La croisée des chemins
Portée sur les fonts baptismaux en 2008 pour prendre la relève d'une GTR 1000 restée 20 ans au catalogue, la 1400 a évolué dès 2010 pour répondre aux critiques qui lui étaient adressées. Parvenue à maturité, elle hésite encore sur le registre où elle s'exprimera le mieux.
Le premier contact avec la GTR, forcément visuel, valorise une moto imposante mais sachant garder ce zeste d'agressivité qui sied si bien aux Kawasaki. Le profil est dynamique, avec son avant relativement plongeant et ses stries aérodynamiques, héritées de la ZZR, et conçues à la base en partenariat avec le département aéronautique de Kawasaki Heavy Industries. Pour cet essai, nous héritons de la version Grand Tourer, qui ne se démarque au fond de la GTR standard que par l'adoption du kit top case avec dossier et couvercle assorti à la couleur de la carrosserie. Tout cela respire le sérieux et entérine encore le côté statutaire de la grosse Kawasaki, qui est sans nul doute une des belles GT du marché. Avec un petit quelque chose d'intimidant au moment de l'enfourcher, d'ailleurs. C'est que le poids est bien présent, et dans ce domaine, difficile de savoir à qui se fier : les sites Kawasaki européens annoncent 304kg tous pleins faits (un peu plus de 310 pour la Grand Tourer), alors que le site américain parle, lui, de 312kg (688lbs) de curb weight, c'est-à-dire de poids à sec... Personne n'a pu ou voulu éclairer notre lanterne à ce propos, mais le fait est que la machine est massive et vous le démontre de façon éclatante dans les man&oelig.uvres à basse vitesse ou au moment de la hisser sur sa béquille centrale. Kawa a beau déclarer que la GTR mêle la maniabilité d'une sportive aux qualités d'une grande routière, nous verrons que son visage sportif est plus discret que sa physionomie GT !
A l'écoute des griefs de sa clientèle, la firme d'Akashi a tenu à peaufiner le confort de son vaisseau amiral dès 2010 avec un carénage revu et des ouïes agrandies pour limiter les dégagements de chaleur du moteur vers le pilote, et c'est effectif. On notait aussi l'apparition d'une bulle plus haute et plus large dans sa partie supérieure (réglage électrique au commodo gauche), de rétroviseurs plus grands et surélevés de 4cm, tant pour une meilleure visibilité que pour mieux éviter les rétros des voitures en ville ou dans les files. Gadget utile, Kawa propose le KIPASS (Kawasaki's Intelligent Proximity Activation Start System), une manière de transpondeur qui verrouille électroniquement votre GTR lorsque vous vous en éloignez de quelques mètres. Ainsi la clé, qui ressemble à s'y méprendre à un simple interrupteur, peut rester sur la moto sans risque. Signalons que le boî.tier du KIPASS contient une seconde clé très pratique pour ouvrir les valises latérales mais... pas le top case, lequel exige sa propre clé. Dommage tout de même : se retrouver avec deux clés plus un boî.tier qui en contient une troisième . à l'heure de l'électronique, on eû.t pu imaginer plus simple.
On l'a dit, la GTR est belle, même si à la rédaction, on n'est pas fans de ce Rouge Candy Arabian qui semble trop hésiter avec le brun. Au niveau des finitions, peu de choses à lui reprocher . on peut cependant citer les commodos en plastique cheap et le top case qui semble manquer un peu de rigidité structurelle, contrairement aux valises latérales. A leur propos, elles étaient équipées, sur notre machine d'essai, d'un kit de protection en plastique autocollant, un accessoire bien utile (33€), car on s'aperçoit vite que les dimensions de la GTR sont telles qu'il est bien difficile d'en descendre sans " s'essuyer " les bottes sur les valises. On notera que Kawasaki propose désormais une série d'accessoires estampillés pour ses modèles . malheureusement, ceux qui sont dévolus à la GTR ne font pas exception : ils sont fort chers... A titre d'exemple, la paire de patins anti-casse est à 435€, la selle basse en gel à 477€, et la protection de réservoir à 40€.
