Référence des sportives depuis son apparition en 1985, une Suzuki estampillée GSX-R se doit d'éradiquer toute forme de concurrence. La nouvelle 1000 ne fait pas exception : elle a moins de concurrentes que de proies... Nous l'avons déjà écrit : les 1000 sportives suivent toutes tant soit peu le même chemin de l'exploitabilité sur route malgré des puissances et un potentiel dynamiques sans cesse plus affû.tés. La nouvelle GSXR 1000 ne peut faire exception à cette règle politiquement correcte : si elle affichait encore la même sauvagerie que la GSX-R 2003/2004 alors qu'elle offre 25cv de plus pour le même poids avec les pleins, elle deviendrait tout bonnement inconduisible pour le commun des motards. Dans ce cas de figure, tourner la poignée droite équivaudrait à dégoupiller une grenade. Rien de tout cela pourtant sur les millésimes 2007 des quatre Japonais. Si ça n'a rien d'étonnant s'agissant de Honda, chantre du Total Control, c'est plus surprenant chez Kawa où la ZX10 apparue l'an dernier est propulsée par un moteur puissant mais feutré. Avec sa R1 2007, Yamaha joue la carte de la technologie au service de l'humain mais en repoussant le caractère et les sensations de pilotage à la dernière page du cahier des charges. Suzuki, de son côté, réalise donc un premier holeshot en nous proposant une GSXR civilisée, mais pas trop. Avec un moteur dont la poussée, toujours dantesque a le bon goû.t de ne pas attendre les hautes rotations pour se faire sentir. Vous l'aurez compris : la Suzuki est toujours bien au top des 1000 nippones.
Question de goû.t, mais tout de même...On ne se fera pas que des amis chez les Bleu/Blanc, mais on va le dire : d'après nos critères esthétiques, une GSXR 2005/2006 est plus belle que la 2007. Plus racée, plus fine (le radiateur très exposé élargit le bas de la 2007), plus agressive. Il est d'ailleurs curieux de constater qu'on peut dire la même chose des R1 et ZX10 actuelles, plastiquement moins réussies que les modèles précédents. Nous avons eu l'occasion de comparer les deux millésimes de la grosse Suz' côte-à-côte et tous deux dans leur livrée noire intégrale : le verdict est sans appel, il est unanime et il est à l'avantage de l'ancienne...Evidemment, une GSXR 1000 2007 est une superbe machine, surtout dans sa robe mêlant adroitement le noir mat au noir verni. On en apprécie les composants, surtout le somptueux bras oscillant qui a fait l'objet d'une recherche d'engineering spécifique, mais on regrette tout de même les caches latéraux en plastoc singeant le carbone, la chambre de tranquillisation ou les volumineux silencieux. Certes la fourche, les beaux rétros (assez efficaces) et les superbes platines réglables rattrapent l'ensemble, mais n'empêchent pas de préférer l'ancienne. Après tout, il reste ainsi quelque chose aux propriétaires du modèle précédent...
Target: victory!
De nouveau... comme avantLa GSXR 1000 2007 est une nouvelle moto, mais le résultat qu'elle atteint est le même que celui des millésimes précédents : rester l'épouvantail de la catégorie. Vous objecterez que la 2005 était clairement la meilleure puisqu'elle est immédiatement devenue championne du monde de SBK, et que c'est loin d'être fait cette année, malgré la présence de Max Biaggi au sein du team Alstare. C'est juste, la puissante équipe liégeoise semble peiner à tirer le meilleur parti de la 2007. Mais cette restriction vaut pour la machine alignée en Superbike, qui n'a plus qu'une lointaine parenté avec la moto achetée chez le concessionnaire du coin. Ce que nous disons, c'est qu'après avoir essayé tous les gros cubes japonais, la GSXR 1000 s'affirme bien comme la moto de série la plus proche d'une moto de course par les sensations qu'elle distille autant que par son efficacité générale.
