plus pointue que par le passé. Alors que la F2 reprend avec vigueur dès 4000rpm, la RR s'éveille paresseusement vers 5000, et ne commence à vraiment pousser qu'au-delà de 8000 tours. Et le piquant de la situation, c'est qu'au jeu de l'accélération, c'est la vieille qui part devant! N'en déduisez pas que nous nous lançons ici dans une entreprise de destruction de la nouvelle 600. au contraire, nous soulignons que thésaurisant sur un si fort potentiel, elle ne peut que placer haut la barre des exigences. Bon sang ne saurait mentir. il faut juste veiller à ne pas être dupe de la nouveauté...
Quoi de neuf depuis l'an passé ?
Pour développer cette CBR 2013, Honda dit avoir songé tant à l'efficacité sur piste qu'à la facilité sur route avec une claire priorité accordée à la partie cycle grâce aux nouvelles jantes héritées de la 1000 (mais légèrement modifiées) et à l'adoption d'une fourche BPF, dont les avantages sont bien connus depuis son apparition sur les GSXR 1000. D'autre part, l'ECU et l'injection bénéficient d'une nouvelle cartographie... qui ne nous a pas convaincu, nous verrons pourquoi.
Boî.te à air et admission ont été modifiées, et le système de valve à l'admission IACV (Intake Air Control Valve) fonctionne désormais sur toute l'étendue de la plage de régimes. Enfin, le style de l'habillage a été retravaillé en s'inspirant, dit-on, de la RC213V de motoGP. quant à nous, on y voit une copie presque conforme des CBR 1000 2004/2005, du moins pour la partie arrière. L'avant gagne en agressivité (mais perd en protection...) et la résistance aérodynamique de la 2013 serait en baisse de 6,5% par rapport au modèle précédent. A cela près, on retrouve une motorisation identique (120cv à 13500rpm et 66Nm à 11250rpm) qui commence à dater face à la concurrence, l'amortisseur de direction électronique HESD qui ne déçoit pas et le racing ABS, un équipement vraiment efficace et sécurisant en toutes circonstances, mais qui entraî.ne un surpoids de 10kg là où Kawasaki ou BMW propose des systèmes équivalents qui plafonnent à... 2kg seulement. Honda prétend que ces deux équipements ne sont pas de vrais antiblocages racing et que son système reste donc incomparable. C'est peut-être vrai, et nous avons déjà dit tout le bien que nous pensions de cet appareillage combinant ABS et CBS. n'empêche, ces 10kg supplémentaires, s'ils restent discrets sur la 1000, sont bien sensibles sur la 600, même en utilisation routière.
Au total, nous restons un peu réticents à parler de nouvelle moto dans la mesure où la motorisation reste inchangée. et puis une supersport 2013 sortie de chez le premier constructeur mondial et qui ne présente ni embrayage assisté, ni rapport engagé, ni shift light, ni fonction ordinateur, on trouve même ça un peu mesquin...
Et cette année ?
Notre essai, écourté par le congé de l'Ascension et le pont qui le suivit, ne nous a pas permis d'emmener la 600 RR sur piste. Cependant, des terrains de jeu et des modes de pilotage diversifiés sur route nous ont permis de l'étalonner valablement. Tiens, écologie oblige, parlons consommation pour débuter: sur ce point, la nouvelle Honda s'en tire avec les honneurs puisqu'elle s'est contentée d'une moyenne de 7L/100km malgré un pilotage sollicitant la mécanique. Il faut croire que la réduction de la traî.née aérodynamique engendrée par le nouveau carénage est effective. Sans être extrême, la position de conduite est très différente de ce qui se faisait en 1992. les bracelets sont situés 3cm plus bas, les repose-pieds sont aussi légèrement reculés et rehaussés. Même si notre vieille CBR fait presque office de GT en comparaison, la RR 2013 propose néanmoins un ensemble acceptable avec son réservoir qui laisse toute latitude de mouvement au pilote. Evidemment, la selle s'est durcie et la protection a décliné à mesure que le modèle évoluait, mais les Japonais savent qu'ils ne peuvent lutter avec les Européens sur le terrain de l'exclusivité, et ils continuent donc à produire des motos susceptibles de plaire au plus grand nombre. De sorte que pour une sportive d'aujourd'hui, la CBR 2013 reste relativement civilisée et donc utilisable au quotidien.