L'ergonomie du guidon permet une position confortable. Surprise plutôt agréable, on retrouve sur la 1400 ce qui faisait une des particularités de la GTR 1000, à savoir une position qui garde un je ne sais quoi de sportif avec un (très) léger appui sur les poignets et des pose-pieds un peu reculés, autant de gages d'une conduite dynamique. Au niveau du tableau de bord, tristounet tout de même mais parfaitement lisible, deux gros cadrans (compteur et compte-tours analogiques), et un écran d'ordinateur (de bord) pléthorique en informations. Tiens, les nouveaux rétros accroissent effectivement la visibilité sans qu'elle soit parfaite, car les valises entravent encore un peu trop le champ visuel. Une pression sur le bouton du démarreur et le quatre-cylindres en ligne de 1.352cc s'ébroue dans un bruit rauque qui pourra donner des frissons aux plus blasés. Rien à voir avec le bruit de 2cv d'une R1200RT, et c'est tant mieux... On a daubé, en 2008, sur l'énigmatique silencieux de la première GTR 1400 . il a beau avoir été écourté de 4cm depuis lors, ce tromblon torturé reste un mystère et un authentique appel au remplacement.
Dès les premiers mètres, la maniabilité de la Japonaise s'améliore évidemment. Position de conduite ergonomique mais active, souplesse du moteur et bonne répartition des masses permettent une prise en mains assez rapide. Toutefois, le poids de la GTR et ses mensurations généreuses ne disparaissent jamais complètement, a fortiori lorsque vous emmenez un passager et des bagages. La R1200RT raillée plus haut fait certes un bruit de " deuche ", mais elle s'avère nettement moins physique, il faut le dire. A l'évidence, le moteur de la GTR est une extrapolation assagie du bloc ZZR 1400. Il développe 155 ch. à 8800rpm, et même 160 avec le Ram Air System, sorte de suralimentation passive assurée par un flux supplémentaire d'air au niveau de l'admission. Il a été modifié de manière à augmenter le confort de conduite et à limiter la consommation sur de longues distances, du moins, c'est ce que disent les Verts et, pour ce qui a trait à la consommation, on n'est pas trop d'accord... Ce bloc moteur à 16 soupapes et doté d'un refroidissement liquide est pourvu d'un système de distribution variable, qui permet d'obtenir un couple élevé à bas et moyen régime. Il est vrai qu'au guidon de cette GTR, la sensation de puissance est permanente, pourvu qu'on soit au-delà de 4500rpm. En deçà de ce régime pivot, et en dépit de sa souplesse, le propulseur vous semblera un peu paresseux. Ceci étant, on lui pardonne, car pour le reste, les accélérations impressionnent, même en duo. On retrouve là un caractère résolument sportif d'un moteur Kawa typique qui, même retravaillé, a besoin de tours pour dégainer. Le triptyque embrayage (un peu dur), boî.te 6 (un peu craquante au passage de la première) et cardan (parfait) fait son office pour un bilan transmissions à la hauteur des prétentions de la machine.
La 6°. est conçue comme un overdrive et assure une consommation contenue sur autoroute, à vitesse rationnelle. Car justement, ce n'est pas l'apparition d'un mode Eco (déconnectable) qui nous rendra la consommation de la GTR sympathique. Certes, elle ne consomme que 6L/100km à 140km/h stabilisés, et même moins si on respecte les limitations de vitesse. Mais soyons sérieux, qui pilotera sa GTR comme s'il s'agissait d'une Ninja 250 ? Alors, la vérité, c'est que si vous décidez -et c'est bien légitime- d'utiliser son potentiel d'accélérations et de reprises pour vous faire plaisir, vous consommerez aux alentours de 9L/100km. Il faut bien tracter cette masse, et l'importante surface frontale n'y est pas non plus étrangère...
Malgré son poids et sa cavalerie, la GTR reste aisément sous contrôle pour autant que son pilote soit raisonnable car, comme nous l'avons signalé, les excès d'optimisme seront vite sanctionnés par la masse qui vous fait élargir votre trajectoire. Si son terrain de prédilection est plutôt la grand-route, la GTR procure également son lot de sensations sur les routes de campagne sinueuses. Le centre de gravité relativement bas facilite la mise sur l'angle et les changements de trajectoire. Mais ne méconnaissez cependant pas que son moteur est plus sportif que son comportement dynamique même si, affirmons-le bien haut, ce dernier n'a rien que de très normal si l'on considère les mensurations de la moto. La transmission par arbre et cardan est silencieuse et efficace. Pour que le couple généreux développé par le moteur puisse être transmis sans perte aux roues, un bras oscillant double à 4 biellettes très rigides a été retenu. Baptisé Tetra-Lever, il a été conçu pour compenser la tendance au soulèvement et à l'effet de bascule propres aux transmissions par arbre au moment de l'ouverture et de la fermeture des gaz.
