Comment vous dire ? Les mots me manquent après cet essai. Je pourrais tout résumer avec la vidéo mais vous le savez, ce n'est pas notre genre. Je vais donc tenter de coucher sur papier mes impressions.
C'est un peu un rêve de gosse ! Pour la petite histoire, à chaque nouvelle version ou déclinaison de cette SuperDuke, je me dis en début de saison que je vais l'essayer. Mais voilà, le planning d'une équipe demande quelques concessions et jusque là, je n'ai pas eu ce plaisir.
Au salon de Bruxelles (oui on y est chaque année), KTM nous montre une nouvelle édition de la SuperDuke R et me dit bien qu'il FAUT la tester. Comment refuser une telle invitation à la débauche? Impossible !
Me voilà donc, après la 390 Adventure, devant ce roadster de folie, cette bête comme on l'appelle. Désolé, je vais avoir difficile d'être objectif.
Le look ne laisse déjà aucun doute, le minimum de carénage à part ces deux écopes agressives et une tête de fourche tout aussi profilée. L'arrière est coupé net derrière la selle, le monobras dévoile une superbe jante à 5 bâtons. Ce qui ne se voit pas de profil, entre les deux feux à l'avant, une entrée d'air pour alimenter le moteur en air frais. Une double fonction avec l'air frais qui refroidit les feux et arrive directement dans la boîte à air. Pas de bulle, pas de superflu, on se limite à l'essentiel.
Feux leds à l'avant, comme à l'arrière, un large écran TFT de 5 pouces inclinable, des nouveaux commodos rétro-éclairés... ce n'est pas parce qu'on parle sport qu'on doit pour autant avoir une moto spartiate.
Bon, par quoi commencer ? Le moteur, la partie cycle, le confort... Compliqué de se décider tant tous ces éléments forment un tout surprenant.
Gardons le moteur pour la fin et attaquons la partie cycle !
KTM a récupéré le châssis tubulaire de la RC8, la sportive de la marque avec ici des tubes plus larges mais moins épais. Un gain de 2 kg et surtout 3 fois plus rigide que le précédent.
La boucle arrière en composite est aussi plus légère et les éléments comme la selle arrière, le support de plaque et les clignotants sont boulonnés sur la boucle sans autre fixation.
Les suspensions sont sans surprise, excellentes. Une fourche avant WP Apex 48, entièrement réglable sur le dessus des tubes alors qu'à l'arrière, on trouve un mono amortisseur de la même marque monté sur biellettes pour plus de progressivité et une meilleure capacité d'amortissement. Il est lui aussi facilement réglable en précontrainte via une molette facilement accessible. Mais il est aussi possible de régler séparément la compression à haute et basse vitesse.
Et quand KTM veut proposer une moto au top, on pousse l'étude jusqu'à faire développer des pneus spécifiques avec des Bridgestone S22 en 120/70/17 à l'avant et à l'arrière un 200/55/17. On ne lésine pas sur les moyens, on vous l'a dit.
Forcément, côté freinage, on trouve du lourd (enfin léger mais de très bonne facture) avec des étriers monobloc Brembo Stylema à 4 pistons sur des disques flottants de 320 mm et un étrier double piston sur un disque de 240mm. Bien entendu, l'ABS est présent, un ABS cornering pour une réponse différente en fonction de l'angle de la moto mais ce n'est pas tout, vous pouvez aussi opter pour le mode Supermoto qui va désactiver le système sur la roue arrière histoire de profiter de la glisse du train arrière. Mieux encore, il est capable de déceler si la roue arrière est décollée du sol, ce qui coupe l'ABS à l'avant aussi pour permettre un stoppie par exemple. Il désactive aussi la fonction cornering pour en profiter au maximum sur piste.
Du matos au top comme vous le voyez avec en prime un poids de 189 kg seulement, inutile de dire que le freinage est impressionnant et que la partie cycle est à la hauteur de vos folies. Des suspensions peut-être un peu dures mais vu le côté racing, on ne pourrait pas les avoir autrement.
Le confort, oui parlons du confort et ça risque de vous surprendre. On est bien loin d'un bout de bois ! On est même plutôt bien assis sur la selle à 835 mm. Devant le pilote, le grand écran couleur est lisible, les commodos sont pratiques et tombent bien sous la main. On n'est bien entendu pas sur une GT, comprenons-nous bien. Vous prendrez le vent dans le casque, vos bras prendront quelques centimètres si vous abusez de la poignée droite.
Mais honnêtement, pour une moto appelée "The Beast" je ne pensais pas être aussi bien installé, me poussant même à agrandir la balade dominicale quitte à mettre à mal les 16 litres du réservoir. Ne boudons pas notre plaisir, je ne me suis forcément pas ennuyer à son guidon et je n'ai pas du m'arrêter à cause de ma position sur la moto ou de selle.
Evidemment, KTM a tout fait pour qu'on puisse profiter au mieux de sa moto. Les aides à la conduite sont nombreuses en plus de l'ABS et de l'écran TFT qui intègre lui aussi le lien avec l'application MyRide. 5 modes de conduite dont Rain, Street, Sport, Performance et Track avec des options de réglages spécifiques à ces deux derniers. On peut y désactiver l'anti-wheeling (oh grand fou qui le tentera) ou régler le contrôle de traction.