Stylistiquement, nous apprécions l'évolution du modèle: affinée, la 600 est racée et, bien qu'il commence à être éculé, le coloris Repsol lui sied d'autant mieux qu'il met en évidence les splendides nouvelles jantes à 12 branches. Elles sont plus légères que les classiques "3 bâtons" ou que les plus spéciales "6 bâtons" de la 1992 (environ -1,5kg à l'arrière et -1kg à l'avant, nous dit-on chez Honda), ce qui leur permet de contribuer à l'agilité générale ainsi qu'à une meilleure tenue au freinage et à l'accélération. L'échappement, resté sous la selle depuis 10 ans pour accentuer la signature esthétique du modèle, est parfaitement intégré, mais génère tout de même des remontées de chaleur sensibles pour le pilote et parfois gênantes pour son passager. Une fois aux commandes, on peste tout de même: en plus des lacunes d'équipement soulignées plus haut, le levier d'embrayage n'est pas réglable, les comodos -surtout le gauche- font cheap, et l'instrumentation "plastoc" pourrait passer pour un produit adaptable bon marché. C'est simple, à l'heure du tout électronique, la 2013 n'ajoute à la 1992 qu'une horloge, une jauge et un trip supplémentaire. On est loin de l'ordinateur de bord ! Bref, à 12650&euro. le bout, tout cela déçoit...
C'est bon, ça...
Contact : tiens, les clignos restent allumés comme sur une version américaine (mais c'est bien une Européenne, précise Honda), le feulement métallique est typique d'une 600, ni anémique ni spécialement séduisant. il s'étoffe naturellement avec les tours et, une fois dans les hautes rotations, les vocalises du moulin ont de quoi faire vibrer le pilote. Au propre comme au figuré du reste, car les vibrations sont effectivement bien présentes (jusque dans la selle) à partir des régimes intermédiaires. Pour qui est accoutumé à la légèreté déjà proverbiale de la F2, celle de la 2013 n'impressionne pas: oui, les 10kg du racing ABS sont présents. Autant ils se font oublier sur la 1000, autant on croit ici les sentir sur chaque changement d'angle. Cela dit, il faut reconnaî.tre que la nouveauté ajoute à l'ensemble une précision inégalée due au travail épatant de sa fourche BPF de 41mm. Comparés aux éléments précédents, les gros pistons disposent d'une surface de pression multipliée par 3,5. Ceci permet de profiter de la force d'amortissement dès l'impulsion d'origine. Il en résulte un comportement plus progressif ainsi qu'une stabilité améliorée lors des freinages appuyés, ce qui améliore grandement la remontée d'information. Les réglages de compression et de détente sont facilités grâce au déplacement de leur commande sur le haut des tubes.
Cette fourche est donc un point fort puisqu'elle offre un gain en confort/agrément et en efficacité. Même constat valorisant pour l'amortisseur de direction électronique HESD (qui réagit aujourd'hui en fonction de la vitesse ET de l'ouverture des gaz) et pour le racing ABS efficace, peu intrusif et qui s'avère une arme redoutable sur circuit car il vous permet de freiner plus tard que tous les autres. nous l'avions découvert en son temps sur une 1000, à Zandvoort. On nous dit chez Honda que certains pilotes de haut niveau ne l'apprécient pas parce qu'il ne permet pas de faire glisser l'avant en entrée de courbe. Mais cessons de fantasmer et soyons sincères: à l'exception des professionnels de haut niveau, qui fait glisser son avant au freinage? De toute manière, Karl Muggeridge a été champion IDM 2010 avec le racing ABS, et le système est désormais utilisé par Honda en Endurance.
C'est con ça...
