Depuis 2006, le constructeur californien Zero bouscule les idées reçues. Avec cette nouvelle SR, il nous propose un produit abouti qui, en ces temps incertains, pourrait prendre soudain des allures d'alternative rationnelle. L’électrique vous interpelle ? Tentons de répondre à vos questions.
Au sortir de trois semaines d’essai, nous pouvons d’emblée avancer qu’il est révolu le temps où un deux-roues électrique péchait à la fois par manque d'autonomie, de performances et de longévité de ses batteries : les accus lithium-ion d'une Zero durent la vie de la moto (500.000km prévus!) et les performances globales de cette SR sont proprement étonnantes. Certes, elle ne délivre que l'équivalent de 73cv mais, grâce à la transmission directe sans embrayage et à l'inertie nulle, elle peut dompter des machines thermiques bien plus puissantes. Ainsi, si sa vitesse maximale n'excède pas 167km/h, son couple de 166Nm est supérieur à ceux d'une Hayabusa (150Nm) ou d’une Kawasaki H2 SX compressée (137Nm) et lui accorde des accélérations ébouriffantes puisque les 100km/h sont atteints en 3 bonnes secondes. D'abord goguenard au feu rouge, un conducteur de R6 se fit d'ailleurs bien plus respectueux après avoir vu sa supersport décramponnée trois fois de suite au démarrage... Eh oui, mon gars, on peut aussi s'imposer sans faire de bruit ! Entièrement refroidi par air et faisant la part belle aux ailettes, ce nouveau bloc d’alimentation ZForce de 15,6kWh dispose d’aimants permanents pour encaisser sans sourciller le surcroît de puissance et de couple. On tance souvent les motos dont le moteur est dit « électrique » parce qu'il présente peu de personnalité mécanique ; c'est faire injure au propulseur de la SR car, pour être électrique au sens propre, il n'en est pas moins fort démonstratif quand il s'arrache dans son sifflement futuriste.
Et puis, il se commande du bout des doigts car désormais, l’électronique embarquée par une Zero n’a plus rien à envier à celle des grosses cylindrées thermiques. En l’occurrence, le pilote dispose de 4 modes de conduite préréglés (Rain, Eco, Standard et Sport) et de la possibilité d’en paramétrer d’autres en fonction de ses préférences personnelles par le biais d’une application dédiée régie par le tout nouveau système d’exploitation maison baptisé Cypher III+. Ce dernier permet, par le biais de l’application, une pléthore de réglages divers mais également l’accès au Cypher Store où l’on peut acheter des upgrades pour sa machine allant du temps de charge à la capacité de la batterie en passant par la vitesse de pointe. Vous le voyez, les possibilités sont nombreuses. Et bien entendu, ABS (aussi actif en courbe grâce à la centrale inertielle à 6 axes) et Traction Control appartiennent à la dotation standard. Signalons au passage que Zero, qui équipait jadis ses motos d’équivoques pneus IRC, crédite maintenant sa SR de Pirelli Diablo Rosso 3 d’origine. Et maintenant, interrogeons-nous sur la pertinence du concept.
Une moto électrique peut-elle séduire autant qu’une autre ?
Bien qu’il y ait en la matière une forte part subjective, la réponse est positive en termes d’esthétique : la SR offre un look de roadster sportif râblé avec ce qu’il faut d’agressivité. Du reste aucun de nos (nombreux) interlocuteurs n’a critiqué la plastique de la Zero et leurs commentaires à ce point de vue étaient largement positifs. De même, à quelques détails près, les finitions sont tout à fait satisfaisantes. S’agissant de performances, nous les avons déjà évoquées par le biais des accélérations de haute volée dont est capable la SR ; pour un dépassement, en mode Sport, la Ricaine se transforme en catapulte et même dans les autres modes, elle reste étonnante de vigueur. Quant à la vitesse de pointe, si elle paraît étriquée à vos fantasmes de chasseur de chrono, elle reste largement suffisante dans le contexte répressif actuel. Sans compter qu’une visite sur le Cypher Store vous permettra de la pousser jusque 200km/h, moyennant paiement évidemment. Quant à l’électronique, nous l’avons vu, elle est au goût du jour ; nous signalerons juste que les menus, pilotés depuis le poussoir gauche de la moto, ne sont pas des plus conviviaux ; c’est plus simple depuis l’application mais elle ne permet pas de tout faire. Reste enfin l’épineuse question de l’absence de bruit et/ou de vie de la mécanique ; est-ce insupportable ? En réalité, il s’agit là d’un jugement a priori et nous pensons que les plus virulents détracteurs des motos électriques à ce point de vue sont ceux qui n’en ont pas encore esssayé. Rouler sans bruit n’enlève rien aux sensations dispensées, loin s’en faut même et le sifflement du rotor a, lui aussi, son petit côté grisant. Et puis, personne ne niera que vivre la route sans devoir fréquenter les stations-services est un avantage en soi.
