L'héritage perdu
Lors de sa sortie en 2013, la nouvelle mouture de la KTM Adventure a fait couler beaucoup d'encre et a été encensée par la presse pour ses qualités. Par rapport aux modèles précédents, les bicylindres LC8 et le mono cylindre LC4, tout droit dérivés des motos de rallyes, la nouvelle KTM Adventure est une rupture totale au niveau du design. On oublie le marché de niche en abandonnant complètement, à mon grand regret, le look rallye raid de la 990 pour un design plus routier, plus en phase avec le reste de la concurrence dans la gamme des gros trails. Si son look ne m'avait pas séduit lors de sa sortie je dois avouer qu'après l'avoir eu 10 jours en ma possession, je la trouve plutôt jolie maintenant et l'avis des gens que j'ai côtoyés est unanime. Tout le monde la trouve belle. Mission réussie donc semble-t-il pour plaire à la masse. A première vue, elle n'a pas changé depuis l'année passée la 1190. Alors, quoi de neuf en 2014 ? Un nouveau système de freinage ! C'est tout ? Oui... mais c'est un truc de ouf ! Un truc bien plus utile qu'une poignée de chevaux supplémentaires ou une nouvelle déco.
Système de freinage révolutionnaire
En 1988 BMW innovait en proposant en option le premier ABS moto sur sa K1. En 2014, c'est KTM qui innove en proposant de série sur sa 1190 le 1er ABS qui permette de freiner en courbe sans que la moto se redresse et tout en maintenant la trajectoire. Cette nouvelle révolution est développée par Bosch et se prénomme MSC (Motorcycle Stability Control). Au vu de l'efficacité du système, il y a fort à parier que les autres constructeurs vont s'empresser de suivre pour 2015, BMW en tête parce qu'un argument de vente pareil risque de faire pencher la balance du côté orange pour beaucoup d'indécis. L'ABS couplé avec le contrôle de traction MTC contrôle totalement les réactions de la moto. Pour le commun des mortels, les motards du dimanche ou ceux qui n'ont pas la technique nécessaire pour dompter un monstre de 150 CV, c'est une très bonne nouvelle. Si vous ouvrez trop la poignée de gaz, la moto ne va pas faire une roue arrière. Sans que vous ne le ressentiez, la puissance sera dosée de sorte que la roue avant ne perde pas l'adhérence avec le sol. La roue arrière ne va pas non plus se mettre à glisser, le MTC va automatiquement limiter la puissance pour empêcher la roue arrière de patiner. Je l'ai testé sur un chemin non goudronné en ouvrant la poignée à fond. La roue arrière n'a pas patiné, j'étais bluffé ! Impossible de mettre en défaut l'électronique. Pour les fous, ou ceux qui savent piloter un monstre de cette puissance, il est toujours possible de désactiver toute l'assistance électronique (ABS et MTC). Et là, faut faire gaffe, parce que si les 150CV paraissaient relativement exploitables avec l'assistance électronique, une fois qu'on coupe tout la moto est nettement plus méchante !Une bonne nouvelle pour les possesseurs du modèle 2013 : ils peuvent mettre à jour leur moto avec le nouvel ABS pour environ 500 CHF/410€.
En selle
Après environ 650 km à son guidon, j'ai pu me faire une bonne idée des capacités de cette moto, bien plus élevées que les miennes soit-dit en passant... La prise en mains est immédiate et la KTM 1190, la plus légère de sa catégorie avec 233kg tous pleins faits, paraît bien plus légère qu'elle ne l'est réellement. Si je devais la comparer avec une certaine Allemande, j'ai plus l'impression d'être sur une F800GS que sur sa grande soeur tant elle est fine et maniable. Le moteur est un modèle de souplesse pour un twin, on peut descendre à 2000 tr/min sans problème et il dispose d'une allonge impressionnante qui en général, vu la puissance qu'il sort, vous fera abdiquer avant lui. A mon goût il mériterait d'être un peu plus bruyant, à l'instant du fabuleux moulin de la Ducati Multistrada. Un échappement adaptable est certainement la solution à ce problème.