En prime, on soulignera que, bon an mal an, la Suzuki n'est pas si rude à fréquenter au quotidien, si l'on se souvient qu'il s'agit d'une moto pensée pour la course. La position n'est pas trop radicale, et les platines réglables ajoutent une ration de convivialité qu'apprécieront tous les gabarits. Les suspensions Kayaba conservent un soupçon de confort décent sur nos revêtements routiers passablement dégradés (amis lecteurs français et suisses, vous ne savez pas la chance que vous avez !), mais l'élément clé du " confort " sur la grosse GSXR, c'est sa sellerie moelleuse (mais qui ne s'avachit pas sur piste) et suffisamment large qui permet donc de longues étapes sans fatigue scandaleuse du popotin. Greffez à cette 1000 une bulle endurance ou haute protection, et vous pourrez envisager le voyage. En solitaire, parce que pour le passager, il n'y a pas encore de miracle... Nous avons même réussi sans difficulté à arrimer un gros sac sur le strapontin arrière grâce aux deux ergots et aux encoches prévues dans le garde-boue arrière. Signalons encore de quoi ranger un petit bloque-disque sous la selle passager. Au total, il n'y a donc pas de quoi se plaindre et la GSXR est sans doute la plus " confortable " des hypersportives actuelles. A propos, le phare est très efficace en feu de croisement mais déçoit en feu de route . un détail à l'attention de ceux qui roulent aussi de nuit. Ceci dit, il est évident que la raison d'être d'une GSXR se situe ailleurs que dans ses prétentions routières.
Une... 600 comme on les aime!
Une vraie 600 comme on les aime !Non, ce n'est pas une erreur, la GSXR 1000 est bien une 600 au poil... Par la grâce du S-DMS (Suzuki Drive Mode Selector), vous configurez votre machine avec précision. Un commutateur situé sur le commodo droit vous permet de choisir entre trois cartographies d'injection préprogrammées. Et le système est loin de n'être qu'un gadget ou un argument marketing : il s'agit bien d'un atout sans doute plus pertinent encore que l'admission variable développée par Yamaha sur sa R1. En mode " A ", vous disposez de la moto dans sa version full power, soit 185cv (194cv avec l'air forcé). En position " C ", il vous en reste 130, soit la puissance d'une 600 actuelle, vous commencez à nous voir venir ? En configuration " B ", la plus complexe, vous avez 80% de la puissance totale jusqu'à 85% d'ouverture des gaz . dès que votre rotation de poignée dépasse 85%, vous avez droit à 100% de la puissance. En d'autres termes, l'injection " B " est idéale pour ressortir des courbes sans se faire peur tout en profitant du potentiel d'accélération toujours aussi décapant de la GSXR. Sur le papier, ce mode " B " semble donc le compromis le plus intéressant puisque, laissant à un pilote moyen la possibilité d'accélérer sans risque de décrochage, il devrait lui permettre de signer ses meilleurs temps.
En pratique pourtant, c'est le mode que nous avons le moins utilisé durant notre essai, y compris sur piste. Pourquoi ?D'abord, parce que le mode full power a tout de même plus d'attraits par les sensations qu'il procure : il faut vous préciser que le bloc GSXR, contrairement au R1, n'est pas du tout paresseux en bas et pousse déjà très fort à 3000/3500rpm. Et au-delà ? C'est là qu'il se démarque d'un CBR ou d'un ZX10 : alors que ces derniers misent tout sur une linéarité facile, la Suzuki parvient à rester sensationnelle sans rien sacrifier à la sécurité. Disons qu'avec son couple et son caractère moteur, elle retranscrit mieux l'impression d'accélération et de puissance, ce dont le pilote profite évidemment à plein. Et la bonne surprise qui vient clore ce chapitre, c'est que la GSXR parvient à rester sobre : un peu plus de 8 litres sur circuit, on a rarement vu mieux. Sur route, en mode " C " et sans forcer, on descend encore de deux litres. Pas mal pour un monstre !
Ce mode " C " d'ailleurs, est épatant lui aussi. C'est même, pour ainsi dire, le plus étonnant des trois parce qu'il transforme votre 1000 en une 600 qui a du couple et du coffre en bas. En fait, cette configuration fait de la GSXR1000 la meilleure... 600 qu'on ait jamais vu. Ah si les supersport pouvaient avoir cette " patate " ! Seulement, elles ne l'auront jamais parce que, si elles l'avaient, il n'y aurait plus aucune raison d'acheter une 1000... N'empêche, il est clair que c'est rassurant sous la pluie de pouvoir ouvrir sans appréhension, même avec un pneu sport. En vérité, et pour des tas de raisons objectives (parce que c'est largement suffisant, parce que les flics vous guettent, parce que la circulation est congestionnée, etc), c'est la position " C " que nous avons utilisée le plus sur la route, ne passant en " A " et en " B " que pour en mesurer les différences.