Une moto électrique, c’est pour quoi faire ?
Clairement : on en fera tout ce que l’on ferait avec une autre. L’usage quotidien, les loisirs mode arsouille compris, la balade en couple voire l’incursion occasionnelle sur circuit sont accessibles à cette Zero SR. Évidemment, votre autonomie dépendra grandement de votre mode de pilotage, mais nous reviendrons plus bas sur ce sujet. D’un point de vue dynamique, la Californienne a ses spécificités mais elle peut être gratifiée d’un excellent bilan : son châssis tubulaire en acier et ses suspensions entièrement réglables lui assurent un guidage précis tandis que son poids concentré en bas permet une maniabilité étonnante. Ceci dit, les suspensions s'avèrent plutôt sèches et dures, ce qui fait qu’elles s'accommodent mieux des billards californiens que de nos routes belges, en dépit des divers réglages essayés.
Comme la sellerie est ferme et la protection inexistante, le bilan confort n'est racheté que par une position naturelle qu'on aurait cependant aimée plus en appui sur l'avant. Et aussi par la présence d'un cruise control toujours bien pratique... De son côté, le passager apprécie de garder les jambes dépliées. Les disques, avec durits métalliques, n'ont aucun mal à ralentir la SR malgré un frein moteur absent en modes Standard et Sport (il est bien présent en mode Eco) ; on aurait peut-être aimé un feeling supérieur car l'attaque du levier avant est brutale. Heureusement, l'arrière joue à plein son rôle d'équilibreur pour vous apporter la sérénité requise. Un bon point à l'actif de la Zero : elle ne se relève virtuellement pas si vous freinez sur l'angle ; nos remerciements à l'empattement court ! En réalité, ce freinage puissant nous convient tout à fait, et on apprécie la discrétion de l’ABS Bosch. Outre ce qui précède, insistons sur le fait que le châssis acier de la SR ménage aussi bien la stabilité que la rigidité et qu'avec son centre de gravité bas et sa chasse réduite, la Zero offre une belle vivacité. De sorte qu'au final, son bilan dynamique est largement positif.
Une moto électrique au quotidien, ça va loin ?
Durant nos trois semaines d’essai, nous nous sommes bâti une expérience qui permet de répondre à la question. Naturellement, avec un trajet quotidien de 130km dont 90km d’autoroute, une Zero SR/S dotée d’un carénage sport-GT aurait été plus indiquée mais, en cette fin d’été, la SR faisait aussi bien l’affaire. Et puis, comptez sur les équipementiers pour vous proposer des accessoires de nature à améliorer votre ordinaire, comme des valises et autres top-cases. Donc rouler en électrique au quotidien, c’est tout à fait accessible MAIS cela dépendra grandement de la longueur de vos trajets. Si vous consultez le site de Zero Motorcycles, vous constaterez ravi que le constructeur annonce pour sa SR une autonomie pouvant atteindre 272km en ville, mais n’accordez pas trop de crédit à ces mesures qui sont optimisées à l’extrême… Plus qu'un thermique, un véhicule électrique est sensible à certains facteurs connexes comme la température extérieure, la charge transportée ou le type de conduite. En l'occurrence, être à deux augmentera votre consommation de 20 à 30% suivant que vous roulez Eco ou Sport ; le gel fera pareil à concurrence d’environ 20% et les énervés de la poignée feront grimper le besoin énergétique de 40 à 50%. Traduits en km, que donnent ces pourcentages ? Zero annonce donc une autonomie urbaine de 272km, nous dirions plutôt 200km, mais avec un escogriffe de 120kg aux commandes (tout équipé avec sac à dos, hein !)
