Le pari
Confrontée en France et surtout en Belgique à des ventes en berne, Kawasaki se devait d'investir le créneau vendeur des gros trails avec un produit original. C'est fait, et la Versys n'a pas à rougir de son accastillage. Mais sera-ce suffisant pour assurer son succès commercial ?
A découvrir la Versys, dont la ligne ne plaî.t clairement pas à tout le monde, on discerne clairement les impératifs de réduction de coû.ts qui ont présidé à sa conception : on épargne sur le design en l'apparentant à la 650, on économise sur la motorisation en reprenant celle du roadster Z1000 et on grappille sur l'équipement en important l'électronique embarquée présente sur d'autres modèles. Cet assemblage, qui pourrait sembler hétéroclite de prime abord, aboutit pourtant à une moto qui doit certes se faire sa place, mais qui est une alternative pertinente aux locomotives du créneau, BMW GS (moto la plus vendue en Europe) voire Yamaha Super Ténéré. En tous cas, Kawasaki a cette fois développé intégralement la machine, se souvenant sans doute des affres rencontrés par la clonée KLV 1000.
En statique
Versys, pour Versatile System, laisse à penser que la nouvelle Kawa est une sorte de MPV (Multi Purpose Vehicle) à deux roues. Certes, on pourra l'emmener sur des pistes roulantes et dans des sentiers pas trop gras, mais ne la confondez pas avec les deux baroudeuses citées plus haut . la Versys est essentiellement un trail routier qui a du caractère et, s'il fallait lui trouver une concurrente réelle, ce serait sans doute du côté de la Triumph Tiger 1050 qu'il faudrait chercher. Remarquez, ceci n'est en aucun cas un défaut puisque les études des constructeurs montrent que c'est bel et bien sur le bitume que les trails de grosse cylindrée parcourent 90% de leurs kilomètres...
Lorsqu'on s'approche de la Versys, on est frappé par sa hauteur et, en effet, ne comptez pas poser vos pieds au sol si vous mesurez moins d'1m80. Par contre, la position offerte est naturelle et reposante. Comme sur les GTR et ZZR, le commodo gauche concentre toutes les fonctions des aides électroniques. Sur l'instrumentation, on retrouve tout ce qui se fait de bien de nos jours, grâce notamment aux fonctions ordinateur de bord. Il faudra juste s'habituer au fond brunâtre du compte-tours (certains disent que c'est bordeaux, mais on les suspecte de souffrir d'une insuffisance oculaire...), à une consommation moyenne exprimée en kilomètres par litre et à l'absence d'un indicateur de rapport engagé dont on aurait pourtant apprécié la présence. A part quelques gainages un peu cheap, la finition est aux standards nippons et, finalement, nous trouvons la Versys " vraiment pas si moche " dans son coloris blanc (le marron foncé l'alourdit, par contre). Disons que le gros radiateur -heureusement caréné-, le silencieux peu avenant et la bulle pointue ne rehaussent pas forcément la note esthétique. Mais, à vrai dire, il n'y a rien de spécial à reprocher à cette grosse Versys bien typée et bien dotée grâce à son électronique embarquée, à sa sellerie confortable ou à ses freins de sportive. Pour les voyageurs, signalons aussi la présence au catalogue belge d'une version Touring de la Versys, alors équipée d'un kit trois valises peintes qui la rend, selon nous, plus élégante et plus rationnelle car elle s'y entend pour vous emmener loin.
En dynamique
Au fond, le plus étonnant dans cette Kawa, c'est quand on met le contact, car il y a presque quelque chose d'antithétique à entendre le feulement caractéristique d'un gros 4-cylindres alors qu'on est juché sur un trail ! Mais on s'y fait très vite car l'agrément est bel et bien au rendez-vous, d'autant que la Versys sait fort bien masquer son poids dès qu'elle est en mouvement. Il est vrai que le moulin laisse filtrer des vibrations sensibles dans les mi-régimes, mais on ne lui en veut pas, car s'il est lisse, il n'est pas sans caractère.
Expérience : avant d'ouvrir en grand, on se laisse redescendre " au pas " en... sixième et on met gaz. Résultat ? La Versys repart sans même un hoquet, fait ce qu'elle peut jusqu'à 2000rpm, s'ébroue entre 2000 et 4000rpm et commence alors à pousser velu. Essayez de trouver un trail qui puisse en faire autant. Il n'y en a qu'un, la Honda VFR 1200 X qui est, comme par hasard, un quatre-cylindres. Même un triple britannique aurait du mal à soutenir la comparaison.