Et ces différences, elles ne sont pas que théoriques . elles sont réelles et mesurables !Ainsi, en " jouant " avec les mappings au fil de nos tours du circuit de Lezennes, nous avons constaté une différence de l'ordre de 20km/h entre " A " et " C " sur les deux petits bouts droits que compte la piste lilloise. Ce n'est pas rien, et ça provoque d'ailleurs une bouffée de chaleur sous le casque quand on s'aperçoit qu'on déboule nettement plus vite au même repère de freinage... Ceci étant, sur une piste étriquée, les temps absolus sont virtuellement identiques entre mode " A " et mode " C ", lequel permet un pilotage plus coulé. Quant au mode intermédiaire, nous l'avons peu utilisé et nous ne l'avons pas trouvé aussi utile que les autres configurations. Probablement serait-il utile sur un circuit moins étriqué mais pas très rapide, comme Croix-en-Ternois.
Un mot sur l'injection . un domaine dans lequel, au fil des années, Suzuki s'affirme comme un maî.tre. On sent de légères hésitations à froid et, ensuite, à certains régimes intermédiaires, mais rien qui vaille la peine d'en parler.
Se prendre pour un pilote Alstare
Pour faire le Max Ce moteur a donc, à lui seul, le potentiel suffisant pour faire de la GSXR 1000 la reine des hypersportives. Il s'appuie de surcroî.t sur une partie cycle et sur un freinage au-dessus de tout soupçon.On l'a dit, les suspensions arrivent à ménager un certain confort sur la route. Et sur piste, moyennant quelques menus réglages. On insiste sur le " menus ", parce que strictement d'origine, ça ne va pas mal du tout . il y a juste un peu trop de transferts de masses à notre goû.t au freinage et à l'accélération. Donc, un peu freinée en hydraulique de-ci de-là, la GSXR devient impériale : bosses avalées sans coup férir, transferts de masses matés, fin retour d'infos vers le pilote . tout y est.
Pourtant le top de la GSXR, avec son moteur, c'est son châssis. Grâce à un minutieux développement assisté par ordinateur, il présente le rapport optimal entre stabilité et vivacité. C'est exactement l'effet que cherchaient les développeurs de la GSXR, et c'est réussi : la taille du bras oscillant est restée identique au millésime précédent, mais son poids a diminué et son ancrage moteur a reculé de 10mm. Le résultat, c'est que jamais une 1000 n'a été aussi proche du comportement d'une 600 (on y revient !) Certes la GSXR 1000 reste un peu plus physique qu'une R6, mais nettement moins qu'une R1. A telle enseigne que, dans ce cas-ci, il est inutile de troquer le boudin de 190 contre un 180 pour gagner en maniabilité. Cette GSXR est presque un vélo . un vélo avec une postcombustion...
Nous noterons encore que, lors de la présentation internationale de la 1000 l'hiver dernier, certains essayeurs avaient émis quelques doutes quant à l'efficacité réelle du nouvel amortisseur de direction signé Kayaba. Pour 2007, cet élément -tout en restant un classique amortisseur de direction mécanique- est asservi à un contrôle électronique et quelques journalistes ont incriminé son incapacité à juguler les amorces de guidonnage. Nous n'avons rien remarqué de tel durant notre essai, au cours duquel l'élément Kayaba nous a convaincus de son efficacité. Il faut toutefois souligner que le tracé de Lezennes n'a rien à voir avec celui de Philip Island, beaucoup plus rapide, où la présentation avait eu lieu. Il reste donc possible que l'amortisseur de direction avoue ses limites dans des conditions extrêmes d'accélération. Mais nous n'avons rien à lui reprocher.Tout comme au freinage, lequel s'est révélé parfait à tous points de vue.
Comment conclure ?Dans le contexte actuel, il est malaisé de trouver rationnel le choix d'une 1000 sportive si ce n'est pour tâter de la piste ou de la course. Pourtant, si une hypersportive peut encore satisfaire le routard, c'est sans doute la GSXR 1000 parce qu'elle préserve un soupçon de confort, parce que son comportement est proche d'une certaine perfection et parce que sa cartographie d'injection programmable est un argument en termes de sécurité. RS
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