La vie de Sylvain Willen allait prendre un tournant, qu’il n’imaginait même pas, lorsqu’à l’âge de 14 ans, il bricolait déjà les boguets pour ses copains.
Pour son apprentissage de mécanicien, il était engagé chez Grob, agent Norton à Genève. Son maître d’apprentissage, Georges Godier, allait plus tard s’associer à Alain Genoud pour les légendaires motos Godier-Genoud qu’on peut encore admirer aujourd’hui lors de certaines manifestations ou en courses de motos anciennes.
De 1972 à 1985, passionné par son métier, Sylvain Willen s’activait dans le milieu de la compétition moto en accompagnant des pilotes de prestige, sur plusieurs continents, préparant et réparant leurs machines lors des courses de moto GP ou des courses d’Endurance.
Ainsi, Sylvain Willen travaillait durant trois saisons, de 1975 à 1977, pour Philipe Bouzanne, pilote franco suisse qui évoluait en championnat du monde, des catégories 250 cc, 350 cc et 750 cc.
Sylvain Willen collaborait aussi avec le pilote genevois Michel Frutschi qui allait devenir vice-champion du monde de vitesse, en FIM Formule 750 cc, derrière Patrick Pons, premier Français de l’histoire des sports mécaniques à recevoir le titre de champion du monde, en 1979.
Pour anecdote, à Daytona, le pilote suisse Michel Frutschi avait amené cette TZ 750 à une vitesse chronométrée à 311 km/h avec des réducteurs aux quatre carburateurs pour abaisser la vitesse. Ces motos avaient atteint la vitesse maximum de 332 km/h, en descente, sur un circuit autrichien. Les circuits de l’époque n’étant plus du tout adaptés à de telles performances en matière de vitesse de pointe, beaucoup de pilotes en avaient malheureusement fait les frais avec des accidents très graves, voire mortels. Cette soudaine suite d’évènements tragiques allait être à l’origine d’une importante prise de conscience donnant suite à de gros changements visant l’amélioration de la sécurité des pilotes sur les circuits.
Sylvain Willen mettait encore ses compétences au service de Bertrand Chennaz et Michel Moret avec lesquels il allait collaborer durant plusieurs saisons.
Le fin mécanicien préparait aussi les motos pour Eric Moser, pilote officiel d’Endurance et pour René Guili, autre très bon pilote de vitesse et d’Endurance.
Serge David sur Honda RC 500
Durant dix saisons, Sylvain Willen était au service de Serge David, pilote motocross et vitesse, qui s’inscrivait dans l’histoire du sport moto helvétique en réalisant un palmarès de quatre titres de champion suisse.
Charly Tonus, Cédric Bugnon rallongeaient, eux aussi, la liste des pilotes avec lesquels le mécanicien genevois d’adoption collaborait étroitement.
Pendant près de vingt ans Sylvain Willen s’expatriait, le temps des courses, pour travailler sur les circuits, en Asie, en Europe et en Amérique. Son métier l’amenait souvent à voyager à travers le monde. Ainsi, il découvrait la Thaïlande, le Venezuela, les USA, l’Angleterre, l’Autriche, la Belgique, la Suède, la Finlande, la Yougslavie, la Tchécoslovaquie et bien sûr aussi l’Italie et bien d’autres régions encore. Son travail de restauration consistait déjà à créer, fabriquer et utiliser des pièces mécaniques ou de la visserie dont certaines de ses réalisations allaient devenir exceptionnelles et uniques.
En dehors de ces proches collaborations, Sylvain Willen participait à trois Bol d’Or en tant que mécanicien dans l’équipe Godier-Genoud et à trois Bol d’Or dans l’équipe Sonauto dont Jean Claude Olivier en était alors le patron. A l’époque, Moraco était l’équipe technique officielle de référence dans laquelle Sylvain Willen avait été engagé.
