A mesure que les ventes de sportives atteignent le rupteur, celles des customs trouvent leur second souffle. Les études marketing l’ayant montré aux constructeurs, ils se font désormais un devoir de développer des modèles Low Rider destinés à un nouveau public, plus urbain, rajeuni voire moins argenté.
Le parangon du genre, Harley-Davidson, n’a pas craint de montrer la voie avec sa Street 750, destinée à démocratiser l’accès au blason de Milwaukee, alors pourquoi les constructeurs généralistes ne mettraient-ils pas leurs moyens au service de customs grand public ? En l’espèce, c’est sans doute Kawasaki qui va le plus loin puisque sa Vulcan S est en réalité une gamme de motos à elle seule. De fait, le chaland a le choix entre la Vulcan S (7649€), la Vulcan S Café, La Vulcan S Sport et la Vulcan S Light Tourer, excusez du peu ! Au gré de cette présentation à la presse du Benelux, nous avons pu disposer des trois dernières citées. Etant entendu que toutes ces machines sont identiques en termes de motorisation et de partie-cycle, les quatre versions ne se distinguent que par leurs périphériques : la Café ajoute une tête de fourche à la version standard, la Sport embarque en outre une ligne d’échappement Arrow et la Light Tourer se pare de sacoches, d’un grand pare-brise et d’un sissy-bar (support lombaire pour le passager).
Ardennes… flamandes ?
A l’arrivée dans un hôtel de la périphérie gantoise, j’apprends que c’est un confrère néerlandophone habitant la région qui a obligeamment concocté l’itinéraire du jour à la demande de l’importateur Kawasaki. L’homme étant amateur de cyclisme, il a choisi de nous faire emprunter quelques tronçons du célèbre Tour des Flandres. Ce ne sera d’ailleurs pas sans conséquences fâcheuses puisqu’au beau milieu d’une portion cahoteuse de pavés classés, deux des Kawa perdront leur plaque d’immatriculation, leur support en plastique n’ayant pas résisté aux trépidations du bâti arrière… Après la traditionnelle conférence de presse présentant la gamme, nous voilà partis pour parcourir les Ardennes flamandes –ça existe, ça ? Virevoltant à souhait, notre tour des Flandres personnalisé nous permettra d’évaluer valablement le potentiel de cette Vulcan S, définie lors de son lancement comme un Light Power Cruiser.
Un custom puissant mais léger ? Ben oui, avec son petit bicylindre parallèle, la Vulcan ne peut évidemment jouer dans la même division que les gros V-Twins. Ceci dit, Kawa n’en a cure et on sait que la marque d’Akashi ne craint pas de dévoyer les codes traditionnels ; ainsi, les plus aguerris d’entre vous se souviendront de la ZL 600 Eliminator sortie en 1995 : mouvoir un custom avec le quatre-cylindres en ligne de la ZZR 600, il fallait oser ! Dans le cas des Vulcan S, Kawasaki s’en est allé à nouveau quérir un bloc propulseur chez une de ses routières éprouvées, en l’occurrence, le sémillant roadster ER-6n. Du reste, même le cadre du custom s’inspire de celui de la basique. Rien d’étonnant dès lors à ce que cette Vulcan qui se conduit feet first (les pieds en avant) évoque pourtant la conduite d’un roadster lorsque l’on est à son guidon, et ce n’est pas la transmission par chaîne –pour gagner du poids, mon bon monsieur !- qui viendra infirmer cette impression.
Arguments de poids
Avec une masse à sec de l’ordre de 210kg, les Vulcan S sont de sylphides customs qui comptent en outre sur un centre de gravité surbaissé et sur des jantes aux dimensions contenues (18’’ à l’avant et 17’’ à l’arrière) pour jouer les ballerines du segment. Comme l’empattement n’est pas démesuré, les Vulcan s’avèrent remarquablement agiles, se comportant, là encore, comme le feraient des roadsters de moyenne cylindrée. Cette aisance à s’inscrire en courbe et à changer d’appui fut un bonheur renouvelé durant toute cette journée de présentation. De plus, le système « Ergo-Fit » permet d’adapter finement la moto aux mensurations de son pilote puisqu’il est conçu pour s’accommoder de conducteurs allant de moins d’1m50 jusqu’à 2m. En effet, le guidon, la selle et les repose-pieds sont réglables ; un atout incontestable au crédit de la Kawasaki qui accueillait confortablement les 195cm de votre serviteur. Chacun trouve une position de conduite naturelle qui lui permet de faire corps avec la Vulcan d’une manière peu coutumière dans le landerneau des customs. On passera donc sur le fait que la jante avant, malgré la monte d’excellents Dunlop Sportmax, ne favorise pas la remontée d’informations vers le pilote.
