Bibendum fait le maximum
Successeur de l'emblématique Pilot Road 2, le nouveau Pilot Road 3 entend conjuguer le meilleur de technologies maî.trisées par Michelin et ainsi dépasser son prédécesseur sur tous les plans. A l'essai, force est de constater que Bibendum parvient à tenir nombre de ses promesses.
Le Pilot Road 2 sorti en 2007 était, de notoriété publique, l'ami des routards. Et bien qu'il reste au catalogue, reconnaissons qu'on louait davantage en lui sa longévité que ses prestations sportives. Ceci dit, Bibendum avait senti le vent tourner à l'avantage des pneus GT sportifs, qui représentent aujourd'hui l'essentiel des ventes, avec une augmentation de plus de 30% en moins de dix ans. C'est ainsi qu'avant même la commercialisation du PR2, l'ingénierie Michelin s'était attelée au cahier des charges de l'actuel PR3. Bel exemple de pro-activité! Le futur fer de lance de la gamme française devrait aller aussi loin, mais avec des performances en hausse tant en usage sportif que dans des conditions d'adhérence précaire. Et comme on sait bon nombre de motards sensibles au dessin d'un pneu, il faudrait aussi que la nouveauté propose une carcasse reconnaissable, dont l'aspect évoquerait le haute technologie ayant guidé sa conception. Considérant que ce type de pneus doit s'accommoder de motos lourdes aux valeurs de couple importantes, chez Objectif-moto, on s'est dit qu'on n'allait pas faciliter la tâche du nouveau Michelin: le Pilot Road 3 serait soumis au couple rageur et à la puissance déferlante d'une Suzuki GSX1300R Hayabusa jusque sur des chaussées gelées...
Technologie, dites-vous...
Dans la conception du PR3, l'adhérence était au coeur du débat. La confrontation avec le PR2 devait donc donner des résultats pertinents. en l'occurrence: une distance de freinage diminuée de 2,5m sur revêtement mouillé, et même de 5m sur revêtement glissant. Mine de rien, voilà qui peut vous permettre d'éviter un obstacle en cas de freinage d'urgence. Et pour y parvenir, tout est dans le... dessin !
Mais n'allez pas croire que ce qui donne au PR3 son allure si caractéristique soit le coup de crayon d'un designer. non, il s'agit d'une technologie brevetée par Bibendum: MICHELIN XST (X-Sipe Technology) qui combine lamelles et puits. Cela permet à la fois de rompre le film d'eau, d'augmenter la capacité de drainage, et de retrouver ainsi les conditions d'adhérence d'une route quasiment sèche. Autre technologie mise en oeuvre, la bien connue 2CT (2-compound technology), mais ici dans sa plus récente évolution, avec un alliage de gommes qui n'est plus celui retenu sur le PR2, soulignons-le: des gommes tendres sur les épaules sont associées à des bandes plus résistantes au centre du pneu (medium à l'avant, hard à l'arrière). on mixe ainsi longévité et adhérence.
Pour en revenir à la XST, la vraie nouveauté du PR3 dont on murmure qu'elle serait importée des pneus hiver pour voitures, elle consiste à intervenir sur le film d'eau résiduel qu'un pneu classique ne peut éliminer. Dans un premier temps, les surpressions générées au niveau des arêtes des lamelles vont couper le film d'eau, qui sera ensuite drainé vers l'extérieur grâce à de larges sillons. Pour optimiser cette action, des puits ont été aménagés, ils emmagasinent d'abord l'eau "coupée" par les lamelles avant de l'expulser au loin sous l'effet de la force centrifuge. Et, nous le verrons, à l'usage, ça marche.
Des performances ?
Voilà donc notre Hayabusa équipée. elle quitte pour l'occasion une monte d'excellents Bridgestone S20, une nouveauté 2012 résolument plus sportive, elle aussi réputée pour ses performances sur le mouillé. Première surprise: malgré ses ambitions en termes de longévité, la carcasse du PR3 s'avère immédiatement plus confortable que celle du Bridgestone. au point qu'on croirait à un changement de réglage des suspensions. Il n'en est pourtant rien, c'est bien le pneu Michelin qui parvient à absorber brillamment les inégalités routières. Voilà un (très) bon point inscrit d'emblée par Bibendum, et d'autant plus sur une sportive de ce calibre.
