Présentée au monde en 2004, la Triumph rocket 3 était un ovni dans le monde motocycliste. Un Gros, voire même le plus gros 3 cylindres à l’époque cubant 2294cm3 et développant la coquette puissance de 142cv et pesant 345Kg en état de marche. Ouch, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Cette rocket 3 était sulfureuse mais lourde et un peu pataude. Elle a son fan club et les pilotes ne tarissent pas d’éloges à son égard. Mais comme toute reine de beauté, les années font leur travail, la concurrence Italienne est rude et la Rocket 3 est tombée en désuétude. Triumph s’est remis au travail, les designers à la planche à dessin et les ingénieurs derrière le pc. Le résultat apparu en 2019 est terrible. Cure de musculation pour le moteur, perte de poids pour l’ensemble, lifting physique, la nouvelle Rocket 3 revient aux affaires et pas sans ambitions. Triumph l’a dotée de ce qui se fait de mieux dans les différents domaines. Nous allons détailler les modifications ensemble, elles sont assez nombreuses.
Le moteur prend du volume, il reste encore et toujours le plus gros bloc moteur de série installé dans une moto. Il cube maintenant 2458cm3, sort la très respectable puissance de 167cv et développe surtout un couple monstrueux de 221Nm à 4000T/Min. Le 0 à 100Km/h est avalé en 2,8 secondes et la sensation est grisante, quelle puissance mes amis. Pas de violent coup de pied au cul mais une poussée franche et continue. Le couple présent transforme chaque rotation de la poigne de gaz électronique en jouissive accélération.
Le châssis est passé par la salle de sport. Aluminium à tous les postes : cadre, jantes et le maousse bras oscillant. 48 Kg de gagnés par rapport à la première version, ce n’est pas rien et cela se ressent surtout à la conduite.
Dommage toutefois que ce régime se fasse aux dépens de l’autonomie puisque le réservoir perd 7 litres de contenance. Vu la consommation de la bête (petit nom affectueux donné pendant l’essai), les 200 kilomètres seront l’indication idéale pour repasser par la case pompe à essence. Triumph annonce une consommation moyenne de 6,8 L/100km mais soyons franc, en jouant avec ce fabuleux moteur, la barre des 8 litres est atteinte très facilement. Et qui ne sera pas tenté de jouer avec ce gros bloc au vu des sensations de fou qu’il procure ?
Pour maîtriser la bête en toutes circonstances, des aides électroniques ont d’office été incorporées sur la Triumph Rocket 3 GT. Les 4 modes de conduite (Rider, Road, Sport et Rain) ne sont pas de trop pour museler ce moteur. Le mode Rider est celui qui vous permettra de paramétrer les assistances à votre goût. Il n’est pas indispensable à notre humble avis. Lors de notre semaine passée en la compagnie, les orages et la pluie nous ont fait apprécié le mode Rain dans lequel la puissance est lissée et le couple progressif tandis que les assistances se montrent les plus vigilantes. Point de frayeur même lors d’un retour sur 100km dans la drache typique de notre plat pays. Le mode Road a été désigné comme mode usuel dans notre essai, le couple y est présent, les sensations aussi tout autant que la banane sur le visage de votre rédacteur. Quel plaisir !
Le mode Sport vous fait basculer dans un autre univers, celui de la puissance brute. Il n’est pas utilisable au quotidien et n’a pas sa place sur route ouverte. D’autres marques imposent l’usage d’un plug-in pour passer dans ce mode et ce n’est pas plus mal de veiller à la sécurité des pilotes. Les accélérations sont foudroyantes, les bras s’allongent, le dosseret de la selle pilote vous cale. Les images défilent de plus en plus vite et on comprend ce que ressent un pilote de jet au décollage. Il m’est difficile de vous retranscrire les sensations, je conclurai donc par: Allez l’essayer !
