Pour son entrée sur le marché des Superbikes, la marque autrichienne propose un bicylindre au potentiel sportif élevé et au caractère affirmé. Ses aptitudes routières limitées et quelques particularités peuvent rebuter, mais si l'on tient compte du délai de développement et des moyens modestes de KTM en comparaison d'autres constructeurs, il s'agit d'une belle réussite. Belle, la RC8 l'est indubitablement . s'il y a un point de convergence dans les opinions exprimées à son égard, c'est bien celui-là. Ses lignes anguleuses se démarquent sensiblement de la tendance actuelle . si vous en doutez, comparez-la donc à une CBR1000RR 2008, et vous verrez... Le résultat immédiat, c'est que la première KTM à bracelets (eh oui !) ne peut être confondue avec aucune de ses concurrentes, et ça c'est très bien pour ses propriétaires. La version orange, que nous avons eue à l'essai, est évidemment la plus typée, tandis que la blanche lui confère en classe ce qu'elle perd d'agressivité. En vérité, cette agressivité omniprésente est la caractéristique principale du modèle considéré en statique. Plus méchant que ça, nous ne connaissons pas. Et en mode macro, l'impression flatteuse se renforce encore, car la finition est exemplaire. Les esprits chagrins diront qu'à plus de 16.000€, ce n'est que normal . mais il faut insister sur le fait qu'une telle maî.trise des soudures et des assemblages n'est pas toujours accessible sur un modèle produit en petite série. Quant à la qualités des composantes, elle est irréprochable et propulse d'emblée la 1190 autrichienne au panthéon des sportives de série. Et les estampilles de grands manufacturiers sont là pour vous en convaincre : WP, Marchesini, Brembo, etc. Tout ce beau monde se trouve encore rehaussé par des choix techniques autant qu'esthétiques : l'habillage arrière, aussi minimaliste que sur une machine de GP, est absolument sublime . l'échappement est parfaitement intégré (mieux même que sur une Buell, qui s'y connaî.t pourtant en la matière) et l'instrumentation (coquettement éclairée d'orange) est sans doute la plus complète qu'on ait vu sur une moto. Les informations y sont absolument pléthoriques de la température extérieure au décompte kilométrique sur réserve en passant par des fonctions chronométriques si diversifiées qu'elles en remontreraient aux chronomètres spécialisés. On apprécie les nombreux voyants -dont une shift light rouge spécialement visible- mais on regrette néanmoins la lisibilité perfectible du compte-tours à barrettes et l'absence d'un indicateur de rapport engagé. Mais pour le reste, on n'a jamais été aussi bien informé sur un deux-roues, a fortiori sur une sportive ! Et ce n'est pas tout, car un regard plus attentif porté sur l'accastillage de la RC8 révèle le soin qu'elle apporte à l'ergonomie : toutes les commandes sont réglables, jusqu'aux ergots de frein arrière et de sélecteur qui coulissent pour s'adapter à votre pointure. Ensuite, les pose-pieds le sont aussi, ainsi que les bracelets ( !) et, si cela ne vous suffit pas encore, vous pouvez enfin surélever ou baisser le bâti arrière sur 20mm. Au total, la RC8 est donc conçue pour adapter son " espace de travail " aux mesures de son pilote, et le fait est que les 194cm de votre serviteur n'ont eu aucun mal à y trouver leur place. Chapeau bas !
Et ce nouveau moteur ?
Le bicylindre RC8 de deuxième génération voit sa cylindrée portée à 1.148cc grâce à une classique augmentation de la course et de l'alésage. En dépit des apparences, les culasses, l'entraî.nement primaire par chaî.ne, la boî.te et le mode de lubrification ont été spécifiquement conçus pour la RC8. Sur le papier, KTM annonce 155 chevaux pour 188 kg, en état de marche mais sans carburant. En pratique, on sait déjà que maintes RC8 passées au banc développaient davantage, pour mieux taquiner les 160 bourrins annoncés par Ducati sur sa 1098...
