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Entretien avec M. Freddie Spencer

Quel est votre meilleur souvenir sur circuit ?

Actuellement, un de mes souvenirs favoris est le grand Prix d'Espagne 1985 car il est à l'image d'un de ces jours qu'on n'oublie jamais où, pour moi, le sport et la course représentent tout. Je me réveillais tôt le dimanche matin, il pleuvait sur le circuit de Jarama. C'était ma première année en 500cc, je participais au développement des pneus en rapport aux problèmes d'avant de la moto qui se manifestaient en entrée de courbe. Il fallait trouver un équilibre entre la rigidité du châssis et la stabilité au freinage. La course en Espagne était unique. Le GP 500 cc se déroulait avant midi vu que le roi d'Espagne, Sa Majesté Juan Carlos venait assister à la course. Le Warm Up était à 10h25 et la course à 11h00.J'essayais un nouveau réglage à l'avant et le premier tour s'était bien passé . au second tour je voulais tester un peu plus fort mais j'étais alors tombé au troisième virage et m'étais blessé à la main et cassé un doigt. La machine était bien abîmée et avait rebondi par-dessus la barrière. J'avais aussi ressenti un choc à la tête, sur ma cheville et mon coude avait un trou. La moto était en pièces. J'allai à pied jusqu'au motorhome sans vouloir passer par le staff médical. M. William m'accompagnait au motorhome et constata mes blessures. En les soignant il me fit remarquer que je ne pourrais pas prendre le départ alors qu'on était à 22 minutes du départ de la course.

 

 

Entretien avec M. Freddie Spencer

 

Il y avait un problème : si je ne roulais pas d'abord pour ce GP en 500cc, le médecin m'interdirait de rouler l'après-midi en 250cc. Comme je défendais mon titre en 250cc, je ne pouvais dès lors pas me permettre de manquer cette manche-là. J'étais en pole, mais si on remplaçait la machine, je devais alors prendre le départ à la dernière place et je ne voulais pas de cette situation-là non plus car je devais absolument marquer des points. Jeremy Burgess et son équipe avaient réussi en 20' à remettre la moto en état de marche. J'avais là une équipe de mécanos plus que formidables. Six minutes avant le départ, un hélicoptère atterrissait avec Sa Majesté le roi Juan Carlos. Pendant ma préparation dans le motorhome, j'entendis aussi le speaker annoncer un invité surprise qui finalement s'avéra être M. Honda lui-même. M. William me demanda alors si j'étais certain de pouvoir rouler dans mon état. En apprenant que M. Honda était présent sur la course, je pensai que je n'avais pas trop le choix et décidai de rouler malgré tout, en ignorant totalement que M. Honda était déjà informé de ma chute du matin au Warm Up. On avait demandé à M. Honda si Freddie était en état de rouler, et M. Honda avait répondu sans hésitation : il va gagner le GP ! Alors je m'étais dit " je vais aller rouler " et je gagnai la course ! Depuis le podium je voyais M. Honda avec les larmes aux yeux. Si vous me posez la question, ce n'est pas pour l'argent ni pour la gloire ou le nombre de GP que j'ai gagnés, mais ce GP a pour moi une signification toute particulière de ce qu'est le sport au sens le plus profond du terme, le vrai sport.

 

 

Entretien avec M. Freddie Spencer

 

Quel est l'événement qui a le plus marqué votre carrière ?

L'événement qui m'a le plus marqué c'est la saison 1983, qui avait été une saison formidable au point de vue technologie des pneus mettant en bataille Michelin et Dunlop, sans oublier la concurrence féroce entre les constructeurs japonais Suzuki, Yamaha, leurs pilotes et Honda. Depuis le premier tour de roues aux essais, jusqu'aux derniers tours de roues lors de la dernière course, c'était la saison la plus intense. Par exemple au GP d'Espagne j'avais amélioré mon record du tour de 4,5''. Cette saison là, la technologie avait beaucoup évolué tant au niveau de la machine qu'au niveau des pneus. Il y avait aussi ma première victoire à Spa en 1982.

 

Quand vous comparez les courses des années 80 à celles d'aujourd'hui, quels sont les grands changements ?

Le grand changement, c'est la technologie, le passage au 4T en 2002. Le progrès en gestion électronique au niveau du comportement des différents aspects d'une moto, et non pas seulement dans la programmation mais aussi dans les réglages fins que les pilotes peuvent encore effectuer et influencer. Si on prend par exemple les essais de Misano, la différence entre Marc Marquez, Jorge Lorenzo et les autres, la combativité est la même qu'à mon époque mais actuellement, ils disposent encore en plus, de toute la finesse de ces réglages pour se rapprocher encore plus des limites.