Dans le mode piste (track pour ceux qui éventuellement n'auraient pas traduit), on peut évidemment tout régler, y compris choisir entre les 9 niveaux du patinage quand le MSC est désactivé. Il y a suffisamment de possibilités pour régler la moto comme vous le voulez, selon la piste ou les conditions climatiques. Mais attention, ne commencez pas à tout déconnecter sans y réfléchir, la puissance colossale de ce moteur demande encore plus d'expérience et de sagesse pour ne pas finir dans le bac à sable ou dans le fossé.
L'anti-wheeling fera de son mieux pour garder la roue avant au sol, à l'accélération en ligne droite bien entendu mais aussi en courbes pour éviter de cabrer en rouvrant les gaz. Le contrôle de traction à 3 niveaux essayera lui d'économiser votre pneu arrière. Le MSR lui se charge d'éviter de bloquer la roue arrière en cas de rétrogradage plus violent, une aide qui se désactive aussi en mode piste ou en optant pour l'ABS Supermoto.
Il y a aussi des options pratiques pour faciliter le quotidien : un cruise control facile à régler, un quickshifter up & down même si celui de notre essai a parfois connu quelques points morts entre deux rapports. En partie de la faute du pilote qui pensait naïvement qu'il suffisait de l'effleurer du bout du pied. Le TMPS surveille la pression des pneus (ça serait moi, ça devrait être de série sur toutes les motos). Un feu stop supplémentaire en cas de freinage trop violent pour augmenter la sécurité, un arrêt automatique des clignotants, un système keyless et l'application My Ride.
Toujours pour plus de facilité, on peut régler les leviers hydraulique de frein et d'embrayage, on peut aussi déplacer les pose-pieds plus vers l'arrière et le haut et on peut même inverser la boîte pour les fans de la piste. 4 positions de réglages pour le guidon et vous y trouverez même à la poignée droite un commutateur pour sélectionner deux configurations que vous aurez choisies. Son emplacement par contre ne me plait pas trop et je le trouve un peu trop dans le chemin.
Je vous ai fait attendre assez longtemps : ce LC8, ce bicylindre de 1301 cc qui développe 180 cv et un couple de 140 Nm. N'oubliez pas, 189 kg seulement, on se rapproche du rapport poids-puissance de 1... KTM utilise bien entendu toute sa technologie avec des pistons courts et légers inspirés de la F1, des soupapes d'admission en titane, un double allumage avec deux bougies par cylindre, des nouveaux injecteurs avec un corps de 56 mm, un carter moteur plus mince et plus léger. On pourrait vous en écrire des pages mais j'en connais certains qui s'en foutent royalement de la technique, ce qu'ils veulent savoir c'est : "Alors, ça lève ? "
Ce moteur, c'est de la balle. Prudent, j'ai commencé en mode route et après quelques kilomètres, je me suis arrêté pour bien vérifier mon choix. Diantre, ouvrir en grand la poignée droite, malgré les aides électroniques, cette foutue roue avant veut s'envoyer en l'air. Mais c'est bien fait, on sent que l'avant se déleste mais elle recolle à la route. En courbe, la réponse est différente, c'est bien plus difficile de la faire lever. Les accélérations sont juste monstrueuses, sérieux, à ne pas mettre entre toutes les mains.
Forcément, j'ai testé le mode sport, puis performance, puis track et c'est de pire en pire. En mode sport, n'ouvrez pas si vous n'avez pas assez de place devant vous, n'entamez pas les hostilités inutilement. Le freinage est excellent mais les vitesses atteintes même sur un petit bout de ligne droite sont telles qu'il faut penser au freinage et anticiper. Oui, il y a de quoi se faire peur, clairement. C'est un vrai jouet pour les grands, d'une maniabilité et d'une précisions redoutables mais il faudra faire preuve de sagesse. D'une part pour ne pas perdre son permis (même sans le vouloir on est souvent au delà des limites) et d'autre part pour ne pas finir au tapis, le pilote doit connaître ses limites. Celles de la moto, on cherche encore. Il ne faut pas en avoir peur mais être conscient de ses possibilités. Ce n'est pas pareil.
Je me suis amusé comme un petit fou à son guidon, je ne me suis pas fait peur mais j'ai quelques années de conduite et une famille qui m'attend à la maison. Oui, d'autres journalistes vous diront qu'on pose le genou partout, qu'on burne à en user le pneu arrière, que c'est une moto à wheeling... c'est vrai mais ce n'est pas obligatoire. On peut en profiter en balade tranquille, arsouiller juste comme il faut où on le peut, ouvrir sur circuit. Tout dépend de votre sagesse !
Quand au prix, faut il en parler ?
Je ne sais pas, essayer la SuperDuke R, c'est risquer un coup de foudre. Un coup de coeur qui vous sera facturé 18.799 € sans l'Akrapovic en option sur notre moto d'essai. Tant qu'on y est, pensez au budget pneus qui risquent de souffrir. Côté consommation par contre, ça devrait aller puisque lors de notre essai, on a calculé un peu plus de 6 litres au cent, vu les perfs du moteur, c'est bien maîtrisé.
Mais oui, c'est une vraie bête, elle le mérite bien son surnom et le pire, c'est que j'ai aimé chaque sortie à son guidon.