La puissance est une chose mais encore faut-il tenir la route. Triumph n’a pas la réputation de construire des motos en carton et ici aussi le matériel mis à disposition de Miss Rocket 3 est au top. Fourche Showa inversée de 47mm et au débattement de 120mm avec réglage de compression et en détente pour river le train avant au sol.
A l’arrière, amortisseur Showa à bonbonne séparée avec réglage de précharge hydraulique offrant un débattement de 107mm. La fourche gagne 4 mm de diamètre par rapport à la précédente mouture de la Rocket 3.
Notre avis reste mitigé, il s’agit là d’un excellent matériel mais car il y a un Mais, les suspensions sont dures, trop dures. Mêmes tarées au plus souple, la Triumph Rocket 3 tabasse sur les chocs et retransmet la moindre inégalité de la route avec sécheresse à vos vertèbres. Il y avait longtemps que l’auteur de l’essai n’avait plus sorti sa ceinture de protection des lombaires sur une moto, c’est dire. Dommage pour ce point car la Triumph rocket 3 et certainement en version GT comme essayée ici, appelle à prendre la route.
Autre point fort, le freinage. Pas d’hésitation au moment de la conception, Triumph a fait appel au meilleur fournisseur, Brembo. Quand il faut arrêter une fusée de 167cv pesant 294Kg sans l’équipage, il s’agit de bien réfléchir au matériel qu’on va greffer sur la moto. L’avant se voit donc doté de deux disques de 320mm pincés par des étriers radiaux monoblocs M4.30 à 4 pistons.
Ce puissant freinage avant se voit secondé dans son job par un étrier monobloc M4.32 à 4 pistons pinçant le disque arrière de 300mm. Pour assurer des freinages de trappeur, c’est le top mais pour rester sur ses 2 roues, la centrale ABS de dernière génération prend ce freinage sous son contrôle et même en virages puisque cette fonction y est incluse. En conclusion, vous prenez les freins, la Rocket 3 Gt s’arrête vite et bien, sans vous faire peur.
Dernière aide électronique, le contrôle de traction se règle en fonction du mode, se déconnecte à la demande bien que cela ne soit pas du tout conseillé à moins d’avoir des talents de pilote.
La hauteur de selle fixée à 750mm du sol permet à tout un chacun de profiter de la Rocket 3 Gt et de poser les deux pieds parfaitement à plat, utile pour tenir le 294Kg et d’effectuer les manœuvres à l’arrêt sans suer ni craindre la chute.
Détail qui tue, les commandes avancées se règlent sur la version GT en 3 positions, un plus pour l’ergonomie. D’autres pourraient s’en inspirer, bravo Triumph.
La selle est confortable, cale et soutient le pilote. Le passager est choyé aussi même si la forme de sa selle laisse présager du pire au premier regard.
Le dosseret indispensable pour ne pas le perdre à chaque rotation du poignet droit est réglable en plusieurs positions. On se trouve bien assis sur la Rocket 3 et une belle et longue balade est possible, interrompue seulement et fréquemment par les ravitaillements en carburant. Au début, on se prend à chercher les repose-pieds destinés au passager. Le look s’allie à la technique et ceux-ci sont cachés derrière une trappe escamotable.
Ducati avait déjà initié ce style sur sa Diavel mais Triumph pousse le bouchon encore plus loin sur sa Rocket 3 GT.
Dernière grosse évolution, le tableau de bord classique de la première version cède sa place à l’ordinateur de bord équipant les derniers modèles de Hinckley. Digital Tft monochrome sur fond bleu, il est difficilement lisible car il affiche trop d’informations sur une trop petite surface. Il est beau et bien fini mais sa petite taille gâche le plaisir, comme quoi parfois, cette dernière est importante.
Les thèmes sont personnalisables et vous décidez de ce que vous désirez apercevoir en roulant.