S’agissant des suspensions, elles font merveille sur les bons revêtements et assurent ainsi un réel confort. Par contre, lorsque les inégalités du bitume se renforcent, l’hydraulique de détente trop peu freinée à l’arrière –réglable uniquement en précontrainte- et le débattement limité de l’amortisseur déporté viennent vous marteler le fondement et flouter légèrement l’efficacité générale de la machine. La fourche non réglable mais jouissant d’un débattement plus important s’accommode mieux de l’état de nos routes et assure ainsi un bon guidage en toutes circonstances. En matière de confort, nous signalerons encore que la tête de fourche des variantes Sport et Café assure une étonnante protection jusque 100km/h tandis que le grand pare-brise de la version Light Tourer met le buste, les épaules et même le casque à l’abri du vent et des turbulences. Signalons encore que ses valises présentent fort bien mais ont une capacité limitée et ne peuvent être verrouillées, ce qui n’enlève rien aux aspects pratiques de cette Light Tourer. De son côté, la ligne complète d’échappement Arrow présente sur la version Sport la gratifie de 2cv supplémentaires (63 au lieu de 61) et distille une superbe sonorité tout en soulageant la machine de quelques kilos et… votre portefeuille de 899€. Sans l’échappement italien, dans sa configuration d’origine, la Vulcan S offre une partition musicale agréable mais tout en retenue qui la rend un peu discrète à notre goût.
Facilité et naturel
Les Vulcan sont d’une facilité déconcertante. Si l’on excepte leur rayon de braquage (correct, mais sans plus), elles ne réclament aucun temps d’adaptation. Au contraire, on a tôt fait de plébisciter la position feet first parce qu’elle intensifie les sensations d’accélération. Et justement, le bicylindre retravaillé ici pour offrir plus de pêche sur les régimes intermédiaires n’en est pas avare et vibre peu. Très souple, il reprend tôt avec bonne volonté, bombe le torse à partir de 4000rpm et envoie la sauce de 6000 à 8000rpm avec un allant réjouissant. Certes, la Vulcan S n’affolerait pas les chronos, mais elle offre son pesant de sensations à son propriétaire ; suffisamment en tous cas pour qu’ouvrir les gaz soit et reste un plaisir qui ne sera pas gâché par vos arrêts à la station service. Malgré une allure souvent soutenue, nos Vulcan S se sont toutes contentées d’une moyenne inférieure de 4,8L/100km et un confrère hollandais qui avait essayé un millésime précédent était même descendu à 3,5L/100km en ouvrant parcimonieusement. Un bon point pour vos finances et pour la planète.
Les Vulcan S se propulsent vaillamment et freinent décemment. Nous aurions apprécié un peu de mordant supplémentaire dans le chef du disque avant, mais son homologue arrière s’acquitte fort bien de sa tâche et profite d’une pédale confortable. L’ABS (confié à Bosch alors que le freinage est Nissin) reste discret, comme il se doit et ajoute sa touche de sécurité passive. L’ensemble est satisfaisant mais n’impressionne pas. Les transmissions sont aux standards nippons malgré une boîte légèrement imprécise et les leviers sont réglables. En ce qui la concerne, l’instrumentation est complète mais pas assez typée custom, selon nous.
Verdict
Bien finies et esthétiquement réussies, les Vulcan S sont finalement davantage que de petits customs. Leur moteur a suffisamment de personnalité pour les rendre amusantes et leur châssis en fait des motos agiles et efficaces sur bons revêtements. De là, elles tirent une polyvalence évoquant les roadsters. Pour une entrée dans l’univers des bikers, les Kawa se posent là : un tarif démocratique, des motos difficiles à prendre en défaut et quatre versions paramétrables pour contenter tous les gabarits. Qui dit mieux ?
PS: Pas d'inquiétude, votre serviteur porte bien un gilet protecteur Knox sous la chemise!