Hybride débridé
Que retient-on d'abord du SRV 850 ? Ses performances inaccessibles aux autres maxiscooters et son esthétique léchée typiquement italienne. N'y a-t-il rien d'autre à mettre en exergue cependant ? Oh que si !
Avec sa déco plutôt sobre qui fait presque regretter l'absence d'un coloris racing réplica (genre Alitalia flanqué d'un numéro 3, en hommage au grand Max Biaggi), le SRV 850 pourrait avoir l'air banal si on ne le regardait de plus près. Un examen attentif tire l'oeil vers les étriers de frein Brembo " Oro ", vers le silencieux à deux sorties superposées (comme sur les premières RSV, pardi!) ou encore vers la commande d'antipatinage, une exclusivité dans le segment. Ensuite, on remarque le bras oscillant " banane " très racing lui aussi, le feu arrière aux relents hypersportifs, la bulle limitée et la face avant très inspirée de la superbike RSV4 avec son triple phare . sans parler de la transmission par chaî.ne... Enfin, on constate que la finition générale, si elle n'atteint pas le niveau de qualité perçue d'un Tmax -champion en la matière-, n'a guère à envier à celui d'un Burgman ou d'un BMW, à l'exception près de sa commande de frein à main d'aspect négligé. On peut donc légitimement conclure de cet examen visuel qu'Aprilia ne s'est pas raté en extrapolant ce SRV du Gilera GP800, politique de groupe oblige. En changeant de marque, le V-twin gagne un cv et des réglages d'injection optimisés. Précisons que ce moteur n'est autre que celui qui équipe également l'Aprilia Mana 850.
Les deux-roues ont aussi leur hybride
En voiture, les hybrides ont le vent en poupe pour des raisons environnementales . en moto, on en est loin. Pourtant, dans son genre, ce SRV 850 en est bien un : une plastique de scooter avec des prestations de moto, la transmission finale par chaî.ne étant peut-être la preuve la plus évidente de ce que nous avançons. Car telle est la réalité de ce SRV : le considérer comme un maxiscooter au même titre que ses " concurrents " des autres marques serait fallacieux. Il se comporte différemment et la vie " à bord " de son propriétaire est aussi sensiblement autre.
Votre trip, c'est quand Joe, le patron du bar bien connu, quitte le troquet pour passer au panneautage de son team ? Alors, le SRV est taillé pour vous, parce que ses 76cv n'ont aucun mal à suivre pendant un bon moment des motos de forte cylindrée . il faut dire que le couple vario/chaî.ne vous gratifie d'accélérations directes et plus que franches qui vous font perdre un minimum de temps sur les démarrages et sur les reprises. N'importe quel autre scooter serait largué comme un trognon jeté d'une portière. A ce propos, souvenons-nous avec émotion de ce conducteur de BMW 325i qui nous vit passer à 210km/h compteur et qui mit pied au plancher pour s'offrir le luxe de nous dépasser... alors que nous avions coupé les gaz pour quitter l'autoroute . blaireau, va !Dans un registre plus objectif, "notre" SRV tenait sans problème 195km/h au compeur dans une franche montée autoroutière avec pilote et passager. voilà qui en dit long sur son potentiel.
Dans ces conditions, la présence de l'A-TC (Aprilia Traction Control) n'est pas un luxe. Bien qu'il s'agisse d'un élément simplifié par rapport au système APRC embarqué sur les RSV4 et Caponord, il s'avère remarquablement adapté à un scooter. Ici, pas de capteurs d'inclinaison, juste un capteur dans chaque roue (ils servent d'ailleurs aussi pour l'ABS) qui mesure classiquement la vitesse de rotation de ces dernières pour intervenir dès qu'il y décèle une différence. Au comodo droit se trouve la commande du dispositif qui se contente de trois positions : " On " (c'est la position par défaut chaque fois qu'on met en route), " Sport " (le dispositif se fait moins intrusif et accepte les dérives limitées, un voyant spécifique s'éclaire alors au centre de l'instrumentation) et " Off " pour ceux qui veulent profiter de tout le potentiel sportif du SRV.
