Depuis 1975, année de l’apparition officielle de la Gold Wing, Honda n’a eu de cesse de faire progresser son vaisseau amiral. Que ce soit au niveau motorisation en passant d’un 4 cylindres à plat de 1.000 cm3 à un 1.100 (1980), puis à un 1.200 (1985) et au 1.500 - 6 cylindres en 1988. En 2001, après l’essai de plusieurs motorisations, c’est finalement un 6 cylindres à plat qui sera privilégié. Outre l’augmentation de cylindrée, Honda va faire de la Gold un véritable laboratoire technologique afin d’augmenter le confort, la stabilité et la sécurité. La GL 1800 bénéficiera d’une vingtaine d’avancées technologiques, dont notamment l’«Airbag » de série en première mondiale en 2006. Avec le modèle 2018, Honda se démarque totalement de cette politique en proposant une autre Gold Wing, plus mince, plus légère, plus racée, plus sportive ! Honda ne s’en cache d’ailleurs pas en annonçant sur son site que « la nouvelle silhouette compacte et affûtée de la routière la plus célèbre au monde marque le début d’une ère nouvelle ». Petit tour au pays du grand luxe sur deux roues !
Régime minceur.
Il est évident que la chasse aux kilos a été un objectif prioritaire. Avec 379 kg tous pleins faits, la Gold 2018 a perdu pratiquement 40 kg par rapport à la version précédente. Afin de réussir cette cure d’amaigrissement, tous les composants ont été retravaillés. Un nouveau cadre à poutre en aluminium moulé a permis de gagner 2 kg. Le moteur a également perdu 3,1 kg. Honda a mis au point un alternateur de démarreur intégré (ISG) qui remplit la double fonction de moteur de démarreur et d’alternateur. La fourche avant est remplacée par un système de suspension à double triangulation. La capacité du réservoir passe à 21 litres, soit pratiquement 4 de moins que sur le modèle précédent. Une bagagerie moins volumineuse de 40 litres (nous en reparlerons…) et, globalement, une diminution de la taille des protections (pare-brise, carénage) et des sièges pilote et passager. La conséquence de ce régime minceur a également comme conséquence une métamorphose esthétique. La Gold Wing 2018 n’a plus rien de commun avec ce paquebot sur deux roues auquel Honda nous avait habitué. Elle s’apparente davantage à une grosse GT aux lignes plus fluides et nettement plus modernes. Les « protections » sont par conséquent en retrait avec un pare-brise plus étroit mais électrique et réglable en hauteur et en inclinaison et un carénage plus petit qui présente l’avantage de mettre le magnifique « Flat six » en évidence.
Moteur upgradé.
Bien que la Gold soit restée fidèle au 6 cylindres à plat de 1.833 cm 3, les performances du moteur ont été optimisées, notamment avec l’apparition de 4 soupapes par cylindre et des culasses Unicam qui comprend un arbre à came en tête qui commande directement les soupapes d’admission alors que les soupapes d’échappement sont commandées par un basculeur unique en U, d’où un gain de poids et de place. Outre la perte de poids, il est également plus compact (-33,5 mm). Il délivre 126ch (+ 3,2ch) à 5.500 tours et développe un couple de 170Nm (+ 3Nm) à 4.500 tours.
Nouvelles boîtes.
Outre une nouvelle boîte mécanique qui ne tentera vraisemblablement pas grand monde, quoique, Honda propose la 3ème génération de la boîte DCT (Dual Clutch Transmission) à 7 rapports. Celle-ci a été améliorée au niveau des claquements lors du passage des vitesses. Elle est également plus fluide et propose 4 modes de conduite : Economic, Rain, Tour et Sport. Comme vous le découvrirez dans la suite, avec le DCT, c’est pratiquement 3 boîtes de vitesse dont dispose le pilote.
