Dans la gamme Trail Suzuki, le motard avait le choix jusqu’à ce jour en la brave et gentille DL650 et la fougueuse DL1050. Pas parfaite, ces motos ont toujours été considérées comme des seconds couteaux, des motos bonnes à tout faire mais sans âmes. Amies des motards cartésiens, elles ont trouvé leur public et la preuve en est les chiffres de vente sur leur longue carrière.
Pour dépoussiérer la gamme et permettre aux motards passionnés de voyages hors asphalte de revenir au sein du giron Suzuki, les ingénieurs se sont remis derrière la planche à dessin, les motoristes ont été chercher au sein de la gamme un moteur qui ferait le job. Le résultat est la V-Strom DE800. Beaucoup d’attentes pèsent sur les épaules de trail moyenne cylindrée, la concurrence est rude au sein de ce segment. On y trouve entre autres, la Honda Transalp nouvelle mouture, la KTM 790 Adventure qui revient sur le marché, la Triumph Tiger 900, la CF Moto 800 Touring, l’Aprilia Tuareg et la Yamaha Ténéré 700. Pour relever ce défi, Suzuki a pris le temps de réfléchir aux besoins des motards, de coucher sur papier les capacités nécessaires à un trail et a fait l’exercice de doter cette DE800 de technologies actuelles sans ruiner le futur acquéreur. Exercice réussi ? Allez, on vous embarque pour découvrir cette nouvelle DE800.
Le look est un élément qui joue un rôle lors du choix, Suzuki en est conscient. Le résultat est que la DE800 respire l’aventure, le voyage par les chemins. Peu importe l’angle sous lequel vous la contemplez, elle invite à partir, à s’évader.
Le coloris de notre version d’essai parlera aux pilotes de plus de 40 ans. Il s’agit du jaune et du bleu qui ornait déjà notre première TS50 dans les années 80. Les Suzuki de Cross portaient cette livrée en championnat et se reconnaissaient entre toutes. Lors de la réception de la moto d’essai, le premier contact visuel avec la DE800 fut fort plaisant.
Autant les photos du folder ne rendaient pas grâce à son design, la voir sortir au soleil changea mon opinion. Ces couleurs sont juste magnifiques et lui vont comme un gant. Les souvenirs de jeunesse sont remontés et les envies de balades sur les sentiers, d’aventures exotiques dans les dunes du Dakar, de voyage au long cours sont arrivées au grand galop.
Les plastiques sont ajustés, les stickers de qualité. La DE800 offre une finition qui contraste avec l’image de moto pas chère que traîne Suzuki. Le matériel embarqué est de très bon niveau, nous le détaillerons dans les prochains chapitres.
Le moteur est un bicylindre parallèle de 776cm³ développant 84,3 cv à 8500 T/Min et un couple de 78Nm à 6800T/Min. Euro5 au niveau norme de pollution bien entendu. Ce moteur issu de la GSX8S, le roadster de la gamme est un bloc parallèle calé à 270°, doté de deux arbres d’équilibrage qui limitent grandement les vibrations pour ne laisser que les plaisantes.
L’injection électronique joue son rôle et permet de sortir la puissance de façon efficace, de limite la consommation et surtout rend ce bloc moteur très agréable. Moins rugueux et brut qu’un KTM 790, il est utilisable dans toutes les circonstances. Route en duo, navettes quotidiennes, sortie hors-piste, il est de toutes les aventures sans désarçonner le pilote. Plein, rond et bien élevé, il est un excellent compagnon de route. Roulant au quotidien sur un gros Trail Bavarois à la coquette puissance de 136cv, la crainte de manquer de cv était un de nos points d’attention lors de cet essai. Pas une seule fois, je dis bien, pas une seule, nous n’avons eu à déplorer un manque de puissance. Un manque de caractère par moment certes mais pas de manque de puissance en usage normal. Ce moteur sera à l’aise partout. Joueur raisonnable, voyageur infatigable, frugal sur la consommation de l’or liquide, il est un élément décisif dans le choix de cette DE800. Entre d’autres mots, ce moteur est presque parfait. Tout lui ira comme usage sauf l’arsouille où son manque d’âme laissera le motard sur sa faim. Pour le reste, Bravo Suzuki !
La partie cycle d’un trail impose des choix au niveau des équipements. L’orientation finale de la moto décide souvent de l’attribution de telle ou telle suspension, du choix des jantes, des pneus, des freins. A cela, vous rajoutez les assistances électroniques dont les motards ne peuvent ou ne savent plus se passer et vous comprendrez le cauchemar qui attend les concepteurs lors du choix de l’assemblage d’un nouveau modèle. Ici, la polyvalence a été le maître mot. D’ailleurs, voici une petite anecdote sympathique racontée par David, le super attaché de presse Suzuki Belgium : Savez-vous ce que signifie le V dans V-Strom ? C’est V pour Versatility, en français : polyvalence, multi usage. Rien à voir avec le V du bloc moteur des 650, 1000 ET 1050.