La poignée d'embrayage hydraulique ne nécessite aucune force et pourrait même être utilisée sans difficulté par une mémé arthrosée de 90 balais. Le système ride by wire qui commence à se démocratiser dans le monde de la moto fonctionne parfaitement, sans aucune latence. On ne se rend même pas compte qu'il n'y a pas de câble. Les ingénieurs de chez MV Agusta et Aprilia devraient en prendre de la graine... Ah, et encore un point important : Le freinage... Il est juste magistral. Facile à doser, progressif et extrêmement puissant, c'est un régal. Même sur les routes défoncées, elle ne bronche pas, j'ai constamment eu un sentiment de maitrise et de sécurité. Pas une seule fois je l'ai mise en défaut. Bien que sa puissance impressionne sur le papier, à son guidon, lorsque l'assistance électronique est active, on ne se fait pas " trop " peur en accélérant. En ce qui concerne le nouveau système de freinage, je dois avouer que la peur de foutre par terre une moto neuve qui ne m'appartient pas m'a un peu refréné dans mes ardeurs. J'ai pas planté à fond sur les freins en courbe, mais j'ai remarqué en essayant aussi souvent que possible de freiner un peu en courbe, qu'en fait il ne se passe rien. S'il est difficile de savoir où se trouve la limite, en tout cas le facteur psychologique de savoir qu'on a un ABS qui fonctionne dans les virages est très rassurant. Pour vous convaincre de l'efficacité du système regardez les vidéos des pros sur youtube.
Aspects pratiques de la KTM 1190
Aspects pratiques Une moto destinée a faire des longs voyages et qui s'appelle " Adventure " se doit d'être pratique à l'utilisation et à l'entretien. La 1190 est bien pensée et dispose de plusieurs détails intéressants. Elle est équipée d'un gros réservoir de 23L, qui lui donne une autonomie de 350 à 400km suivant votre rythme, ce qui est amplement suffisant sur quasiment toute la planète. La hauteur de selle est réglable en 2 positions (860 et 875mm) par un système tout simple. Il suffit d'enlever la selle passager et de pousser la selle conducteur vers l'avant pour la position haute, ou la tirer vers l'arrière pour la position basse.
la selle en position basse (gauche) et haute (droite)
Sous la selle passager, il y a une place de rangement pour mettre une paire de pantalons de pluie par exemple. Du fait de sa hauteur de selle, cette moto ne conviendra pas très bien à ceux qui font moins de 1.75m. Avec mes 1.82m, j'avais la selle en position basse et c'était parfait pour moi. Par rapport à sa devancière, la 990 Adventure, aussi inconfortable qu'un banc d'église, on a nettement progressé au niveau du confort de la selle mais on n'est pas encore au niveau de sa concurrente teutonne, la GS 1200. Pour les sensibles du c..., KTM propose une selle confort dans son catalogue power parts (548CHF/450€) qui cerise sur le gâteau est chauffante en plus! Pour des tours de plus de 400km et surtout si vous roulez avec votre douce moitié, ce n'est pas une option, mais un must. Le saute-vent est réglable en hauteur et en inclinaison. Pour ma part, c'est la seule vraie critique que j'ai à faire sur cette moto. Peu importe sa position, il me génère des turbulences très désagréables dans le casque dès 90km/h. Ici encore, KTM propose une version haute en option (137.60CHF/113€), que je n'ai malheureusement pas pu tester. La version R de la 1190 est équipée d'un saute-vent plus court. Des poignées chauffantes sont disponibles pour 228.4CHF/187€.
Le porte-bagage en aluminium est énorme et semble très solide. On peut y visser un support de top case (les taraudages sont déjà présents) ou attacher un gros sac étanche genre Ortlieb, avec des sangles au travers des fentes prévues à cet effet. Les supports de valises sont également présents d'origine sur la moto, tout comme la béquille centrale, facile à utiliser et pratique pour entretenir la chaine ou changer un pneu. Le kit bagagerie complet disponible dans les Power Parts KTM (top case, 2 valises et une sacoche de réservoir) coûte... 1605 CHF/1320€. Là, ça commence à faire mal. Un détail qui m'a également surpris en bien est le couvercle déporté pour l'huile et le niveau d'huile allongé. Des détails pratiques pour ceux qui doivent faire l'entretien de leur moto eux-mêmes au bout du monde.
Je suis également obligé de vous parler de l'ordinateur de bord, qui se contrôle grâce à quelques boutons sur la poignée gauche. Celui-ci permet de choisir votre mode de conduite (Sport, Street, Rain, Off-Road), ce qui modifie la cartographie de la moto. On le remarque bien en mode Rain, où la moto n'a plus que 100CV. Parallèlement, on choisit le réglage des suspensions (Sport, Street, Confort, Off Road). Un menu permet également d'adapter les suspensions aux différentes configurations (1 personne, 2 personnes, avec et sans bagages). Il existe une version de la 1190 sans les suspensions réglables électroniquement (2000CHF/1650€ moins chère) mais elle n'est pas importée en Suisse. L'ordinateur de bord affiche bien entendu toutes les informations possibles et imaginables (même la pression des pneus) et est très lisible en conduisant. Une alimentation 12V de type allume cigare est également dispo sur le tableau de bord, pratique pour charger votre téléphone ou brancher le GPS.
