A certains points de vue, l'avènement de la nouvelle Super Ténéré en 2010 avait déçu. Trop de lacunes l'empêchaient de rivaliser valablement face à la référence GS. Avec la version actuelle, ici dans sa finition haut de gamme baptisée ZE, Yamaha donne à la Super Ténéré ses lettres de créance.
Souvenons-nous qu'on reprochait à la première Super Ténéré son manque d'électronique, les fonctions limitées de son instrumentation, sa selle perfectible et sa bulle non réglable. Aujourd'hui, tout cela est oublié grâce notamment à l'apparition de suspensions pilotées et d'un cruise control. La selle a changé et le tableau de bord s'est considérablement étoffé tandis que, comme sur les FJR, il peut à présent se commander depuis le guidon. Enfin, la bulle est réglable pour peu que l'on s'arrête puisque le mécanisme est manuel.
En lumière
Dans son coloris noir mat, cette ZE en jette pas mal avec ses valises assorties, ses protections tubulaires et ses antibrouillards à LED additionnels. Alors que nous nous préparons à un périple au Grand-Duché pour l'évaluer (ce n'est pas le Dakar mais le Luxembourg, avec son réseau virevoltant, constituera un sévère test routier), laissons notre passagère donner son avis: "Par rapport aux photos, cette Super Ténéré est bien plus jolie en réalité. Et son coloris mat, que je n'aime pas d'habitude, lui donne un côté baroudeur, presque militaire du plus bel effet. Contre toute attente, j'aime bien, et nettement plus qu'une GS!" On nous déclara d'ailleurs chez Yamaha avoir été très sensible à cette opinion féminine car, lors de l'achat d'une moto destinée à voyager à deux, l'avais esthétique de l'autre sexe est souvent prépondérant… C'est vrai qu'on ne dénote aucune faute de goût sur le gros trail Yamaha. Certains pesteront peut-être contre des durits un peu trop visibles, mais pas nous; même s'il est vrai que la centrale gérant la suspension arrière aurait pu être plus discrète. Moins imposante qu'une GS Adventure ou qu'une KTM Super Adventure (forcément, ces deux-là embarquent un réservoir de 30L!), la Yam offre un ensemble cohérent et équilibré avec une bagagerie assortie du plus bel effet (2X32L et 30L pour le top case.)
Notons que les nouveautés électroniques viennent s'ajouter à la dotation initiale qui comprenait déjà un ride-by-wire, un anti-patinage et un freinage couplé. Cette fois, les fonctions de l'ordinateur de bord sont pléthoriques et on gère toute une série de menus depuis le commodo gauche. L'ensemble requiert un temps d'adaptation, mais on finit par s'y retrouver entre les divers écrans d'affichage, les poignées chauffantes, les suspensions électroniques, etc. Remarque déplaisante: l'affichage d'autonomie restante est trop fantaisiste pour être pris en considération. Globalement, on ne peut lui faire confiance qu'au plus profond du réservoir, disons sur les 50 derniers kilomètres. Un réservoir qui, sur notre moto d'essai, n'absorbait pas les 23 litres prévus, mais seulement 19. Sérieuse différence tout de même!
Contact: le silencieux Akrapovic, soigneusement masqué par la valise gauche, dispense une sonorité caverneuse et métallique peu agréable à l'oreille et qui engendre "à bord" un phénomène de résonance qui amplifie le niveau sonore. Voilà une option onéreuse (plus de 900€) dont on se passera bien, à ce qu'il nous semble...
On s'installe, et on constate que le cintre du nouveau guidon induit une position plus redressée et plus confortable à l'usage. On note aussi la présence d'une prise 12v au tableau de bord. Grâce à la selle facilement réglable, on peut adapter l'assise au gabarit du pilote sur deux positions: 845mm ou 87mm. Si on y adjoint le réglage de la bulle, on débouche sur un confort qui est assurément un point fort de cette Yamaha; une impression d'ailleurs confirmée par le passager qui apprécie aussi énormément la protection. Bien que surélevé, votre compagnon de route se sent bien à l'abri, même lorsqu'il pleut. Seul bémol à l'arrière: l'absence de dossier sur le top case fait taper ce dernier dans le dos du passager sur les accélérations ou sur les bosses.