Donc, on part sur une roue avant de 21 pouces pour l’avant et une de 18 pour l’arrière, équipées de pneus mixtes d’origine pour autoriser de gentilles excursions hors asphalte mais non Tubeless, dommage. Pour tenir la DE800 au sol et permettre un confort sur les voyages, une fourche inversée Showa avec réglage en précontrainte, compression et détente offre un débattement de 220mm. La suspension arrière fait aussi appel au même fournisseur. Débattement de 220mm aussi avec réglages en détente et précontrainte du ressort.
Pour le freinage, point d’étriers radiaux. Juste des étriers à deux pistons juxtaposés pinçant des disques de 310mm devant et un étrier 1 piston derrière mordant lui un disque de 260mm. Le tout sous la bienveillante assistance (déconnectable en mode Gravel) d’une centrale ABS qui est très bien calibrée et non intrusive.
Alors, à la lecture de ces données, on pourrait prendre peur, se dire que les freinages vont être mous, que Suzuki a poussé le jeu du Vintage jusqu’à reproduire le freinage d’époque de feu la DR800, trail monocylindre qui a laissé des traces dans les mémoires par son gros, très gros bloc moteur de 800cm³ et son gros caractère mais aussi malheureusement par un freinage qui contrastait avec son moteur. Ainsi naissent les légendes. La DE800 n’est pas de la même veine, le freinage est plus que suffisant en usage normal. En tout terrain, il est efficace et met le pilote débutant à l’aise. Sur la route, à allure enjouée sur le réseau secondaire, il est très efficace. Comme quoi, il n’est pas toujours besoin d’équiper une moto de pièces chères pour obtenir un bon résultat.
Un peu de technologie pour ce paragraphe, j’ai nommé les assistances électroniques embarquées. Les différents modes de conduite agissent sur l’injection, le freinage, le traction control. Il y a 3 modes moteur (A, B, C) qui jouent sur la réactivité de la poignée de gaz. Le Traction control y ajoute un mode G pour Gravel autorisant une légère dérive de la roue arrière pour remettre la moto en ligne plus rapidement en off-road. Rajoutez le mode OFF qui déconnecte le tout et là, Suzuki offre un gros jouet pour amateurs éclairés de glisse, de sauts, de longs drifts à fond de 3. Ce mode est réservé aux amateurs éclairés dont votre serviteur ne fait pas partie. Testé sur une courte portion, c’est assez jouissif mais notre manque d’expérience nous a ramené à la raison assez vite. Dans notre tête, une voie résonnait avec le message suivant : Ne pas casser la moto, je répète, ne pas casser la moto !!!!!
Pour aider le pilote, le Suzuki Easy Start system est présent, un coup sur le bouton du démarreur et la DE800 se charge du reste, c’est cool. Le Low RPM Assist garde un régime moteur à basse vitesse pour réguler et ainsi éviter les risques de calage intempestifs.
Le shifter dont était dotée notre moto d’essai est un des meilleurs testé sur une moto de moyenne cylindrée. Il ne donne pas de désagréables coupures d’injection comme sur certaines concurrentes et peut s’utiliser dès 2500T/Min à la montée comme à la descente des rapports. Les petites pétarades en rétrogradant les rapports de la boîte 6 vitesses sont jouissives pour l’oreille du motard mélomane. Pas comme la mélodie offerte par l’échappement d’origine. Lisse, fade, le bruit n’appelle aucun compliment.
Les normes de pollution sonore autorisent 84db à cette DE800 mais le son est triste. Reste la mince satisfaction de ne pas déranger les autres usagers de la route.
Le cadre tubulaire en acier permet de garder le budget dans une tranche de prix raisonnable et n’influence pas le poids total de 230Kg. La forme du cadre et l’acier utilisé permet une rigidité structurelle tout en autorisant une souplesse gage de confort. Il y a eu de savants calculs chez Suzuki pour y arriver. Cette moto est dotée d’une tenue de route de très bonne facture si vous restez dans les standards d’utilisation prévus lors de sa conception. En tout chemin, cette DE800 est bien équilibrée et la position debout est naturelle, rien ne gêne les déplacements du pilote. En grosse arsouille sur routes sinueuses, la roue de 21 et la souplesse du cadre auront une influence et la DE800 donnera la sensation de se tordre et de nécessiter un temps pour assimiler les changements de direction brusques et rapides. Il est clair que je parle d’une conduite agressive sur petites routes sinueuses au-delà des limites fixées par Suzuki lors de la conception de cette DE800. En usage régulier, que ce soit en solo ou en duo, chargé ou non, la moto ne souffre d’aucune lacune au niveau tenue de route.
La hauteur de selle posée à 855mm du sol ne limitera pas l’accès à bord des motards de petite taille. Des elles hautes et basses sont disponibles en option. Le confort offert par cette selle est très bon, tant pour le pilote que pour le passager. Elle se révèle être une compagne attentive pour son équipage. Un bon cheval pour tous les jours.
L’éclairage est confié à des lentilles superposées dotées de la technologie Leds qui malgré une forme et une taille minimale assurent une vision de nuit efficace. Les clignoteurs et le feu arrière sont aussi en Leds.