Alors nous n'ignorons pas que, lors des premières prises de contact avec la nouveauté, certains de nos estimés confrères restèrent ébaubis devant la facilité alléguée du bi autrichien. Ils ne doivent pas avoir essayé la même que nous, parce qu'avec peu de bornes au compteur, le moulbif de notre RC8 s'est montré rudement rétif dans les bas régimes : aucune souplesse le bougre, c'est pire qu'une ancienne RSV... Si vous lisez quelque part qu'il ne faut pas descendre sous les 2000rpm, ce qui est bien la moindre des choses avec un gros deux-pattes, multipliez le nombre par deux : mieux vaut ne pas essayer de repartir sous les 4000rpm si vous voulez du répondant, et sous les 3000rpm (au moins) si vous souhaitez éviter tout risque de... caler lamentablement sous les quolibets du public. Enfin non, sur ce dernier point, je grossis un peu le trait.Certes, un bicylindre qui manque de souplesse, c'est dans l'ordre des choses puisqu'il s'agit d'un tribut qu'il faut nécessairement payer à cette architecture moteur. Si nous soulignons cette caractéristique de la RC8, c'est qu'elle la rend peu agréable en ville et, plus généralement, chaque fois qu'on redémarre à l'arrêt ou à faible allure. Et ce d'autant plus que l'embrayage hydraulique dur ne vous facilite pas la vie...L'injection de son côté, si elle est globalement maî.trisée, présente tout de même des à-coups marqués, principalement lorsqu'on cherche à stabiliser son allure sur les régimes intermédiaires, comme cela arrive fréquemment sur autoroute ou sur piste, au milieu d'une courbe. Bref, le premier contact vous laisse une impression mitigée mêlant caractère -on y vient- et aspects agaçants.
Lorsque s'ouvrent les espaces, le chant caverneux de l'échappement dégaine une autre mélodie. La poussée est très franche, mais sans brutalité, dès 4500/5000rpm, et les barrettes dévorent rapidement le graphe du compte-tours sur 5000 tours, avant de s'essouffler un peu vers 9500/10000rpm (zone rouge à 10500rpm). Les sensations sont présentes, et la RC8 s'arrache avec beaucoup de vigueur, mais un peu moins tout de même qu'une 1098, nous a-t-il semblé. Nous parlons de sensations, pas de chrono car, dans ce dernier cas, il est hors de doute que la KTM tiendra la dragée haute à une 1098, y compris dans sa variante S. Dans ces conditions, on se réconcilie avec le propulseur autrichien parce qu'il donne toute la puissance nécessaire tout en restant facilement exploitable et jamais surprenant. Quoique les vibrations qu'il distille dès les rotations intermédiaires (très fort dans les pose-pieds, un peu moins dans les bracelets) vous étonnent au début, et vous gênent si la route se prolonge. Les optimistes diront que cela peut se ranger au rayon du charme d'un moteur, nous y verrions plutôt une nuisance. Par contre, pas de malaise à la pompe où, malgré des moyennes horaires (très) élevées et souvent parcourues à deux (quelle abnégation du passager, n'est-ce pas ?), la RC8 est toujours restée sous la barre des 8L/100km. Et on descendra facilement d'un bon litre en étant un peu raisonnable . si tant est du moins que ce soit possible sur une telle machine !
Ah oui, nous n'avons pas encore fini de nous plaindre : on n'a pas parlé de la boî.te de vitesses. Sur ce plan, tous les essayeurs se rejoignent . la boî.te de la RC8 eû.t pu être mieux réussie. En cause : une dureté qui rappelle certaines des boî.tes " merdiques " dont Yamaha s'était fait une spécialité voilà une quinzaine d'années (souvenez-vous des premières TDM). Il s'agit d'appuyer et de tirer de façon virile sur le sélecteur ou ça " craaaaaque " un max sans que le rapport passe forcément. En prime, le verrouillage est, lui aussi, perfectible et les rapports qui sautent -faux point mort à l'appui- ne sont pas si rares. Cela peut même s'avérer redoutable sur un circuit... Allez, rajoutons-en une dernière couche : comme les deux tubulures d'échappement sont du côté droit, la belle KTM a tendance à confondre votre guibole droite avec un barbecue dès que la température extérieure excède 15 degrés et que vous ne roulez pas vite. Vous comprendrez aisément que lorsqu'on additionne les diverses caractéristiques évoquées ci-dessus (manque de souplesse, boî.te, chaleur, ...), on s'amuse peu en ville. Vraiment peu.
En dynamique
Sur cet important chapitre aussi, l'Autrichienne sait souffler le chaud et le froid. Nous devons en convenir, notre emploi du temps ne nous a pas permis de tester la RC8 sur piste. Rendons-lui cette justice qu'à la voir évoluer sur route, nous pensons qu'elle doit constituer un outil de premier ordre sur circuit : l'agilité y est bien supérieure à un bi italien, la rigidité du cadre vaut celle d'une Ducati, les suspensions travaillent à merveille et la réponse aux gaz n'est jamais brutale, tandis que le frein moteur n'est pas excessif. Tant mieux d'ailleurs, car la 1190 n'est pas pourvue d'un anti-dribbling. En ce qui a trait aux freins, on accorde sans surprise l'éméritat à l'ensemble avant doté d'étriers radiaux monoblocs signés Brembo, tandis que l'élément arrière sera utilisé comme ralentisseur ou équilibreur suivant les contextes. Certes ce ne sont là que supputations, mais nous avons la conviction qu'elles seraient conformes à la réalité. En vérité, nous avons même la conviction que c'est sur une piste et nulle part ailleurs qu'on accédera à la quintessence de la superbike autrichienne. Car sur la route, c'est une autre affaire...