Afin d'améliorer la sécurité et de ne pas rester à la traî.ne technologique, Kawasaki a équipé sa GTR de deux systèmes électroniques d'aide au pilotage. Le K-TRC (Kawasaki Traction Control) est un dispositif anti patinage très utile sur une machine de cette puissance et de ce volume. Utilisant les capteurs ABS, ce système compare en continu les vitesses de rotation des roues avant et arrière. Si cette vitesse varie de manière significative entre les deux roues, le système s'enclenche et intervient à trois niveaux : allumage, injection et admission. Kawa se plaî.t d'ailleurs à rappeler que cette triple intervention fait du K-TRC un système sans équivalent. A l'usage, il est vrai qu'il se révèle très efficace . nous l'avons senti et vu fonctionner (une sensation de légers à-coups à l'arrière, matérialisé par le clignotement du témoin au tableau de bord) sur des gravillons et sur de la terre laissée par le passage des tracteurs sur les routes campagnardes. Sur nos routes dégradées et sous notre climat souvent humide, c'est un plus incontestable.
Le K-ACT ABS (Kawasaki Advanced Coactive Braking Technology) est, quant à lui, un freinage combiné. Pour faire simple : la pédale de frein active le frein arrière et l'étrier avant droit, tandis que le levier droit active les deux étriers et l'étrier arrière. Ce système permet un freinage progressif, sans déséquilibre et surtout très puissant. Le dispositif ne fonctionne qu'au-dessus de 20km/h afin de faciliter les man&oelig.uvres à basse vitesse. Lorsqu'il est désactivé, la sensation de freinage combiné est fortement atténuée mais ne disparaî.t pas complètement. Même sans l'électronique du reste, les freins seraient à la hauteur. A l'avant, deux disques semi-flottants en pétales de 310mm avec étriers radiaux et, à l'arrière un simple disque en pétales de 270mm assurent un freinage progressif et sécurisant. Mettons cependant en évidence le fait que ce freinage assisté combiné requiert une certaine expérience : comme lors de son apparition chez BMW, il faut s'y faire car la puissance de décélération a de quoi décoller un dentier... C'est pourquoi, nous dit-on chez Kawa, le système est déconnectable, parce que certains clients préfèrent rouler sans de manière à conserver un feeling de freinage classique. Les deux assistances sont activées par une simple pression sur un bouton orange situé au commodo gauche.
En plus d'être puissante et sû.re, la GTR est bien évidemment confortable. La suspension avant est assurée par une fourche inversée de 43mm réglable, l'arrière par le système Uni-track à biellettes et amortisseur à gaz réglable en précontrainte (par mollette excentrée pratique) et détente. Bien que plutôt fermes (toujours le penchant sportif des Verts !), ces suspensions assurent un bon confort et contribuent à la réactivité décente de ce lourd et volumineux ensemble. La nouvelle bulle plus haute et plus large assure une protection tout à fait correcte mais, pour les grands du moins, inférieure à celle d'une Pan European ou d'une R1200RT par exemple. Le bruit au niveau du casque peut déranger dès les vitesses moyennes. On note aussi que la bulle creusée à sa base laisse passer l'air (et l'eau !) vers les mains du pilote. Si vous y ajoutez que les poignées chauffantes d'origine ne chauffent pas assez fort, c'est un bémol à souligner. Le passager, de son côté, s'il ne se plaint pas plus que vous de la sellerie tout confort, regrette lui aussi que la bulle ne soit pas plus haute, car surélevé qu'il est, il est contraint à baisser la tête pour échapper aux turbulences importantes à haute vitesse, ce qui est regrettable sur une GT. Notons que l'espace de rangement intégré dans le carénage, et qui se verrouille automatiquement au-delà de 20 km/h, la prise 12V (format allume-cigare) et les molettes de réglage des phares bien accessibles dans le carénage complètent une dotation d'origine très satisfaisante. Cette Kawa a naturellement été conçue pour avaler les kilomètres. Les valises de 35l et le top case de 47l proposé en accessoire, ou d'origine sur la version Grand Tourer, permettent d'envisager les vacances au long cours en duo. Dans ce cadre, on aurait aimé disposer d'un cruise control.
