Chez BMW, une nouveauté brigue systématiquement le haut du pavé. Avec ce roadster 1000R, les Bavarois entendent clouer le bec des multiples belligérants dans un créneau très relevé. Alors certes, la version déshabillée de la RR mérite de marquer les esprits par ses performances exceptionnelles, mais elle ne fera cependant pas date dans l'histoire du constructeur.
Au temps où Objectif-moto se nommait encore Mototest, nous mettions un point d'honneur à ne pas celer les points faibles d'un modèle. C'est évidemment toujours le cas, mais il faut convenir que les constructeurs s'y entendent de nos jours pour commercialiser des produits aboutis qui prêtent peu le flanc à la critique. Ajoutez-y l'indéniable attrait de la nouveauté, un « traitement presse » qui vous fait vous sentir important chez les importateurs, et l'on pourrait incliner naturellement à omettre les détails qui fâchent. Ne mangeons donc pas de ce pain-là...
Les chiffres ne mentent pas
Poids plume, puissance et couple déments pour un roadster, pedigree de pure sportive, assistances électroniques pléthoriques et prix raisonnable (du moins sans options) : reconnaissons que la S1000R semble tout avoir pour jouer les épouvantails dans son créneau. Pourtant, vue de près, on émet des réserves car ses airs de streetfighter ont un je ne sais quoi d'inachevé, comme s'ils relevaient d'un bricolage individuel plutôt que du travail d'un bureau d'études : il y a des plastiques mats disgracieux, la chambre de tranquillisation des gaz qui forme comme une hernie sur la ligne d'échappement, des rétroviseurs un peu cheap. Bref, de quoi faire dire à un pilote de RR croisé sur une aire d'autoroute : « Elle n'est pas mal, mais sans plus. » Oui, la 1000R est sylphide et élancée, mais elle n'arbore tout de même pas le Total Look d'une Z1000 ou de feu la Suzuki B-King.
Un peu cheap ces plastiques noir mat, non?
Bien entendu, un examen détaillé montre que l'Allemande a tout ce qu'il faut pour se rattraper : moteur ébouriffant, partie-cycle éprouvée par la RR, freinage de GP, électronique de haut vol et, sur notre exemplaire d'essai, les options Sport pack (shifter, DTC, cruise control), Dynamic pack (DDC, poignées chauffantes, sabot, clignotants Led) et alarme pour un total de... 2335€ supplémentaires. La philosophie automobile a du bon puisqu'elle vous permet de personnaliser finement votre véhicule, mais elle a son prix, la bougresse ! Remarquez, en prix de base à 13190€, la S1000R standard ne coûte que 800€ de plus qu'une Z1000.
Quelques précisions qui seront les bienvenues :
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DTC ou Dynamic Traction Control, c'est l'élément qui équipe la RR ; en l'occurrence, un antipatinage tenant compte également de l'inclinaison de la moto. C'est sur l'angle maximal qu'il interviendra le plus vite. Notons que le DTC ajoute deux cartographies d'injection supplémentaires -Dynamic et Pro- aux deux prévues d'origine (Road et Rain). Dynamic rend l'accélérateur électronique plus réactif tandis que les aides à la conduite se font moins intrusives, Pro équivaut au mode Slick embarqué sur la RR et est donc clairement typé circuit.
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DDC ou Dynamic Damping Control, il s'agit du système d'ajustement électronique des suspensions en temps réel initié sur la HP4. Des suspensions intelligentes en quelque sorte puisqu'elles adaptent leur dureté à l'état de la route, limitant ainsi les transferts d'assiette, grâce à une valve électrique modulant le passage de l'huile dans les clapets. On a droit à trois configurations : Soft, Normal et Hard.
Si l'on se penche sur le propulseur, on retrouve évidemment le bloc qui a fait de la RR LA sportive de référence sur route grâce à une personnalité mécanique bien plus marquée que sur les Japonaises actuelles. N'oublions tout de même pas qu'on murmure chez Suzuki que c'est le bloc GSXR 2005/2006 qui aurait servi de base au RR germanique. Pas bêtes, les Bavarois, car il en avait du caractère ce Gex-là ! En limitant le régime maximal à 12000rpm (contre 14000 sur la sportive), la puissance passe de 193cv à 160cv ; le couple de 112Nm reste identique mais est obtenu plus tôt sur le roadster dont la courbe est bien mieux remplie jusqu'à 8000rpm.
S'agissant de la partie-cycle, vous devez savoir que Béhème ne s'est pas contenté de soustraire à la RR quelques éléments d'habillage. Ainsi, les Tés de fourche sont avancés, l'angle de colonne de direction diminue tandis que la chasse et l'empattement augmentent légèrement. Soulignons un point qui a son importance : sur les S1000R standard, c'est-à-dire dépourvues de DDC, BMW a supprimé le réglage de précharge de la fourche, craignant que le propriétaire qui se fourvoierait ne mette ainsi en danger la stabilité de sa machine, laquelle s'avère très nerveuse de direction, nous le verrons. Quant au freinage, il est directement hérité de la sportive.