Poste de pilotage high tech
High-tech, mais plus simple à utiliser grâce à une diminution du nombre de commandes qui faisait ressembler le tableau de bord de la Gold à un cockpit d’avion. Il reste tout de même impressionnant avec un écran TFT couleur de 7 pouces (17,8 cm) qui permet de contrôler le système audio, le GPS, le Bluetooth, les commandes vocales, le contrôle de traction et les différents modes de conduite. De part et d’autre, le compteur et le compte-tours en aluminium brossé sous lequel se trouve un petit écran qui renseigne le rapport engagé et le mode de conduite. Aux extrémités, deux écrans LCD fournissent les infos habituelles (ODO, trips, consommation, jauge, …). Simplification également au niveau des commodos qui constituent un exemple d’ergonomie tellement leur utilisation est simple. Enfin, le « clavier » traditionnel trône toujours au sommet du réservoir. Il a été modernisé grâce à une commande centralisée qui donne accès à l’ordinateur de bord. Le pilote a également accès aux commandes de base (sièges et poignées chauffants, systèmes audio et affichage des infos sur l’écran). Notons enfin qu’un système mécanique d’aération situé au-dessus du tableau de bord permet de diriger un flux d’air frais vers le pilote.
Un autre confort.
Que ce soit pour le pilote ou le passager, l’assise moins large, plus plate et plus ferme s’apparente davantage à une GT de luxe qu’au salon roulant auquel la Gold nous avait habitué. Le petit dossier du siège pilote et les accoudoirs enveloppant du passager disparaissent au profit d’un siège à deux niveaux qui offre un confort plus que satisfaisant et permet une position de conduite davantage en rapport avec le nouveau style de la Honda. Enfin, les larges repose-pieds confortables sont toujours d’actualité. Le siège passager de la Gold 2018 est loin du fauteuil grand luxe qui équipait les modèles précédents. Dossier moins haut et moins cossu, accoudoirs en retrait, assise plus ferme. En résumé, il faudra que madame s’habitue à un confort plus spartiate, mais il reste toutefois un modèle du genre. Cela aurait d’ailleurs dénoté dans l’ensemble.
Sur la route enfin !
Je pourrais encore passer des heures à décrire la Gold tellement il y a à dire sur cette nouvelle conception du grand luxe moto selon Honda, mais il est temps de prendre la route.
Même si elle est toujours très confortable, la position de conduite est plus engagée dans la mesure où le pilote est plus penché vers l’avant. Il peut également réagir davantage car les repose-pieds sont plus vers l’arrière.
La mise en route d’un 6 cylindres est toujours un moment spécial. Bien que celui de la Honda ne procure pas les mêmes sensations que celui d’une K1600, il reste néanmoins envoûtant.
Les premières sensations étant toujours importantes, c’est avant tout une impression d’équilibre qui domine. Grâce aux modifications apportées au châssis, le centre de gravité est encore plus bas que sur l’ancien modèle. Cela se ressent immédiatement. Il est possible de rester en équilibre sur cette moto pratiquement à l’arrêt. Et lorsqu’il s’agit de mettre pieds à terre, les 745mm de hauteur de selle ne pose aucun problème pour maintenir le quart de tonne en équilibre, même pour les plus petits.
En mode « Tour », le DCT passe les rapports à la chaîne et me voici en 7ème à 70 km/h et à moins de 3.000 tours. Je n’apprécie pas trop les modes « Economic » et « Rain » car ils « castrent » la Gold à un point tel qu’elle en devient ennuyeuse, en mode « D » du moins. Par contre, le mode « Sport » la transforme à un point tel qu’elle en devient méconnaissable.
Il serait réducteur d’en rester à ces premières sensations, car chaque mode permet une configuration spécifique de la moto. Il agit non seulement sur le moteur, mais également au niveau de la force et de la répartition du freinage, de l’ABS, de l’anti-patinage et de l’amortissement.
- Tour : réglage de base en terme de confort et de puissance. Les paramètres standards de l'amortissement et de la répartition de la force de freinage fournissent une réponse directe.
- Sport : ce mode fournit une accélération plus réactive, un amortissement plus rigide et une force accrue du levier de frein arrière.
