Suzuki en solo
Comme beaucoup, nous nous interrogions sur la pertinence d'une GSX-R 1000 qui n'évolue que timidement. Pourtant, au sortir de cet essai routier, les voies prises par Suzuki nous convainquent qu'à l'heure de la débauche technologique, il reste une place pour cette icône vivante, conciliante et démocratique.
" Ce n'est pas une vraie nouveauté, juste un lifting ", nous souffle un mécanicien chez Suzuki. Il est vrai qu'en statique, cette GSX-R 1000 L2 (ne dites plus K12, c'est une dénomination obsolète) se démarque fort peu d'un millésime précédent : carénage, instrumentation, optique, presque tout est resté identique. " Après tout, ça se comprend, enchaî.ne notre homme, pourquoi tout changer sur une championne du monde d'endurance ? " Touché...Et puis, si vous êtes de ceux qui se demandent depuis des années pourquoi Suzuki ne développe pas davantage sa gamme pour le marché européen, nous vous apportons la réponse de l'importateur belge : Suzuki produit annuellement deux millions et demi de motos qui s'écoulent essentiellement au Japon et sur les marchés émergents, Inde en tête. Et sur cette production colossale, savez-vous combien de Suzuki sont vendues en Europe ? 65.000 en tout et pour tout... On comprend mieux pourquoi le constructeur d'Hamamatsu n'est guère enclin à chambouler ses modèles pour un continent qui ne pèse que 3% à peine de ses ventes !
Fine évolution
Dans une conjoncture difficile sur plus d'un marché où ses ventes chutent, le troisième constructeur nippon a manifestement choisi de maî.triser ses coû.ts. Peut-on l'en blâmer ? Sans doute pas, car d'une part, il nous propose une moto qui évolue effectivement et, d'autre part, il l'affiche comme la moins chère des superbikes actuelles. Voilà de quoi légitimer la démarche et rassurer les Suzukistes. Dame, arborer ce logo culte qu'est le " GSX-R " doit continuer à se mériter.
Soyons néanmoins justes : nous avons plus d'une fois écrit que la ligne d'une Gex se faisait éculée et que le classique bleu/blanc avait été tant revu qu'il conviendrait de passer à autre chose, surtout dans la perspective de s'opposer à une concurrence européenne qui, cette fois, a pris l'ascendant technologique sur les Japonais. Tous les constructeurs du Soleil Levant l'ont compris, Kawasaki et Honda en tête car, pour Yamaha, des voix commencent à s'élever qui stigmatisent la ligne d'une R1 qui, elle aussi, commence à dater. Bref, il est vrai que la gamme Suzuki tarde à s'étoffer et à se renouveler, mais soyons objectifs...
Si la grosse GSX-R reste agressive par ses volumes, sa silhouette générale plie un peu sous le poids des ans sans que cela enlève quoi que ce soit au niveau de qualité perçue dispensé par l'engin. La Gex reste une belle moto, dotée d'une finition de haute venue . à part un disgracieux collier de serrage à hauteur du silencieux, la Gex ravit encore et toujours l'&oelig.il averti. En quoi donc cette L2 se démarque-t-elle ? D'abord, un accord de couleurs qui laisse davantage de place au bleu qu'au blanc, et c'est à notre avis un bon choix. Ensuite, on remarque le retour à un silencieux unique qui avait déserté la 1000 depuis 2006 . remarquez que, si c'est bon pour le poids et l'inertie, ce l'est un peu moins pour la mélodie... Dernière innovation visible sur le modèle 2012, mais c'est une plus-value incontestable, l'adoption d'étriers de freins Brembo Oro monoblocs qui sont ce qui se fait de mieux sur une moto d'origine. Ne nous fions pas qu'à nos yeux cependant (on avait oublié les filets de jantes !) : si l'épure de suspensions et la géométrie générale restent identiques, le débattement de la fourche BPF (Big Piston Fork) diminue tandis qu'elle est raffermie en précontrainte et assouplie en hydraulique. Mécaniquement parlant aussi, les évolutions sont présentes : le taux de compression passe de 12,8 :1 à 12,9 :1 pour plus d'accélération à haut régime . de même, de nouveaux arbres à cames inspirés par la GSV-R de MotoGP doivent assurer plus de couple à mi-régime. Suzuki entend aussi remettre en exergue ce qui fait depuis toujours la réputation des Gex : leur fiabilité. Pour 2012, la 1000 profite donc d'un embrayage renforcé et d'une pompe à huile au débit accentué. L'ensemble de ces ajustages mécaniques devrait également aboutir à une baisse de la consommation, estimée par le constructeur à quelque 8 pour cent . peut-être les 2kg perdus par la 2012 y sont-ils pour quelque chose...