Toujours par souci de faciliter la vie à bord et la sécurité, l'ordinateur de bord est très complet : compteur kilométrique, deux journaliers, température extérieure, jauge d'essence, température du moteur, témoin de rapport engagé, charge de la batterie, consommations instantanée et moyenne et, cerise sur le gâ.teau, le capteur de pression des pneus avec alarme en cas de problème. Tout cela est parfait si ce n'est que, sur notre moto d'essai en tous cas, les fonctions de l'ordinateur dévolues aux calculs de consommation étaient fantaisistes. Autant le savoir quand on risque la panne sèche !
Proposée en deux coloris nacrés, la GTR 1400 se décline en rouge métal (presque brun) et en bleu nuit (presque noir) contre 17699€ ou 18098€ en Grand Tourer, des prix qui restent compétitifs eu égard à la concurrence. Et puis, un petit focus sur l'éclairage de la GTR qui s'avère très performant en conduite nocturne, tant en feu de croisement qu'en feu de route.
La GTR 1400 2012 vaut le détour, car elle constitue réellement une alternative crédible. Une GT complète, gavée d'électronique utile, confortable et qui procure les sensations d'une sportive. Moyennant quelques détails supplémentaires comme un stabilisateur de vitesse, une bulle encore plus protectrice et un réglage électronique des suspensions, on pourrait presque parler de moto idéale. Après, bon c'est vrai, il faut aussi compter avec la consommation... Une précaution toutefois : cette moto n'est à conseiller ni au débutant ni à un ancien qui reviendrait aux affaires, car il faut une certaine expérience pour dompter ses chevaux et sa masse.
Budget/Plaisir : 8/10Au quotidien : 8/10Sport : 6/10En duo : 8/10Débutant : 2/10 Rudy
Fiche technique
Kawasaki GTR 1400 Grand Tourer 2012 - 18098€ en avril 2012 EngineLiquid-cooled, 4-stroke In-Line Four1,352 cm³.84.0 x 61.0 mm10.7:1DOHC, 16 valves with variable valve timingFuel injection: ø.40 mm x 4Ignition DigitalStarting ElectricForced lubrication, wet sump6-speedFinal Drive ShaftGear ratios: 1st 3.333 (50/15)Gear ratios: 2nd 2.412 (41/17)Gear ratios: 3rd 1.900 (38/20)Gear ratios: 4th 1.545 (34/22)Gear ratios: 5th 1.292 (31/24)Gear ratios: 6th 1.074 (29/27)Clutch Wet multi-disc, manualMaximum power 114 kW {155 PS} / 8,800 rpmMaximum power with RAM Air 117.6 kW {160 PS} / 8,800 rpmMaximum torque 136 N.m {13.9 kg&fnof..m} / 6,200 rpm
ChassisFrame type Monocoque, pressed-aluminiumRake/Trail 26.1Ëš / 112 mmWheel travel, front 113 mmWheel travel, rear 136 mmTyre, front 120/70ZR17M/C (58W)Tyre, rear 190/50ZR17M/C (73W)Steering angle, left / right 31Ëš / 31ËšSuspension, front 43 mm inverted fork with adjustable rebound damping and spring preloadSuspension, rear Bottom-Link Uni-Trak with gas-charged shock, Tetra-Lever. Rebound damping: Stepless Spring preload: Fully adjustableBrakes, front Dual semi-floating 310 mm petal discs Dual radial-mount, opposed 4-pistonBrakes, rear Single 270 mm petal disc Opposed 2-piston DimensionsDimensions (L x W x H) 2,230 mm x 790 mm x 1,345 mm / 1,465 mm (High position)Wheelbase 1,520 mmGround Clearance 125 mmSeat height 815 mmFuel capacity 22 litresCurb Mass 304 kg (with ABS)
Importateur: Kawasaki Motors EuropeBenelux BranchWest Point Park 't Hofveld 6 C2702 Groot-BijgaardenTél. : 02/481.78.24
"