Pour nos premiers jours de roulage, le temps est clément et sec avec des températures autour de 15°.. Les tests d'usage sont effectués: temps de chauffe légèrement supérieur à celui d'un pneu sportif, disons 6 à 8km pour que le pneu atteigne sa température nominale (3 à 4km suffisent pour le S20). Le grip rassure pourtant dès le démarrage. des freinages appuyés et des accélérations franches, déclenchés après quelques centaines de mètres seulement, ne génèrent aucun mouvement parasite de l'Hayabusa. Mieux, nous nous apercevons vite que, chaussée du PR3, la GSX1300R ne perd rien que ce soit en maniabilité ou en précision. Dans ce domaine, le PR2 aurait dû. avouer ses limites... Le profil des PR3 reste très neutre, et on ne note aucune réticence de la machine à plonger sur l'angle ni à y rester, même lorsque l'on relance tôt la cavalerie. Une fois de plus, la monte Michelin soutient la comparaison avec ses concurrents japonais plus sportifs.
Après quelques centaines de kilomètres, voici les premières pluies, d'abord ténues. On apprécie pleinement la technologie 2CT dans ces conditions humides: le mélange de gommes retenu sur le PR3 est sans conteste judicieux, car le pneu se comporte presque comme sur le sec. La remontée d'informations reste précise, et la confiance au guidon ne s'altère nullement. Avec la saison qui s'avance, voici des pluies plus fortes et un refroidissement marqué de l'atmosphère. Nous constatons d'abord que le temps de chauffe du PR3 reste sensiblement identique dans de mauvaises conditions. Bien entendu, nous attendions avec curiosité de rouler sur des chaussées détrempées par une pluie battante... Et quand on y est, on refait ses gammes en corsant graduellement le jeu, freinage retardés et accélérations anticipées à la clef. Là aussi, le PR3 convainc: il est vraisemblablement le pneu qui met le plus en confiance sur route mouillée. On ne peut donc que confirmer que l'alliance des lamelles et des puits atteint un haut degré d'efficacité en matière d'évacuation de l'eau. Ainsi, sur nos parcours témoins habituels, nous nous prenons à passer plus vite en courbe et à freiner plus tard que nous ne le faisons d'ordinaire sous la pluie. Signe qui ne trompe pas et qui est tout à l'honneur du PR3: depuis qu'il équipe l'Hayabusa, nous ne changeons plus sa cartographie d'injection (pour en limiter l'arrivée de puissance) sous de fortes pluies.
Bibendum au rapport
Inutile de soumettre le bonhomme à un interrogatoire sévère. avec le PR3 les choses sont claires: le pneu tient ses promesses, et sa technologie "embarquée" aussi. On murmure que la X-Sipe Technology pourrait s'exporter dans d'autres segments que le sport GT. dès le lancement du PR3, Michelin avait d'ailleurs eu la bonne idée de le proposer dans des dimensions convenant aux gros trails, R1200GS en tàªte. Voilà donc un pneu qui améliore le confort, qui s'avère neutre en entrée de courbe comme au freinage et qui se permet de redéfinir les standards de la conduite sur sol mouillé. Beau pedigree! Mais qu'en est-il alors de sa longévité annoncée en hausse par le manufacturier en comparaison du PR2? Si on en croit l'organisme indépendant qui a fait le test, le PR3 gagnerait 3 à 4% d'espérance de vie par rapport au PR2. Nos mesures d'usure nous rendent cependant plus circonspects: la profondeur des sculptures centrales perd environ 1mm tous les 1000km sur le pneu arrière, ce qui laisse présager d'une durée de vie de 5000 à 6000km pour notre gomme arrière, malmenée il est vrai par les 200cv de l'Hayabusa. Nos projections tablent sur une durée de vie double pour le pneu avant. Par contre, nos mesures montrent que les épaules des pneus ne s'usent pas plus vite que la bande centrale malgré leur gomme plus tendre. Enfin, pour ceux d'entre vous qui se poseraient la question légitime de savoir si l'usure ne va pas diminuer les performances de la X-Sipe Technology, Michelin répond que non car les lamelles sont creusées selon un angle de 15° dans la carcasse, de faà§on à conserver leur efficacité sur la durée.