Vie gexuelle
Précisons d'emblée que nous n'avons constaté aucune diminution de la consommation par rapport au modèle précédent . au contraire même puisque l'appétit de la grosse GSX-R est passé de 7,4L/100km en 2009 à 7,7 sur la L2. Evidemment, une sortie n'est pas l'autre et, à trois ans de distance, la comparaison n'est que relative . mais cela risque tout de même de décevoir les hommes du SERT en endurance, car ils comptaient là-dessus pour limiter le nombre de ravitaillements nécessaires en course...
De fait, la symphonie mécanique dispensée par le nouvel échappement unique et par l'admission n'est plus aussi grisante qu'auparavant et n'a, par exemple, rien à voir avec le rugissement des GSX-R 600 et 750. Certains essayeurs disent sentir un léger appui supplémentaire de leurs poignets par rapport à la version précédente, mais ce n'est pas notre avis, et notre passagère continue à ne pas se plaindre du traitement que lui réserve la 1000 : " Pour une hypersportive, je crois même que c'est la plus accueillante, estime-t-elle. Bien mieux qu'une R1, qu'une S1000RR ou qu'une Italienne. Et la selle paraî.t plus spacieuse et plus moelleuse que sur les CBR et ZX10R. " Mesdames, voilà qui est exhaustif !
La fourche Showa à technologie BPF (Big Piston Fork) présente des réglages de détente et compression séparés sur le haut, tandis que la précharge est réglable en bas. Son apport le plus évident est de faciliter les entrées en courbe en permettant d'entrer sur les freins sans relever ou alourdir la moto. Si l'on peut lui reprocher un amortissement légèrement plus sec des grosses aspérités routières, elle profite indéniablement à une grosse sportive car elle contribue à son agilité. L'amortisseur de direction électronique Kayaba, qui se durcit au pro rata de la vitesse, donne lui aussi entière satisfaction, tout comme les trois cartographies A (full power), B (full power mais arrivée de la puissance progressive) et C (puissance limitée), bien utiles suivant les conditions météorologiques et de circulation. Ceci dit, ce choix de cartographies, qui remonte à 2007 déjà, pallie-t-il l'absence d'antipatinage ? En partie au moins car, si vous n'avez pas confiance en votre pneu arrière ou en votre sagesse personnelle, passez en mode B (ça se fait en roulant sans autre souci) et il devient très compliqué de faire patiner la roue arrière . à moins qu'il fasse humide, cela va de soi. De sorte qu'au total, on se dit qu'avec une hypersportive vraiment prévenante, voire confortable, et qui a récupéré son caractère mécanique, la démarche de Suzuki, qui la propose comme la plus abordable de sa catégorie, se justifie bel et bien. En solo, sans débauche technologique, la Gex revient simplement à ses fondamentaux...
Gex appeal
On s'installe donc sur une selle ni trop dure ni trop petite, on se saisit de bracelets raisonnablement éloignés et on ne doit pas chercher très loin les pose-pieds qui ont la bonne idée de rester réglables. L'instrumentation, un peu triste peut-être, est cependant très lisible et bourrée d'informations utiles. Sans conteste, pour une superbike contemporaine, la GSX-R 1000 vous gratifie d'une position plutôt confortable . impression renforcée par le travail de la petite bulle double courbure qui, à défaut de vraiment protéger, limite très bien les turbulences pour peu qu'on s'efface un peu derrière elle à haute vitesse. Comme de coutume, les ingénieurs nippons nous proposent des transmissions et commandes douces qui entérinent encore le sentiment que la grosse Gex est conciliante et facile à prendre en mains. Avec en outre l'injection à double papillon toujours aussi suave, on en oublierait presque qu'il s'agit tout de même d'une 1000 de 188cv. Ainsi, nous nous sommes surpris plus d'une fois à croiser à 160km/h sur autoroute en ayant l'impression de respecter les limitations de vitesse...