Intervalles de services
Un détail très important pour celui qui roule beaucoup ou qui prépare un gros voyage est l'intervalle des services. Par rapport à la 990, KTM double les intervalles de service, passant de 7'500 à 15'000km. Après le premier service à 1'000km, KTM préconise les vidanges d'huile tous les 15'000km et les contrôles des jeux aux soupapes tous les 30'000km. De plus les durées des services diminuent drastiquement. Sur 30'000km, on a 1220min de service pour une 990 contre 304min pour la 1190. C'est donc une moto qui coûte beaucoup moins cher à l'entretien. En plus, les ingénieurs de KTM ont non seulement augmenté la puissance de 50CV par rapport à la 990 mais également diminué la consommation, qui était un gros défaut de la génération précédente. J'ai consommé 6.5l/100km de moyenne sur 650km. On n'est pas encore au niveau de sobriété d'une GS 1200, qui consomme encore 1l/100km de moins, mais pour une brêle de 150CV c'est tout à fait acceptable. Par rapport à la concurrence, KTM est le seul constructeur avec Triumph à proposer des intervalles de services de 15'000km. On reste à 10'000km chez BMW et Yamaha et 12'000km chez Suzuki.
Cardan ou chaîne ?
Si l'on parle de l'entretien, il faut aborder le sujet de la transmission. Si Yamaha, Honda et Triumph ont opté pour un cardan comme BMW avec son best-seller, KTM se contente d'une chaine. Est-ce un mauvais choix stratégique? Je ne pense pas. Une chaine bien entretenue durera au moins 20'000km. On peut en tout temps contrôler son usure et même la réparer avec un maillon à attache rapide si nécessaire. En cas de nécessité, en voyage, il est à la portée de n'importe qui de changer une chaine. Un cardan ne nécessite aucun entretien pendant longtemps et peut durer 100'000km. Mais sachez que des cardans cassés à 30'000-40'000km sur des GS, c'est pas rare et que ça coûte bien plus cher à changer que 2-3 kits chaînes. Démonter et remplacer un cardan ou les roulements du pont arrière n'est pas accessible à un mécano néophyte et nécessite un outillage spécifique, sans parler des pièces et de leur coût...J'ai personnellement cassé le cardan de ma GS en Ouzbékistan et après avoir dû me faire envoyer une pièce de rechange par UPS au Kazakhstan je ne partirai plus jamais avec une moto à cardan. Donc pour moi, c'est un point positif que la 1190 soit équipée d'une chaine.
Conclusion
Ce qui m'a surtout frappé avec la 1190, c'est sa polyvalence et son excellence dans tous les domaines. C'est un vrai couteau suisse. Equipée d'un échappement qui la laissera s'expriment à pleins poumons, elle remplacera facilement votre roadster, avec sa puissance démoniaque et son côté fun, elle convient très bien pour les trajets quotidiens et il suffit de l'équiper de valises pour partir en vacances en duo. Elle est à l'aise partout. D'un point de vue technologique dans sa catégorie, c'est LA moto 2014. Elle fait mieux que ses concurrents dans presque tous les domaines (puissance, poids, système de freinage, intervalles de services) sauf deux :
1) Le confort : pour des tours de plus de 400km par jour il faudra acheter une bulle haute et une selle confort afin d'être au niveau de l'Allemande.
2) Le prix : 19'490 CHF/16000€. Toute cette débauche de technologie a un coût. La KTM est une moto chère. Toutefois si on la compare avec des motos de le concurrence également équipées de suspension réglable électroniquement, on se rends compte qu'elle est à peine plus chère que la BMW, une option facturée 1'670 CHF chez BMW (prix de base 16'800CHF) auxquels il faut ajouter 100 CHF pour les protège-mains et 260 CHF pour le contrôle de la pression des pneus pour pouvoir les comparer face à face, ce qui nous ramène à 18'830CHF. Et la plus chère du lot s'avère être la Yamaha Super Ténéré 1200 ZE qui coûte 19'740 CHF.
De toute façon je pense pas que dans cette gamme de moto le choix se fasse par rapport au prix. Celui qui est prêt à débourser 20'000 CHF pour une moto va acheter celle qui lui tient à coeur. Il rajoutera encore probablement pour quelques milliers de francs supplémentaires d'options, donc l'écart entre les marques n'est plus si significatif.
Un grand merci à Andrey Cycle shop à la Tour-de-Trême ainsi qu'à Eva Beisl et Philippe Dupasquier de KTM Suisse.
Zimi
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