Au fond, tout est rudement bien sur cette CBR 600 RR 2013: consommation modérée, look tranchant, freinage exceptionnel, comportement vraiment optimisé par la fourche BPF (le Pro-Link arrière a également été retravaillé). Un rail qui va vite (pas aussi vite tout de même qu'une R6 à qui elle rend 10cv) et qui, en dépit des 10kg de l'ABS, reste dans l'absolu aussi maniable que joueur. Alors de quoi se plaindre? Des lacunes d'équipement difficilement compréhensibles, nous l'avons dit. Quoi encore? Bon sang, mais c'est bien sû.r: le comportement moteur que nous ne faisions qu'évoquer ci-dessus. Alors entendons-nous: ce moulin, certes, s'éveille tard, mais toutes les 600 actuelles en sont là. Le bloc Honda a même pour lui une certaine rondeur tout en souplesse qui fait (presque) oublier sa linéarité. si bien qu'on en apprécie les montées en régime.
Le problème ? Son calculateur d'injection qui ne sait plus quoi faire dans certaines circonstances. En pratique, on se serait par moment cru au guidon des premières Yamaha FZ1, qui avaient défrayé la chronique à ce sujet lors de leur sortie. Notre CBR 600 RR avait bien de la peine à trouver un filet de gaz sur ses premiers rapports: hoquets parfois forts, effet ON/OFF. pas l'idéal pour négocier un giratoire ou pour progresser sereinement dans les embouteillages! Au démarrage, il nous est arrivé plusieurs fois de caler dans un à-coup lamentable et, même proche de la zone rouge, le passage d'un rapport supérieur s'accompagnait par moment d'un trou à l'accélération, la moto ne consentant à accélérer qu'après une hésitation... A ce jeu là, la F2, avec ses carbus de plus de 20 ans, fait bien mieux. La question qui vient à l'esprit en pareille circonstance est évidemment de savoir si notre exemplaire d'essai est l'unique à présenter cette caractéristique. Et là, il semble bien que non puisque certains confrères français l'ont signalé aux aussi. Bien sû.r, la surprise passée, on s'y habitue en quelques jours et la RR 2013 reste par ailleurs une machine de pointe. N'empêche, comme je le disais chez l'importateur, si cette moto était la mienne, je serais chez mon concessionnaire, le sommant de résoudre le problème.
Importateur : Honda Motor Europe (North, )Doornveld 180-1841731 ZELLIK, +32 (0)2 620.10.00, www.honda.be
Fiche technique
Honda CBR 600 RR ABS - 12650&euro. en mai 2013
Moteur Type 4 cylindres en ligne, 4 temps, double ACT et 16 soupapes, refroidi par eau Cylindrée 599 cm3 Alésage x course 67 x 42,5 mm Rapport volumétrique 12,2 : 1 Puissance maxi. 88 kW/13 500 min-1 (78 kW à 13500 tr/min Type F (95/1/EC)) Couple maxi. 66 Nm/11 250 min-1 (60 Nm à 11 000 tr/min Type F (95/1/EC)) Capacité d'huile 3,5 litres Alimentation Carburation Injection électronique PGM-DSFI Capacité de carburant 18,1 litres (y compris témoin de réserve à 3,5 litres) Consommation de carburant 20 km/l (5 l/100 km - mode WMTC*) Système électrique Allumage Numérique avec avance électronique Calage de l'allumage Cartographie 3D indépendante pour chaque cylindre Démarrage électrique Batterie 12 V/8,6 AH Alternateur 360 W Phares 12 V, 55 W x 2 (croisement)/55 W x 1 (route) Transmission Embrayage Multidisque en bain d huile Entraî.nement Mécanique par câble Boî.te 6 rapports Transmission finale Chaî.ne à joints toriques, pas de 525 Cadre Type Double poutre en aluminium moulé, type Diamant Partie cycle Dimensions(LxlxH) 2 029 x 684 x 1 105 mm Empattement 1 373 mm Angle de chasse 23 °. 45 ' Traî.née 96,3 mm Hauteur de selle 823 mm Garde au sol 137 mm Poids tous plein faits 196 kg
"