Le thème 2 est notre préféré, il évoque de loin les compteurs des vieux avions de chasse. Les informations sont complètes : mode, heure, température extérieure, trip A, trip B, trip total, vitesse, compte-tours, consommation instantanée, consommation moyenne, autonomie restante, distance parcourue depuis le dernier plein, distance restante à parcourir avant le prochain plein, température moteur, jauge à essence, réglage de la luminosité du compteur, régulateur/limiteur de vitesse, vitesse moyenne, durée de roulage, rapport enclenché, indicateur d’entretien, connectivité (GPS, téléphone, musique, caméra GoPro)… Pour faire court, trop d’informations tue l’information.
Bon, fini la théorie, passons à la pratique. Télécommande dans la poche, il faut actionner le basculeur à droite, saisir l’embrayage, rebasculer l’interrupteur droit.
Le bloc moteur de la Rocket 3 s’éveille dans un grondement sourd et maîtrisé. Point de cris et hurlements aigus, ce bloc offre une voix de baryton.
Les 3 sorties émettent un son rauque. Une torsion du caoutchouc droit transforme ce son en grognement caverneux, sur que Sébastien Chabal appréciera. Les têtes se tournent si ce n’était déjà pas fait.
Si vous êtes amateur de discrétion, passez votre chemin. Les discussions sur le look, le bloc moteur, l’accastillage s’enchaînent à chaque arrêt. Cette Triumph rocket 3 Gt attire les badauds, les motards viennent discuter du moteur principalement. Il y a toujours quelque chose à dire et souvent, ce sont des compliments. La Triumph Rocket 3 Gt possède un capital sympathie et c’est valorisant pour son heureux propriétaire.
Parlons-en du look de cette Triumph Rocket 3 Gt. Aluminium, belle peinture métallisée, revêtement chromé et anodisé.
Les matériaux utilisés mettent les courbes de la Rocket 3 en valeur. La sensation de qualité est telle que, sur ce point-là, l’ancienne prend un sacré coup de vieux.
Les 2 phares ronds chers à la marque, le large guidon et les magnifiques platines repose-pieds passagers démontrent l’attention aux détails lors de la conception de cette moto. Visuellement, aucun détail ne vient agresser vos rétines, la Rocket 3 Gt se déguste comme un 5’O clock Tea.
Les pièces métalliques ornant les flancs semblent taillées dans un bloc et il est difficile de croire qu’il s’agit d’une moto de série au vu de la beauté et de la qualité d’assemblage. On jurerait se trouver devant un prototype de salon. Les différents caches recouvrant les bouchons de radiateur, de réservoir d’essence ou encore d’huile sont splendides. Ses courbes musculeuses attirent le regard et l’émotion passe. Ce travail de design pose le moteur en pièce centrale et dessine la moto autour. C’est réussi dans le sens où les proportions sont harmonieuses. La Rocket 3 reste une grosse moto mais au design sensuel. A l’arrêt se ressent déjà la sensation de puissance.
L’appréhension à l’idée d’enfourcher la bête laisse sa place à un sentiment de facilité. Cette rocket 3 GT s’offre à vous avec une facilité déconcertante. On s’attend à un combat de tous les instants mais au contraire, elle se révèle une moto facile, accueillante et équilibrée.
Seul le rayon de braquage limité impose de l’attention en manœuvre à basse vitesse ou au parking. Le poids indiqué sur la fiche technique semble exagéré lorsque vous prenez le guidon. Si Triumph pouvait prêter son ingénieur châssis à ses confrères américains, ce serait sympa et utile. Petite taquinerie…
Passés les premiers feux rouges et démarrages virils du premier jour, la Triumph Rocket 3 GT se dévoile, offrant plus de possibilités que celles entrevues au premier rendez-vous. Un peu comme si la plus jolie fille de la classe se révélait être la première au bulletin aussi. Les balades et roulages quotidiens ne laissent que de très bons souvenirs et de la tendresse envers cette bête.