- Economic : il permet une consommation optimisée. Les degrés d'amortissement et de force de freinage standards contribuent à un pilotage confortable.
- Rain : assure une sécurité accrue sur route mouillée en réduisant la réactivité de l'accélérateur. Il utilise la répartition de la force de freinage standard et un amortissement plus souple.
Les « claquements » désagréables lors du passage des vitesses sont moins audibles sur ce DCT de 3ème génération qui se décline en trois modes : le mode « MT » qui donne le contrôle au conducteur en lui permettant de changer de rapport manuellement à l'aide des boutons situés sur le guidon…le plus amusant. Le mode automatique « D » qui assure une consommation de carburant optimale et s'adaptera aussi bien à une conduite en ville, que sur route sinueuse…le plus reposant. Le mode automatique « S » offre des performances plus sportives en se rapprochant de la zone rouge avant de changer de rapport, pour une conduite plus engagée…le plus élaboré. Par ailleurs, il rétrograde plus rapidement pour optimiser le frein moteur. Autre fonctionnalité innovante : la modération des rapports de transmission. Ils se rapprochent à faible vitesse pour des changements fluides, mais s'espacent à vitesse élevée pour réduire le régime moteur. Autrement dit, les passages de rapports s’adaptent à votre conduite. Dans la configuration la plus dynamique (Sport et MT), la Gold devient une bombe qui n’a rien à envier à une K1600 par exemple.
Comportement de GT
La cure de jouvence de la Gold se fait évidemment sentir sur la route. Malgré son poids qui reste conséquent, son comportement est celui d’une GT. Son centre de gravité très bas, le nouveau châssis et la nouvelle fourche à double triangulation font merveille. Sur les nationales et les autoroutes, c’est toujours un pur plaisir malgré la protection en retrait. Bien calé à 3.000 tours, le 6 cylindres permet de croiser à 120 … ou davantage pendant des heures sans la moindre fatigue. Sur les routes secondaires, c’est également un régal. Qu’il s’agisse de la promenade dominicale avec madame ou de la virée sportive avec l’envie de montrer aux jeunes qui vous regardent avec un sourire narquois au guidon de leur roadster qu’ils risquent de rester sur place lorsque vous « ouvrirez » en mode « Sport ». Evidemment, si le tracé devient sinueux, la garde au sol vous rappelle à l’ordre. En ville, la Gold est moins à l’aise sans toutefois se montrer difficile à manœuvrer, toujours grâce son centre de gravité ! N’oublions pas la marche arrière qui permet de se sortir des pires situations ainsi que la présence d’un frein de parking et d’un système d’aide au démarrage en côte.
Côte freinage, le Gold assure grâce au double disque avant de 320 mm avec 6 étriers et au disque de 316 mm avec étriers à 3 pistons à l’arrière. Le système double combiné répartit la force de freinage entre les roues avant et arrière pour offrir un freinage sûr et efficace. Il est également configuré en fonction du mode de conduite.
Sur ce type de machine, il faut un amortissement au top, même sur nos routes belges. La nouvelle fourche à double triangulation et le mono-amortisseur type « Duolever » sont une merveille de fluidité et de douceur. La suspension arrière de type « Pro-Arm » est combinée à la configuration « Pro-Link » pour offrir un confort optimal. Le ressort arrière offre quatre réglages en pré-charge, sélectionnables électroniquement, en fonction du poids du passager et des bagages. On flotte littéralement, excepté en mode Sport où, en toute logique, les suspensions se montrent plus rigides.
La nouvelle GL1800 est équipée de jantes en aluminium à bâtons. A l’arrière, un 200 et 130 à l’avant.
Et la bagagerie ?