Vous l'aurez compris, au point de vue de la motorisation, Kawa ne s'est pas fourvoyé, un quatre-cylindres en ligne sur un trail, ça le fait . oui ma bonne dame ! En outre, le bloc Kawa, même s'il jouit, comme nous le disions précédemment, d'une linéarité qui le rend exploitable, a la bonne idée de distiller aussi des sensations et une poussée vraiment sensible. On le savait depuis la Z1000 de la dernière génération, ce moteur peut offrir un concentré de plaisir à son propriétaire. Nous ne dirions pas que le gain en couple est mesurable sur la Versys par rapport au roadster (en vérité, le trail pousse avec tant d'allant qu'on n'a nullement l'impression d'aller moins vite que sur la Z), mais nous ne dirions pas non plus que la Versys crache ses derniers chevaux avant le roadster. C'est qu'elle envoie du gaz, la grosse, et qu'elle ne se fatigue jamais jusqu'aux abords de la zone rouge. D'ailleurs, vous en connaissez beaucoup des gros trails qui vous affichent 240 au compteur sans donner l'impression de cracher leurs pistons ? La Versys le fait pourtant, et dans ce domaine, sa transmission secondaire par chaî.ne est une alliée de choix car elle se fait oublier quelle que soit votre manière de solliciter la boî.te et la poignée droite. A propos de tension de chaî.ne, dommage quand même que Kawa ait abandonné ici son chic et pratique système à excentrique.
Les conditions du plaisir
Mais des performances sans sérénité seraient bien inutiles. Là aussi, la Versys ne fait rien regretter à son propriétaire, et encore moins à son passager, lequel profite, selon la marque, de la selle la plus confortable de la gamme. C'est confirmé : le séant de votre accompagnateur ne se plaint de rien, d'autant que des poignées de maintien sont intégrées au porte-bagages faisant aussi office de platine pour le top case proposé en option, ou d'origine sur la version Touring de la Versys qui vous donne aussi droit aux valises latérales. Toutefois, sur de longs trajets autoroutiers, le passager se plaindra d'être fort exposé aux turbulences aérodynamiques en raison de sa position surélevée, et de devoir lutter contre le vent qui, dévié par le carénage, a tendance à sans cesse lui écarter les jambes. Bonjour les adducteurs après 500 bornes d'autoroute ! Le pilote, lui, ne se plaint de rien de tel, car ce même carénage lui abrite plutôt bien genoux et cuisses. Quant à la bulle pointue et de mensurations réduites, elle se tire honorablement d'affaire lorsqu'elle est en position haute : les bras sont exposés, le casque doit s'accommoder de quelques remous, mais le buste est à l'abri. Tout cela, s'ajoutant à une position naturelle avec des jambes bien dépliées, fait que la Versys pourra vous emmener loin sans fatigue notable. Au besoin, il existe encore une bulle haute protection au nombre des accessoires d'origine.
Neutre et naturelle, la Versys ne révèle aucun mauvais penchant en termes de comportement dynamique. Grosso modo, nous pouvons d'ailleurs dire sans solliciter la réalité qu'elle se conduit comme un gros roadster qui aurait perdu de son glamour mais gagné du confort. Le moteur est là pour vous ravir grâce à ses montées en régimes infatigables et, en prime, sa sonorité perçue de bon gros cube n'est pas désagréable du tout. Les suspensions retenues, grâce à leur épure privilégiant le confort, ne vous font pas profiter de tous les reliefs routiers, et négocient les plus importants sans que ce soit au détriment de l'efficacité. La Versys est d'ailleurs une moto bien née à ce point de vue car elle reste maniable (peut-être un brin moins qu'une GS ou qu'une Super Ténéré, mais tout autant voire plus qu'une VFR X), sereine au freinage et particulièrement stable sur l'angle. Elle ne rechigne pas à aller chercher le point de corde, même s'il convient de l'accompagner un peu dans son mouvement . et la rigidité du châssis retenu fait le reste. De sorte que le bilan dynamique de la nouvelle Kawasaki s'avère au total plutôt flatteur : les légers louvoiements constatés à partir de 180km/h sont un tribut normal qu'elle doit payer à sa géométrie de trail . c'est négligeable et le phénomène ne s'accentue pas avec la vitesse. A l'inverse, on est souvent bluffé par la maestria de la Versys lorsqu'il s'agit d'avaler des courbes très rapidement, même lorsqu'elles ne sont pas des billards, le nouveau châssis s'avère donc parfaitement adapté. Les transmissions sont épatantes de discrétion avec une boî.te douce et précise et un embrayage qui a ce qu'il faut de fermeté. De leur côté, les freins de la Versys 1000 profite d'un ABS rassurant mais peu intrusif, comme sur la ZZR . on leur reprochera juste un petit manque de mordant à l'attaque du levier.
Selon sa bonne habitude, Kawa gratifie son trail des assistances électroniques désormais chères à la marque . et on se réjouit une fois de plus de l'efficacité et de la simplicité du K-TRC, à n'en pas douter, le système le plus au point sur le marché actuel. Refaisons brièvement l'état des lieux en la matière... Situé quelque part à mi-chemin entre ceux de la GTR et de la ZX10R, le KTRC (Kawasaki Traction Control) de la Versys est vraiment un joujou extra que l'on a plaisir à sentir fonctionner (à voir aussi, puisqu'il a son voyant au tableau de bord). Le système dispose de 4 positions : off, 1, 2 ou 3, cette dernière étant le niveau le plus intrusif.