Durant ces années là, les marques Bultaco, Ossa, Montesa et Derbi représentaient le fleuron de l’industrie espagnole de la moto, avec une renommée bien positionnée sur le marché international. Marco Gentile, pilote genevois et espoir suisse de l’époque, possédait alors une Fior 500 cc.
Toutes ces marques n’existent plus de nos jours mais, en vitrine de l’atelier mécanique, une Yamaha TZ 750, 4 cylindres en ligne, type OW31 attire encore l’attention des initiés. Cette moto surprenante, au look déjà très moderne pour l’époque, se présentait alors comme l’une des premières vraies motos de course, atteignant plus de 300 km/h sur les circuit d’alors.
Aujourd’hui encore, Sylvain Willen témoigne avec émotion de cette période vécue dans le monde de la compétition moto qui lui a laissé tant de souvenirs marquants. Il vient aussi de terminer la restauration de la Yamaha no 16, une illustre TZ 250, bicylindre en ligne, 2T, de 1978. Cette belle machine fraîchement révisée est dotée d’une visserie en titane préparée avec grand soin par Sylvain Willen qui montre là une superbe moto de collection ayant appartenu à Victor Palomo, champion d’Espagne en 750 cc, en 1978. Victor Palomo avait auparavant été titré champion d’Europe de classe Formula 750cc FIM en 1976. Très sportif, ce pilote espagnol avait aussi réussi l’exploit de devenir champion du monde de ski nautique en 1969.
A propos de souvenirs, les plus émouvants en courses restent liés aux victoires, mais il se souvient aussi d’une 2e et 3e place au GP du Venezuela en catégories 250 cc et 350 cc, autres podiums réalisés par Victor Palomo.
Victor Palomo en discussion avec Sylvain Willen après l’une de ses nombreuses victoires
Dès le début des années deux mille, et durant dix ans, Sylvain Willen fonctionnait encore comme enseignant dans le cadre de la formation professionnelle transmise aux apprentis mécaniciens moto.
Nostalgie quand tu nous tiens ! Pendant plusieurs années, il s’attelait aussi à la préparation de side-cars cross pour ses anciens amis pilotes qui s’étaient remis aux courses à l’ancienne du championnat de France et autres courses.
A la rue du Simplon à Genève, Sylvain Willen y gère son atelier de mécanique moto, depuis plus de quarante ans. C’est dire que plus aucun moteur, aucune machine ou moto n’a de secret pour lui !
Très à l’écoute des pilotes, il l’est tout autant en se penchant sur une moto pour détecter, interpréter et résoudre chaque situation à problèmes. A son esprit créatif, s’allie tout son savoir-faire pour fabriquer lui-même les pièces dont il a besoin, souvent en métaux nobles, comme le titane. Il travaille sur la carburation, les supsensions, les freins, réalise finalement le suivi complet de la moto qui lui est confiée ! A force de réglages et de modifications, son travail méticuleux aboutit à la perfection, tirant le meilleur parti de chaque machine passée entre ses mains d’expert. Enfin, lorsque le moteur tourne à nouveau, arrive le moment de satisfaction du travail bien accompli.
Fort de ces années d’expériences au service de grands pilotes, Sylvain Willen s’occupe encore de la mécanique de bon nombre de motos de courses qui, pour la plupart, sont devenues des pièces de collection privées à disposition de pilotes participant aux courses actuelles de GP catégorie motos anciennes. Ces motos roulent encore par exemple au Sunday Ride Classic du Castellet mais pas seulement car il y a Mettet en Belgique, Good Wood en Angleterre, Gallarate en Italie, sans toutes les nommer..
Sylvain Willen accompagne encore ses amis pilotes lors de sorties sur circuits pour réaliser la maintenance de la mécanique ! Dans son atelier, préparation de moteur, mécanique de pointe destinée à la compétition et passion pour son métier sont toujours d’actualité ! Son atelier toujours très soigné et bien rangé est à l’image de son engagement à réaliser son travail à la perfection.
Sources photos : Sylvain Willen & Swissbikes58