L’homme qui aime vivre dangereusement et recherche des shoots d’adrénaline ne sera pas déçu par le mode Sport. Il est impossible de tenir les gaz ouverts en grand jusqu’à la zone rouge sans perdre ni son permis ni gagner 5 cm de longueur par bras. Quelle claque, une puissance brute, un élastique qui se détend, on peut prendre un paragraphe à chercher les mots. Abonnement dans une salle de sport obligatoire pour tenir le coup sinon c’est destructeur.
Quelle santé ce moulin ! Les ingénieurs Triumph ne sont pas des rigolos et les discours tenus lors de la présentation Presse n’étaient pas des paroles en l’air. Stupéfiant de voir ce que peut d’ailleurs encaisser cette partie cycle, les accélérations ne l’ont pas mise à mal. Jamais, une sensation de peur n’est apparue lors des Runs d’accélération. Phénoménale comme moto la Rocket 3 GT.
Accélérer comme un bourrin en ligne droite, c’est bien mais quand surgit la courbe, comme se comporte la Triumph Rocket 3 GT ? Bien, très bien même. La Rocket 3 dévore l’asphalte, avale les courbes avec une aisance et une facilité déconcertante. Le gros pneu de 150 à l’avant laissait présager un comportement de camion avec une tendance au sous-virage alors qu’il permet de plonger à la corde naturellement d’autant plus que pour passer les cv au sol, c’est un pneu de 240 qui officie à l’arrière.
Il s’agit de pneus spécifiquement développés pour cette Triumph Rocket 3, des Avon Cobra. Leur durée de vie dépendra de votre manière de tourner la poignée de gaz.
Seule la garde au sol basse amène le pilote à rendre les gaz et à enrouler rapidement en dessinant de belles arabesques. Les repose-pieds le rappelleront au pilote téméraire assez rapidement d’ailleurs.
Lors de navettes quotidiennes vers le boulot, la remontée des files entre voitures n’a généré aucune crise d’angoisse chez votre serviteur. Les phares et les warnings assistés par un coup de gaz parfois ont suffi à ouvrir la route devant nous comme la Mer Morte devant Moïse. Il faut cependant veiller à ne pas perdre de vue le poids du vaisseau, un écart peut se rattraper mai cela demande du travail et de la force physique.
Les vitesses passent comme dans du beurre, le Shifter fait son job. C’est une technologie maîtrisée de nos jours quoiqu’en usage quotidien son utilité ne soit pas indispensable. Vous passerez très vite les rapports pour cruiser sur le sixième. Le couple de 210 Nm permet même de démarrer en troisième au feu rouge.
Il y a des essais qui vous marquent dans un sens comme dans l’autre. Cette Triumph Rocket 3 Gt reste dans ma mémoire comme une excellente découverte. Passés les premiers émois lors d’accélérations jouissives, elle a su faire preuve d’un supplément d’âme, d’un charisme certain. Ses courbes ne laissent pas indifférentes et le confort offert permet d’envisager une relation à long terme. Cette moto est une légende, le plus gros bloc moteur de série installé sur une moto. D’accord, mais la Rocket 3 GT est aussi bien plus que cela. C’est une très bonne moto pour rouler, partir à deux, aller bosser, remonter son taux d’adrénaline. Loin d’être indomptable, elle se laisse apprivoiser par celui qui saura rester humble. Ces qualités se monnayent au prix de 23.000€. Au poids du métal et des technologies embarquées, ce n’est pas cher si en plus, on y rajoute les émotions et sensations qu’elle délivre. Il nous est arrivé de lui tourner autour sans même la faire démarrer, juste pour contempler ses lignes, ses courbes, ressentir sa puissance. Actionner le démarreur ensuite pour laisser nos oreilles profiter de ce grondement moteur. L’enfourcher et partir rouler en sa compagnie a chaque fois été synonyme de plaisir, les trajets quotidiens se sont transformés en moment de détente. Il y a une sorte de nostalgie post vacances, je sais maintenant qu’il y a aussi une nostalgie post-essai. L’appellation Bulldog lui siérait à ravir tant elle en a le physique mais aussi le caractère. Elle me manque, ma bête….
Lolobadboy