Comment ça marche ? Le dossier de presse est très disert à ce propos, et nous vous en faisons profiter d'autant plus volontiers que ce qu'il dit est vrai et mesurable au guidon. Les modes 1 et 2 privilégient l'accélération (comme le S-KTRC de la ZX10R), tandis que le mode 3 est comparable au système KTRC de la GTR. il assouplit la conduite sur chaussée glissante. Dans les modes 1 et 2, le logiciel autorise un certain degré de patinage pour tirer le meilleur parti de l'accélération. Il examine plusieurs paramètres pour obtenir un " instantané " exact de la situation, grâce à des logarithmes d'analyse complexes, il peut alors prédire l'instant où les conditions de motricité sont sur le point de devenir défavorables. Il vérifie d'ailleurs ces conditions toutes les 5 millisecondes et gère l'allumage en conséquence, pour une extrême réactivité. L'intervention du mode 3 est évidemment plus marquée, mais sa logique de gestion reste identique à celle des modes 1 et 2 en usage normal. Toutefois, dès qu'il détecte un patinage excessif, le mode 3 bascule en gestion " trois voies " - c'est-à-dire qu'il gère le calage de l'allumage, l'alimentation et la régulation d'air pour réduire la puissance moteur jusqu'à la reprise d'adhérence par la roue arrière. Et précisons ici que le ressenti reste très naturel, vous évitant ainsi toute sueur froide, de même qu'à votre passager. Par défaut, le KTRC est toujours activé au démarrage du moteur (dans le même mode qu'à la coupure du moteur, ou en Mode 1 si le système avait été désactivé). Couplé à l'ABS efficace, ce KTRC est un plus indéniable, n'en déplaise aux adeptes du classicisme.
Et donc?
Telle quelle, la Versys 1000 est un excellent trail routier (il peinera en dehors des sentiers bien balisés) qui charmera son propriétaire par ses performances très élevées et ses prestations dynamiques dignes d'une (très) bonne routière. Son tarif placé, son électronique embarquée, ses aspects pratiques, son côté baroudeur (fantasmé plus que réel), sa consommation rationnelle (autour de 7L/100km en dégainant les 118cv de la cavalerie à tout va) ont tout ce qu'il faut pour satisfaire son propriétaire. Quant à nous, nous nous prenons à rêver d'une Versys 1000 qui pousserait à leurs limites les voies initiées par la marque . allez, on se lâche : on voudrait d'une Versys 1000 aux coloris Kawasaki Racing, avec des commandes radiales, une ligne complète racing, un Power Commander, des pneus hypersport et... des poignées chauffantes ainsi qu'un graissage de chaî.ne automatique. Quel trail on obtiendrait là ! Mais évidemment, ce ne serait plus le même prix...
Budget/Plaisir : 8/10Au quotidien : 8/10Sport : 6/10En duo : 8/10Débutant : 5/10 Rudy
Fiche technique
Kawasaki Versys 1000 2012 - 12499&euro. en juillet 2012
MOTEURMoteur 4 cylindres en ligne, 4-temps à refroidissement liquideCylindrée cm³. 1,043 cm³.Alésage x course 77.0 x 56.0 mmTaux de compression 10.3:1Distribution 2 ACT, 16 soupapesType d'alimentation Injection: ø.38 mm x 4 (Keihin)Allumage électroniqueDémarreur Démarreur électriqueLubrification Sous pression, carter humide avec radiateur
TRANSMISSIONSBoite de vitesses 6 rapportsTransmission finale Par chaî.ne à joints étanchesRapport primaire 1.627 (83/51)Rapport internes: 1 ère 2.692 (35/13)Rapport internes: 2 ème 1.950 (39/20)Rapport internes: 3 ème 1.529 (26/17)Rapport internes: 4 ème 1.304 (30/23)Rapport internes: 5 ème 1.136 (25/22)Rapport internes: 6 ème 0.958 (23/24)Rapport final 2.867 (43/15)Embrayage Multidisque en bain d'huile, à commande manuellePARTIE-CYCLECadre Cadre-poutre en aluminiumDébattement avant 150 mmDébattement arrière 150 mmPneu avant 120/70ZR17M/C (58W)Pneu arrière 180/55ZR17M/C (73W)Angle de chasse/chasse 27Ëš / 107 mmAngle de braquage gauche / droite 34Ëš / 34Ëš
SUSPENSIONSSuspension avant 43 mm inverted fork with steplessrebound damping and spring preloadadjustabilitySuspension arrière Horizontal Back-link, gas-charged,with stepless rebound damping andremote spring preload adjustability
FREINSFrein avant Double disque en pétales semi-flottant de 300 mm, étriers à 4pistons opposés. ABS en série.Frein arrière Simple disque en pétales de 250 mm, étrier simple piston DIMENSIONSDimensions (L x L x H) 2,235 mm x 900 mm x 1,405 mm / 1,430 mmEmpattement 1,520 mmGarde au sol 155 mmHauteur de selle 845 mmPoids tous pleins faits 239 kgRéservoir 21 litres
PERFORMANCESPuissance maxi 86.8 kW (118 ch) / 9.000 tr/mnCouple maxi 102 Nm / 7.700 tr/mn Importateur:Kawasaki Motors EuropeBenelux BranchWest Point Park't Hofveld 6 C21702 Groot-BijgaardenTél. : 02/481.78.24
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