 

Quelles émotions vous animent quand vous vous retrouvez triple champion du monde en 250cc et en 500 cc.... Et quel souvenir particulier en gardez-vous ?

C'est l'aboutissement d'années d'entraînements, de progression et de persévérance. Je faisais cela déjà dès l'âge de 4 ans, tous les jours jusqu'à mes quatorze ans, et dans n'importe quelles conditions saisonnières. C'est aussi les échanges, les contacts enrichissants avec toutes les personnes présentes autour de ces courses, tels que par exemple les ingénieurs. Il y a le soulagement de l'avoir fait, que la saison se soit bien passée, et sur le podium, tu penses déjà à la prochaine course.

 

 

Entretien avec M. Freddie Spencer

 

discussions entre pilotes à St-Cergue (CH) de gauche à doite : Freddie Spencer, Christian Sarron, Troy Corser, Phil Read et Jim Redman.

 

A votre époque de gloire, quels étaient les pilotes concurrents les plus dangereux à vos yeux ?

Kenny Roberts pouvait me mettre la pression et moi je pouvais en faire autant. Il y avait aussi Eddie Lawson, Tony (Anton) Mang et Carlos Lavado qui lui, m'a beaucoup fait suer et m'a fait donner le meilleur de moi-même en pilotage en 250cc. Tony avait la particularité de ne jamais commettre d'erreur et Carlos faisait des tours extrêmement rapides.

 

En 2013 vous avez fait plusieurs voyages en Suisse, quel regard portez-vous sur notre pays ?

C'est un merveilleux pays qui est très joli à voir en été avec toute cette végétation verdoyante contrastant avec une superbe architecture et les montagnes. Je suis ravi de pouvoir admirer tout cela.

 

 

Entretien avec M. Freddie Spencer

 

 

Je suis très content de l'accueil et du fait d'y rencontrer encore des fans. La Suisse est le pays du savoir et de la technologie. Il y a la technologie du moteur 2T et celle de châssis renommés, qui ont été développées en Suisse par différentes équipes. Il y a ici une très grande connaissance dans la construction de châssis avec beaucoup d'innovations. Il y a un grand respect de ma part pour ces choses-là. C'est un pays qui est vraiment super à visiter.

 

 

Entretien avec M. Freddie Spencer

 

Vous avez poursuivi votre carrière avec l'ouverture d'une école de pilotage, quelle est sa particularité ou quels sont les points forts de votre école ?

J'ai commencé en 1995 et c'était pour moi important d'aider les pilotes pour l'amélioration de leur conduite. Ma question était de savoir ce que je pouvais apporter à ces conducteurs pas au niveau de la compétition mais plutôt au niveau de la sécurité. Les 95% de personnes qui suivaient ces cours n'étaient pas des pilotes. Ces cours doivent aider à conna&icirc.tre la réaction de la moto dans toute situation. Suite à cela, leur faire comprendre comment ils doivent adapter leurs réactions pour qu'ils puissent profiter au mieux de leur moto. C'est ce que j'ai apporté durant ces 11 ans de formation.

 

Un petit conseil pour un jeune pilote débutant ?

Prendre conscience de comment se comporte une moto et apprendre à la contrôler. Apprendre à doser les gaz et le freinage. Ne jamais dépasser ses limites non au niveau de la vitesse mais au niveau de la ma&icirc.trise de la moto.Apprendre à regarder le plus loin possible devant soi et autour de soi. Je conseille d'apprendre, et même si tu n'es pas le meilleur, apprendre à vraiment maîtriser la moto. Le dernier conseil que je peux vous donner, c'est de rouler beaucoup, tout le temps et de rester très attentif à tout, en anticipant le plus possible les choses et surtout de se faire plaisir. Avec tout ceci, vous pouvez acquérir une expérience énorme.

Entretien avec M. Freddie Spencer

 

Quels sont vos projets liés à la moto pour 2014 ?

Cette année j'ai été présent sur beaucoup d'évènements liés à la moto ancienne. Pourquoi ? Parce que j'ai beaucoup lu sur ces évènements-là. Les réactions suite à cela sont très positives avec beaucoup d'échanges dans le monde de la moto.

 

Entretien avec M. Freddie Spencer

 

Je souhaiterais continuer l'année prochaine dans cette direction et aussi je vais participer aux différentes écoles de pilotage et de formation. Ce qui est très réjouissant dans tous ces évènements de motos anciennes, c'est de constater que toutes les générations sont présentes et portent un engouement particulier pour nos motos et nous pilotes.

 

 

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