Devenue plus agile et plus précise à la mise sur l'angle en 2009, la GSX-R 1000 L2 accentue encore un peu ces caractéristiques. Encore une fois, il ne s'agissait ici que d'un essai routier, mais la phase d'entrée en courbe nous a en effet paru moins physique que sur le modèle précédent, ce qui est appréciable puisque, dans le même temps, le freinage s'est renforcé. Les Brembo monoblocs ne sont pas brutaux à l'attaque du levier mais, en insistant, ils vous sortiront le dentier de la bouche ! Pourtant, on ne note aucun raidissement de la machine au moment de plonger à la corde : à ce point de vue, la fourche BPF fait merveille et il est fort judicieux d'en avoir raccourci le débattement. On savait la L2 confortable, la voilà naturelle et précise. C'est que la Suzuki s'avère aussi très stable et imperturbable sur l'angle, une qualité qui n'est pas forcément l'apanage de toutes ses rivales . les pilotes de RSV4 ont certainement compris ce que nous entendons par là !
Reste à envisager le cas du moteur. On se souviendra de notre déception à l'essai de la GSX-R 1000 2009 : le propulseur de la Suzuki peinait à la relancer et ne donnait le meilleur de lui-même qu'au-delà de 8000rpm, ce qui pénalisait énormément la Suzuki en usage sportif ou sur un circuit étriqué. Il n'est plus question de ces restrictions sur la version L2 sur laquelle on retrouve, au moins en partie, la santé affolante du GSX-R 1000 2005, lequel avait une faculté d'accélération sans équivalent à l'époque. A ce propos, on dit d'ailleurs clairement chez Suzuki que c'est le bloc GSX-R 1000 2005 qui aurait inspiré BMW dans la conception de sa S1000RR, une machine qui affiche elle aussi un sacré tempérament moteur
Alors qu'en 2009, le gros Gex s'éveillait à 4000rpm mais ne lâchait son potentiel que 4000rpm plus haut, le bloc L2 s'ébroue dès 3500 tours et dégaine la cavalerie vers 5500 sans discontinuer jusqu'à la zone rouge (inchangée à 13750rpm). Inutile de vous dire que cela fait une énorme différence à l'usage ! On en profite sur route parce que les sensations sont bien plus présentes (et dans les trois modes) . cette Gex L2 rappelle un peu le (très) gros caractère des millésimes K3 et K4. Et il ne fait aucun doute qu'il en sera de même sur piste. En ce qui nous concerne, nous reprendrons la GSX-R 1000 pour un essai circuit plus tard dans la saison, mais un pilote français, fidèle au modèle, nous a déjà dit tout le bénéfice qu'il tirait du passage sur le modèle 2012.
Pas de marché aux puces chez Suz'
Sans ABS racing, sans antipatinage, sans shifter qui semblent pourtant les must actuels, la GSX-R 1000 se la joue en solo et ne satisfait pas à la mode des puces omnipotentes. Elle reste cependant une machine aboutie et bien plus neuve qu'il n'y paraî.t au premier coup d'&oelig.il. Peu contraignante, elle reste confortable . elle est performante et efficace tout en offrant à nouveau un vrai caractère mécanique. Bref, elle est selon nous digne de rester le premier choix du motard sportif, qu'il pratique ou non le circuit. C'est déjà un beau bilan.
Budget/Plaisir : 8/10 . Au quotidien : 7/10 .Sport : 9/10 .Duo : 6/10 .Débutant : 3/10. Rudy
Importateur :Suzuki Belgium SASatenrozen 82550 Kontich00 32 (0)3 450.04.11 www.suzuki2wheels.be
Fiche technique
Données techniques Suzuki GSX-R 1000 2012 - 15970&euro. Moteur4 Cylindres en ligneRefroidissement : Refroidissement liquideInjection Ø. 44 mm2 ACT4 soupapes par cylindreBoî.te à 6 rapports999 cc (74.5 x 57.3mm)188 ch à 12000 tr/min12.1 mkg à 7450 tr/min ChâssisCadre : périmétrique en aluminiumRéservoir : 17.5 litresHauteur de selle : 810mmLongueur : 2045mmLargeur : 705mmHauteur : 1130mmEmpattement : 1405mmPoids en ordre de marche : 203kg
Trains roulantsFourche téléhydraulique inversée Ø. 45 mm, déb : 120mm2 disques Ø. 310 mm, étriers radiaux monoblocs Brembo 4 pistonsMono-amortisseur, déb : 130mm1 disque Ø. 220mm, étrier 1 pistonRoue AR : 190 / 50 - 17Roue AV : 120 / 70 - 17
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