Avec près de 80cv dans la poignée, il est hors de doute que l'ATC soit utile . le clignotement de son témoin de fonctionnement au tableau de bord le prouve, du reste. On note effectivement une différence sensible entre les deux modes : en standard, le dispositif intervient dès qu'on ouvre en grand en étant encore sur l'angle (intervention sur l'avance à l'allumage et sur l'injection) . en Sport, l'amorce de glisse est tolérée juste ce qu'il faut. Il y a donc là de quoi sécuriser l'équipage en toutes circonstances : la position Sport est parfaite sur revêtement sec, tandis que le mode normal sera privilégié par temps de pluie ou sur routes gravillonnées par exemple. Pour ce qui le concerne, l'ABS donne lui aussi satisfaction, quoique nous l'ayons trouvé un peu trop rapide sur la roue arrière . rappelons que le freinage du SRV n'est pas couplé. Du reste, les étriers Brembo Oro ne sont pas de trop pour stopper un engin capable de telles performances : ils sont certes très endurants, mais nous les trouvons un peu timides en termes de puissance pure.
Un scooter d'égoïste
Si les motos d'égoïstes sont légion, le scooter est d'ordinaire perçu comme un véhicule consensuel. Eh bien attendez-vous à ce qu'il n'en soit pas ainsi du SRV. Et c'est paradoxal d'ailleurs, car le scooter italien se révèle très confortable tant de suspensions (c'est une agréable surprise!) que de selle. A ce propos, le dossier de presse Aprilia fait allusion à un rembourrage révolutionnaire développé pour l'occasion, mais sans qu'on puisse en apprendre davantage. Le résultat est probant : on peut en effet enquiller les bornes (nous sommes allés jusqu'à 350km le même jour) sans ressentir de gêne au postérieur.
Mais alors, où le bât blesse-t-il ? D'abord, la protection offerte par la sportive petite bulle est d'autant plus insuffisante qu'elle équipe le plus rapide de tous les scooters : la tête et les épaules n'échappent pas à la pression du vent, et il faut impérativement de pencher en avant, ce qui est moins naturel que sur une moto vu la position typée, si on veut résister au-delà de 140km/h. Un casque racing haut de gamme à l'aérodynamique optimisée limite le phénomène . nous l'avons expérimenté avec le nouvel AGV Corsa, mais il s'agit tout de même d'un heaume facturé 750€... Mieux vaut sans doute opter pour une bulle adaptable plus haute, comme Ermax en propose une dans son catalogue. Précisons que les mains et les bras sont également fort exposés. Le plus mauvais traitement cependant est dévolu au passager : non qu'il ait à se plaindre de la selle ni des poignées, mais ses pose-pieds sont trop avancés, de sorte qu'il se trouve constamment en porte-à-faux, obligé de compenser la force centrifuge qui le tire en arrière en sollicitant plus que de raison dos, cuisses et abdominaux. Alors imaginez s'il porte en plus un sac à dos ! Alors, après une journée à l'arrière du SRV, notre passagère coutumière, pourtant rompue au strapontin des sportives, ne pouvait plus le voir en peinture. Vous voyez le tableau...
Et ce n'est pas la capacité de chargement de l'Aprilia qui va redorer son blason pratique : aucun rangement dans le tablier et un espace sous la selle bien plus petit que chez la concurrence. Ne croyez pas un mot de ce que déclare Aprilia : aucun intégral ne rentrera dans la soute éclairée . même une taille XS s'est avérée trop grande pour pouvoir refermer la selle. Seul un jet pourra y trouver sa place, et encore, on a dû. tâtonner pour l'y faire rentrer ! Bref, le tableau pratique offert par le SRV s'avère insuffisant, et plus encore si on le confronte à ce qu'offrent les concurrents en la matière. Bon, disons que l'Italien se rachète un peu grâce à ses transmissions douces, à l'absence de vibrations et à une consommation qui, si elle n'est pas spécialement faible, s'inscrit dans la moyenne mais tout en offrant des performances bien supérieures (6,2L/100km durant notre essai). A un niveau de détail, focalisons-nous un instant sur l'éclairage un peu faiblard de nuit en feu de route et sur des rétroviseurs un peu trop sportifs -donc petits- pour offrir une visibilité suffisante . par ailleurs, seule la partie miroir se replie, ce qui peut gêner dans les remontées de files. Ouf, les branchés apprécieront cependant la présence d'une prise 12v dans la soute.
Mais un sacré engin tout de même
Ce moteur dans un scooter, c'est de la dynamite . on vous l'a déjà laissé entendre. Il n'est pas avare de sensations bien qu'il ait ce qu'il faut de linéarité pour rester aisément gérable. Et, puisque ses performances stratosphériques parviennent à contenir la consommation, on peut dire que sur le plan mécanique, le SRV signe un sans-faute. Bien secondé par l'électronique comme nous l'avons vu, il se montre aussi fort sécurisant. Reste à envisager son comportement routier.