Le comportement non plus
Sur le papier, convenons qu'on ne voit pas bien quelle machine pourrait faire mieux que cette S1000R dans son créneau. Et de fait, si vous lisez les essais de nos estimés confrères, vous constaterez que le concert de louanges est généralisé. Seuls quelques journalistes ont émis les réserves qui seront les nôtres. Voyons cela sans méconnaître pour autant le potentiel très élevé de cette BMW.
Au guidon, la position est sportive avec un léger appui sur les poignets qui reste de mise. Les jambes trouvent facilement leur posture, même pour un grand gabarit ; de sorte que la position est globalement naturelle. Profitons-en pour signaler que la passagère ne se plaint pas trop « en tous cas par rapport à une sportive, précise-t-elle. Les jambes sont un peu moins pliées et la petite selle s'avère plus confortable que prévu. » L'instrumentation est très complète et les fonctions ordinateur de bord se révèlent pratiques au quotidien (par exemple la fonction Range qui vous indique votre autonomie restante) ; précisons toutefois que la consommation moyenne affichée est inférieure à la réalité d'un bon demi-litre. A ce propos, notre S1000R d'essai a réclamé 7,8L/100km, en s 'amusant à son guidon, mais sans excès. Contact : alors là, meinen Damen und Heren, bravo ; la sonorité de la R est délectable à l'arrêt comme en mouvement, on se demande même comment son court silencieux a pu être homologué. Remarquez, toute médaille a son revers : il est courant que des RR pourtant d'origine soient priées de quitter les pistes équipées de sonomètres ; nul doute que cet inconvénient guette aussi le roadster ! Mention spéciale, en passant, pour le petit saute-vent dont état équipée en option notre exemplaire de test : tout en restant esthétique, il vous soulage efficacement jusque 160km/h, ou davantage pour les plus petits.
Bien sûr, avec la cavalerie disponible et ce que donne déjà une Z1000 avec des kilos en plus et 20cv de moins, on a envie d'envoyer velu. Alors on met gaz et, effectivement, ça tracte très fort à tous les étages, mais sans supplément d'âme : la personnalité que montre la RR s'est ici dissipée et le roadster, bien que très rempli, est plutôt linéaire, ce qui ne laisse pas d'un peu décevoir son pilote. C'est inattendu, mais une Z1000 offre un filet de caractère en plus...
Rien à redire du freinage, couplé au DDC qui corrige l'assiette (il le fait également à l'accélération, cela va de soi), il stoppe la R sans coup férir quelles que soient les circonstances, avec un regain de stabilité.
Légère et dotée d'une géométrie axée sur la maniabilité, la R est à l'aise en ville, sauf dans les manœuvres, car son rayon de braquage est en concurrence avec celui d'un Airbus A380... OK, on exagère, mais tout de même ; un demi-tour dans une rue étroite ne se fait pas toujours d'un coup.
Et sur route alors ? Nerveuse, mais pas mécaniquement, c'est le qualificatif qui nous semble le mieux convenir à cette S1000R presque trop réactive. A ce titre, elle nous rappelle furieusement les premières R1 ou la CBR 954, si légères qu'elles n'en faisaient parfois qu'à leur tête... C'est bien cela le problème de cette 1000R, sa direction très réactive a tendance à être plus rapide que l'arrière pour plonger en courbe, d'où une impression récurrente de suspensions mal accordées et de flou dans le guidage. Une caractéristique qui s'accentue encore un peu sur des revêtements dégradés. Aux commandes, on ne ressent pas de danger particulier, et il n'y a aucun problème de précision sur l'angle ; mais on sait qu'il faudra être attentif dès qu'on lâche les freins pour plonger à la corde ou lorsqu'on change d'appui. On se réjouit en l'occurrence que BMW ait décidé de conserver l'amortisseur de direction de la RR dans la dotation originelle de son roadster. Refermer encore l'angle de colonne de la RR n'était peut-être pas judicieux et, en l'espèce, l'allongement de la chasse et de l'empattement ne compensent pas. C'est ainsi qu'on comprend mieux pourquoi le constructeur a choisi d'ôter le réglage de précontrainte de sa fourche sur les machines standard : si en plus de cette réactivité foncière, le propriétaire tâtonne dans ses réglages de fourche, sa prochaine balade risque fort d'être rock'n'roll...
Alors oui, la S1000R reste un roadster exceptionnel, oui c'est une BMW et oui, son équipement est pléthorique. Mais vous savez quoi ? Je préférais une K1300R bien plus lourde mais bien plus prévisible grâce à son couple Telelever/Paralever. Et, si j'achetais une BMW 1000, ce serait sans conteste une RR...
Prix de notre S1000R d'essai avec ses options et une remise « pack » : 15265€.
Toute une gamme d'accessoires est évidemment disponible pour la S1000R