Leur avantage est la force de la luminosité et leur faible consommation électrique. Gain de poids, design à la carte aussi. En revanche, au fond de la brousse, remplacer un Led défectueux ne se fera pas aussi facilement qu’une ampoule. Une médaille a deux côtés. La fiabilité des Leds et leur durée de vie jouent en leur faveur de nos jours.
Qui veut voyager apprécie un confort minimal. La selle participe au confort de votre postérieur. Sur nos 1200km d’essai, rien à signaler.
Le cintre du guidon, la position des repose-pieds crantés avec silentblocs en caoutchouc amovibles ainsi que la forme du réservoir d’essence de 20 litres permettent de taper des étapes de 400km en une traite. Ceci est aussi permis par la très raisonnable consommation d’essence. Une moyenne de 4,3 litres au 100km a été mesurée sur des parcours variés, en solo mais chargé. Route secondaire, un peu d’autoroute, de la ville et du petit chemin sec au programme et le tout à allure soutenue mais calme, rodage oblige.
Cette autonomie est un avantage pour le motard voyageur qui pourra aligner les étapes sans crainte. Point d’attention, la protection offerte par la bulle peut être limite pour certains pilotes en fonction de leur taille. La bulle est réglable en 2 positions sur 3 cm via des vis.
Donc, ce sera uniquement à l’arrêt et avec outils. Pas dérangeant dans notre cas, rédhibitoire pour certaines techno freaks. Suzuki offre au catalogue accessoires une bulle plus haute, le choix sera à faire en fonction de votre morphologie et de votre usage. Pour notre 1.82m, la bulle d’origine montée en position haute a été une alliée efficace.
Cette DE800 est disponible en 3 coloris. A côté de notre jaune et bleu, il y a un gris sport et un noir au catalogue. Des accents de couleur contrastent chaque fois avec la couleur de base avec plus ou moins de réussite. A notre humble avis, la version jaune est la plus réussie. Cela reste un avis personnel car il évoque notre jeunesse et fait remonter de nombreux souvenirs.
Le catalogue d’accessoires de cette DE800 regorge de nombreuses pièces qui vont littéralement transformer votre moto en baroudeuse. On parle de béquille centrale, de crash bars, de différents types de bagagerie (rigide ou non), de feux additionnels, de différentes selles, bulle haute et la liste est longue.
Bon, verdict de cet essai longue durée de la Suzuki V-Strom DE800.
Après avoir parcouru 1200 Km à son guidon, pour se rendre au boulot, sur un road trip de 5 jours, cette DE800 nous apparaît comme une très bonne moto. Un trail voyageur de moyenne cylindrée abordable, remplissant toutes les tâches demandées avec honneur. Ce n’est pas la meilleure en tout terrain, pas une routière extraordinaire, pas un roadster sulfureux. Ce ne sera clairement pas une moto coup de cœur et elle ne cherche pas à séduire par sa plastique. Le choix de cette DE800 est d’offrir à son propriétaire une compagne de tous les jours, de partir en voyage sur ou hors asphalte en confort et avec envie. Le budget de 11499€ demandé pour la DE800 sera agrémenté du montant des options que vous déciderez d’y placer. C’est un choix commercial intelligent contrairement à d’autres constructeurs qui forcent la vente en Pack d’option, Suzuki offre le choix à l’acquéreur de se construire la moto de ses envies, de ses besoins et surtout de son budget.
Clairement, la rencontre avec la DE800 nous a laissé un excellent souvenir et elle reste dans notre mémoire comme bonne partout, excellente nulle part, à comparer avec les chevaux utilisés par le service du Poney Express qui n’étaient pas les plus rapides, ni les plus forts mais avaient un cœur vaillant. Suzuki casse ici aussi les codes de finition cheap qu’on leur reprochait parfois, les assemblages et les détails ont fait un bon en avant, c’est beau à voir et cela rassure aussi le futur acheteur au moment de dégainer le chèque. On s’y attache vite, on a cette impression après avoir parcouru 100km d’avoir toujours roulé avec elle, tant elle est conciliante. Lors de notre road trip, les kilomètres ont défilés avec plaisir. Les accessoires n’étant pas disponibles lors de l’essai, un gros sac de selle prit la place du passager.
Pas de souci pour la DE800, elle a fait le job tout en nous donnant du plaisir, ce voyage a permis de découvrir une moto attachante, performante, dotée de tout ce dont on a besoin mais sans excès. Rajoutez à cela un intervalle d’entretien de 12000km qui ne vous ruinera pas, une faible consommation, des consommables simples et fiables, la DE800 est un choix cartésien face à la facture. Des motos simples, polyvalentes, fiables et au budget raisonnable et répondant à vos attentes, que demander de plus ?
Honnêtement, nous cherchons encore la réponse à notre question. La Suzuki V-Strom DE800 est l’exemple de la définition de la bonne copine. On repartirait bien avec elle pour de nouvelles aventures, c’est un signe !
Lolobadboy