Bien qu'il embarque des gènes de sportif, le SRV n'est ni compact ni léger : avec 280kg en ordre de marche, il est comparable au Suzuki Burgman 650, pourtant nettement plus embourgeoisé. Ces amples mensurations sont bien présentes lors des man&oelig.uvres et dans les basses vitesses, où le scooter transalpin réclame un temps d'acclimatation parce qu'il a une tendance naturelle à " engager " et donc à manoeuvrer plus vite que son pilote, en quelque sorte. Là encore, on retrouve matière à comparaison avec le Burgman car, comme son homologue nippon, le SRV s'y entend lui aussi pour masquer son poids dès qu'il roule. Et après cela, il fait mieux, ce qui n'est après tout que conforme à son orientation sportive. Sa roue avant de 16 pouces lui donne une vivacité plaisante même si, en l'espèce, le Tmax et le C600Sport font mieux que lui, vraisemblablement parce que son train arrière monté en 15 pouces ne suit pas toujours le mouvement avec la même promptitude. Qu'importe, l'impression d'ensemble est bien celle d'une belle maniabilité. Et puis, le châssis tubulaire vient apporter sa rigidité au travail des suspensions étonnamment confortables, nous l'avons dit, mais aussi précises. La fourche met en confiance et informe le pilote mieux que ne le font les scooters en général . de son côté, l'ensemble bras oscillant/amortisseur arrière (réglable en précharge moyennant le démontage fastidieux d'un cache) ne surprend jamais, même si on laisse parler la poudre. Ajoutez-y que même aux alentours des 200km/h les grandes courbes sont avalées sans ciller, et vous conclurez vous-même le bilan dynamique par une très bonne note.
Podium ou guillotine ?
De renseignements pris auprès d'un concessionnaire, il appert que les possesseurs de SRV sont sous le charme de leur monture. Nombre d'entre eux accentuent encore sa singularité sportive avec silencieux racing voire ligne complète, filtre à air et bougies iridium. Pourtant, en ce qui nous concerne, au moment où doit tomber le verdict, nous restons un peu perplexes face au SRV. L'engin est beau et bien fini . il est doté de performances ébouriffantes et de qualités dynamiques de haut niveau. Il est aussi 1000€ moins cher qu'un Burgman et même 2000€ moins cher qu'un BMW. Par ailleurs, son confort n'est pas exempt de critiques (surtout pour le passager) et il fait un peu trop l'impasse sur les aspects pratiques. Au fond, on en vient à se demander pourquoi le SRV n'est pas une moto car alors, on lui pardonnerait ses manquements. Hybride, on vous le disait...
Fiche technique
Aprilia SRV 850 ABS-ATC &ndash. 9960€ en aoû.t 2013
Moteur : Bicylindre à 4 temps en V de 90°. Alésage course : 88 mm / 69 mm Cylindrée : 839,3 cc Puissance maximale à l'arbre: 76 HP @ 7.750 rpm Couple maximum à l'arbre : 76,4 Nm @ 6.000 rpm Alimentation : Injection électronique avec monocorps Ø. 38 mm Lubrification : à carter sec avec double pompe à lobes trochoïdale Boî.te de vitesses : Variateur automatique CVT avec asservisseur de couple
Embrayage : Automatique centrifuge à sec avec tampons amortisseurs Cadre : Double berceau en tubes d'acier à haute résistance Suspension avant : Fourche télescopique hydraulique de 41 mm de diamètre à jambes droites et pivot reculé (course verticale roue 122 mm) Suspension arrière : Avec fourche en aluminium et mono amortisseur latéral avec précharge ressort réglable sur sept positions. Freins : Double disque en acier inox Ø. 300 mm semi-flottant, avec double étrier flottant Brembo à double piston Ø. 28 mm. Disque en acier inox Ø. 280 mm et étrier à double piston Ø. 25,4 mm. Jantes : Alliage d'aluminium 16&rdquo. x 3.50 Avant 16&rdquo. x 3,50 Arrière 15&rdquo. x 4,50 Pneumatiques : Tubeless Avant 120/70-R16&rdquo. - 57H Arrière 160/60-R15&rdquo. - 67H Dimensions: Longueur 2.237 mm Largeur 790 mm Empattement 1.593 mm Hauteur selle 780 mm Poids à sec : 249 kg Réservoir : 18,5 litresEmissions : Euro 3
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