De leur côté, les suspensions pilotées, outre l'agrément de pouvoir en changer le réglage tout en roulant, offrent une plus-value à la XTZE car l'effet des 72 combinaisons possibles (hard, normal ou soft; 1 ou 2 personnes, avec ou sans bagages, …) est bien réel. Nous avons trouvé le système Yamaha plus pertinent du reste que celui qu'embarque une GS: ici, les suspensions peuvent se raffermir mais ne se montrent pas sèches et restent donc confortables. Même constat s'agissant de l'anti-patinage à trois positions (dont un "Off" appréciable sur les chemins): pas plus intrusif que l'intelligent ABS, il veille néanmoins au grain dès que c'est nécessaire. Quant aux deux cartographies présentes, (Sport ou Touring), elles confirment qu'il n'est pas indispensable de les multiplier pour profiter d'un surcroît de sécurité: le mode Sport propose des montées en régime agressives qui sont lissées sans excès par le mode Touring. Ajoutons une mention Bien au freinage couplé qui, lui aussi, ajoute sa pierre à l'édifice sécuritaire en limitant considérablement la plongée de la fourche. "Bien" seulement, car le couplage allant de l'arrière vers l'avant, on ne peut asseoir la machine sur son amortisseur arrière. Et le système n'est pas débrayable…
En vitesse
Si l'embrayage n'appelle aucune critique sinon celle d'être un petit peu dur, le verrouillage de la boîte est perfectible sur certains rapports. Dans l'ensemble cependant, tout se passe bien au plan des transmissions.
En position haute, la bulle offre donc une protection optimale, et un grand pilote peut en outre choisir de regarder dessus ou dessous. Elle est secondée par deux déflecteurs inférieurs protégeant efficacement les cuisses. La position reculée par le nouveau guidon nuit un peu à la lecture de la route mais, avec la précision des suspensions, le ressenti reste excellent. D'autant que, tout bien considéré, les 265kg en ordre de marche se font vite oublier. Au cours de notre essai, nous les avons davantage sentis sur des freinages en descente juste avant une épingle (une configuration courante au Grand-Duché!) que lors des changements d'appui sur lesquels la Super Ténéré se montre très à son affaire. C'est vrai que dans ces épingles en descente, le freinage atteint ses limites si on pilote sportivement à deux avec bagages. Eh oui, le surpoids n'est bon pour personne…
Ceci dit, il faut souligner que la Super Ténéré est à présent servie par un moteur qui a gagné en caractère par rapport à la version initiale sortie en 2010. La puissance passe de 110 à 112cv en jouant sur l'admission et l'échappement ainsi que sur les arbres à cames et sur les segments. Pointons encore un travail sur l'échappement et un couple qui reste généreux et culmine à 117Nm. Le bi est doté d'une disponibilité peu commune, jugez-en: voilà un bicylindre capable de redémarrer en sixième sans trop rechigner ni martyriser l'embrayage! Sinon, en règle générale, 2500rpm est le régime clé où ce moteur repart avec ce qu'il a de meilleur. Notons cependant quelques hésitations de l'injection lorsqu'on reste sur un filet de gaz à bas régime. Dans ce cas de figure, il ne sera pas rare d'entendre le cardan manifester également sa réprobation. Ceci précisé, les montées en régime sont bien plus énergiques que par le passé, preuve du travail effectué par l'ingénierie aux trois diapasons: le trail n'a gagné que deux chevaux, mais sa nouvelle personnalité laisse à penser que ces canassons supplémentaires sont bien plus nombreux.
En conclusion
De là, on en vient à considérer que la Super Ténéré - et surtout dans cette déclinaison ZE de haut de gamme- s'impose comme un choix pertinent pour tous ceux qui apprécient la polyvalence. Exactement comme le fait une BMW GS légèrement plus performante et un peu plus précise en dynamique, mais aussi moins confortable et moins conviviale en couple. Et puis, en comparaison de la Super Ténéré initiale sortie en 2010, cette ZE est un tout autre véhicule. Mieux doté, plus confortable, plus performant; en deux mots: plus abouti. Suffisamment en tous cas pour faire référence aux côtés de la BMW GS. Concluons avec notre moyenne de consommation établie à 5,7L/100km sur les 1500km de notre essai, parcourus en couple et avec des valises pleines, précisons-le.
[…] http://www.objectif-moto.com/yamaha-super-tenere-ze-la-rehabilitation/ […]