Venons-en au sujet qui fâche ; ou du moins, qui fait débat concernant de la nouvelle Gold. La « grande capacité d’emport » dont Honda fait état sur son site est loin d’être une réalité. S’il est effectivement possible de ranger deux intégraux dans le top case, il faut une solide dose de patience pour y arriver. Sans parler du risque de griffer vos précieux couvre-chef. Ce dernier est équipé d’une connexion USB et de l’éclairage. C’est peut-être uniquement le cas sur la moto d’essai, mais il est assez difficile à fermer. Et comme lorsque le témoin de fermeture reste allumé, pas moyen de démarrer. Quant aux valises, il faudra se contenter d’un petit sac de voyage pas trop épais. En fait, les 110 litres annoncés sont pénalisés par la forme aérodynamique des valises et du top case. Et 110 litres, c’est tout de même 40 de moins que sur l’ancien modèle ! Honda justifie ce choix par le fait que les utilisateurs (américains) de la Gold voyagent moins et moins longtemps qu’auparavant. Pas sûr que les motards européens soient du même avis ! Notons également la présence d’un vide-poche contenant une prise USB pour brancher son Iphone. Une seconde boîte à gants située au niveau du genou droit abrite la commande de trappe à essence.
Eclairage dernier cri.
Les feux diurnes composés de 10 LEDS évoquent la forme d’une aile. Les feux de croisement, à LEDS également, assurent un éclairage optimal de la route sans éblouir les autres usagers. Les feux de route augmentent encore la zone éclairée. On regrettera l’absence de feux adaptatifs de virage, de plus en plus répandus sur les motos actuelles. Les clignotants sont également équipés de LEDS et à extinction automatique.
Trois versions.
Outre le modèle « Touring de luxe » testé dans cet article, Honda propose la « Touring » moins luxueuse mais dont l’équipement de série est tout de même composé d’un top case, de hauts-parleurs arrières, d’une selle chauffante, d’une béquille centrale et de la boîte manuelle à 6 vitesses. Pour bénéficier de la boîte DCT et de l’airbag de série, il faudra choisir la version « Gold Wing Touring DCT/Airbag », créditée de la transmission à double embrayage (DCT) de 3ème génération à sept rapports, d’un airbag et du système d’arrêt et redémarrage automatiques « Idle Stop ». Enfin, la version « bagger » baptisée simplement « GL 1800 Gold Wing » présente un profil plus sportif, en raison notamment de l’absence de top case.
Accessoires.
Même si elles sont déjà très bien équipées, surtout la version « de luxe », la liste des packs et accessoires est pléthorique. Les heureux propriétaires pourront équiper leur vaisseau des accessoires les plus utiles comme les kits déflecteurs qui assureront une protection maximale ou le système d’alarme, aux plus superflus comme la béquille chromée ou les caches d’étriers de freins.
Consommation raisonnable.
On pourrait penser qu’un six cylindres, c’est glouton. Et bien, pas nécessairement. Même en utilisant régulièrement le mode « Sport », la conso moyenne de l’essai s’est limitée à un bon 6 litres. Même avec une capacité du réservoir revue à la baisse, l’autonomie atteint 300 km.
Quel budget ?
La Gold se situant au sommet, le budget est donc à l’avenant. Pour la version de base, il faudra prévoir 25.699 €, 32.499 € pour la Touring et 35.999 € pour la Touring de luxe, soit 10.000 € de plus que la BMW K1600 GTL, mais 5.000 de moins qu’une HD Road Glide. Tout ceci hors pack et accessoires bien entendu. S’il y a bien un domaine dans lequel le dicton « comparaison n’est pas raison » est d’actualité, c’est certainement celui des motos de grand luxe.
Conclusion.
En proposant un modèle en rupture avec le passé, Honda prend le risque de décevoir les inconditionnels de la Gold Wing version salon roulant. Par contre, les motards à la recherche d’une GT de luxe, voire de grand luxe, pourraient être tentés par cette nouvelle Gold Wing plus joueuse, plus légère et en rapport avec les normes actuelles en matière de pollution et de consommation. On pourra évidemment lui adresser quelques reproches, que ce soit au niveau du volume de chargement ou à la protection en retrait. Par contre, avoir la chance de goûter au plaisir du six cylindres et de la boîte DCT feront vite oublier ces faiblesses et le prix.