Comprenons-nous : tant que le revêtement routier est de qualité, il n'y a rien à reprocher à la RC8 qui parvient même, aux vibrations près, à se montrer confortable . bien plus qu'une Ducati 1098 par exemple. Dans ces conditions, il n'y a que le passager qui se plaindra du revêtement glissant de son strapontin : nul besoin de freiner pour qu'il s'écrase sur vous et vienne désagréablement peser sur vos poignets, le frein moteur suffit à l'expédier vers l'avant. A la longue, ça finit par lasser... Cela dit, le pilote apprécie l'ergonomie très soignée et une certaine protection à condition de s'effacer légèrement derrière la bulle. Quant au passager, s'il ne se plaint pas trop de la pliure des jambes, il regrette encore sa position surélevée qui l'expose au vent.
Seulement voilà, les revêtements routiers de qualité, en Belgique, se raréfient. Amis Suisses et Français, vous ne savez pas la chance que vous avez ! Alors quoi ? Eh bien dès que le revêtement se dégrade, les suspensions WP pensées pour la compétition avouent certaines limites en hydraulique. Le résultat, c'est que la RC8 sautille joyeusement sur les bosses et oblige son pilote à avoir des bras d'acier pour la maintenir sur la trajectoire voulue quand elle revient sur terre. Aller vite sur route en RC8, c'est un combat. Un combat qui a son charme d'ailleurs, mais uniquement pour les connaisseurs ! Bref, voilà bien une machine à ne pas mettre sans discernement dans n'importe quelles mains. L'amortisseur de direction fait son office, et on en a besoin . les freins eux sont magiques : la puissance est sans limite, mais se déploie avec beaucoup de progressivité. C'est un must incontestable.Donc, sur mauvais revêtement, la bagarre fait rage avec des suspensions pensées pour la piste et pas assez freinées en hydraulique -en détente surtout-, mais ce n'est pas le seul aspect à tenir à l'&oelig.il : la poignée de gaz très sensible " profite " elle aussi des soubresauts dus aux suspensions, et vous sous surprenez à donner des gaz ou à les lâcher sans le vouloir. Ce n'est pas idéal pour la précision du pilotage !
Alors on en est là du tableau et on reste perplexe. Que penser de cette RC8 ? Que malgré ses possibilités ergonomiques qui sauvegardent un certain confort, il s'agit bel et bien d'une machine radicale et sans concession conçue pour la piste avant toute chose. Par ailleurs, une machine d'une exclusivité totale : vous n'avez pas idée du nombre de têtes qu'elle retourne et des réflexions élogieuses qu'elle suscite chez l'homo motardus. Son potentiel sportif est au meilleur niveau des bicylindres actuels, avec même, selon nous, un avantage substantiel en termes de vivacité et de confiance procurée par le train avant. Une sportive émérite, sans conteste. Mais qui, sur la route, se montre tellement exigeante qu'il faut en avoir clairement conscience avant de l'acquérir. A moins que vous ayez la chance de circuler surtout sur des routes de bonne qualité, où la RC8 taille sa route au laser.
Fiche echnique
Moteur :1 148 cm3, 4 tempsBicylindre en V ouvert à 75°.alésage 103 mm X course 69 mmrefroidi par eautaux de compression 12,5 à 1, 2 ACT et 4 soup./cyl.injection électroniqueboî.te 6 vitessesembrayage à commande hydrauliquetransmission par chaî.nesilencieux catalytique sous le moteurdémarreur électriquenorme Euro 3 version full : puissance 155 ch. (114 kW) à 10 000 tr/mincouple 12,4 daN.m à 8 000 tr/min.Partie cycle :cadre acier de type treillisfourche inversée diam. 43 mmtriple réglage et débattement 120 mmmono-amortisseur à triple réglage et débattement 125 mmfreins AV 2 disques diam. 320 mm / 2 étriers radiaux 4 pistons - AR simple disque diam 220 mm / étrier 2 pistons, pneus AV 120/70 x 17 - AR 190/55 X 17Chiffres :empattement 1 430 mmchasse 90-92 mm / angle 23°.3garde au sol 110 mmhauteur de selle de 805 à 825 mmréservoir env 16,5 litres (réserve env. 3,5 litres) poids en ordre de marche : 188 kg (hors carburant). Importateur :KTM BELGIUM S.A. Rue Edouard Belin 1 1435 Mont-Saint-Guibertwww.ktm.be KTM-Sportmotorcycle AG (Headquarter) Stallhofnerstraß.e 3, A-5230 Mattighofen Tel. +43 7742/6000-0, Fax. +43 7742/6000-0
"