Naturellement, c'est en ville qu'une Zero consomme le moins puisqu'elle se régénère en coupant et en freinant. Sur grand-routes et autoroutes, tablez entre 120km (Eco) et 80km (Sport). De toute manière, le tableau de bord vous informe précisément sur votre autonomie restante. Vous le voyez, dans ces conditions, beaucoup d’entre nous peineront à aller jusqu’à la Côte et, à supposer qu’ils y parviennent, ils seront contraints de recharger avant de repartir. Dans notre cas spécifique, aller travailler dans le centre de Bruxelles compliquait grandement une recharge intermédiaire sur place. Quant à boucler l’aller-retour avec une seule charge, c’était possible mais à la double condition de rester en mode Eco et d’être TRÈS parcimonieux avec la poignée droite. Et même ainsi, il faut reconnaître qu’on roule avec la peur au ventre… Bien sûr, on peut toujours se dire qu’on s’arrêtera sur une aire d’autoroute mais là, on envie les autres motards qui font le plein et repartent en 3 minutes. Précisément, quand vient l'heure de recharger votre Zero, il vous suffit de sortir son câble de 3m logé dans le faux réservoir et de le brancher dans une prise de courant classique où vous pourrez aller jusque 3kw/h en puissance de charge. Comptez 4h30 pour une charge complète (il existe un chargeur rapide optionnel facturé… 3025€ !) Vous pouvez aussi acquérir en option un Power Tank qui augmente votre capacité pour une autonomie en hausse de plus de 20%. Cet accessoire très pratique présente cependant un triple inconvénient : il coûte... 3569€, pèse lourd et prend la place du faux réservoir, ce qui vous contraint à placer ailleurs le volumineux câble de charge. Dans ces conditions, il vaut mieux, selon nous, se contenter d'investir le cas échéant dans le chargeur rapide.
Comment conclure ?
On pourrait énoncer le verdict en répondant à cette question : « L’achèteriez-vous ? » Mais ce ne serait pas équitable car, dans mon cas, je répondrais négativement uniquement parce que mon kilométrage quotidien est trop important pour l’autonomie de la machine. Un navetteur qui habiterait plus près de Bruxelles n’aurait pas ce problème. D’autre part, on ne peut nier la cohérence du concept : à l'usage, cette Zero SR se fait respecter en tant qu'écologique pourvoyeuse de plaisir, capable de tout faire comme une (grosse) moto thermique... tant qu'on ne va pas trop loin. Et, disons-le, elle m’a impressionné et j’ai aimé la conduire. Bref, tout dépendra de l'usage de chacun : le voyageur doit sans doute passer son chemin tandis que le motard urbain et le navetteur périurbain y trouveront leur compte. Du moins s'ils ont de quoi investir car, avec quelques accessoires, une SR atteindra allègrement 25.000€. C'est un investissement à amortir à moyen terme en tenant compte qu'elle ne requiert presque aucun entretien, que ses consommables sont réduits et qu'elle ne nécessite pas d'essence. Quoi qu’au prix actuel de l’électricité…
Moteur/Transmission
ZF15.6+
Couple net 166 Nm
Puissance maximale 74 ch (55 kW) @ 6,255 tr/min
Vitesse maximale 167 km/h
Type Moteur CA à aimants permanents intérieurs Z-Force 75-10 à rendement thermique amélioré et refroidissement passif par air
Contrôleur CA triphasé 750 A à haut rendement et forte densité d'énergie, avec régénération en décélération
Batterie Z-Force® lithium-ion intelligente intégrée
Capacité maximale 15,6 kWh
Capacité nominale 13,7 kWh
Type de chargeur 3 kW, intégré à bord de la moto
Temps de charge (normal) 4,8 heures (complet) / 4,3 heures (95 % de la capacité)
Avec le Rapid Charger 6kW 1,9 heures (complet) / 1,4 heures (95 % de la capacité)
Transmission directe sans embrayage
Transmission finale Courroie 90 D / 20 D, Poly Chain® HTD® Carbon™
Chassis / Suspensions / Freins
Fourche Showa 43mm à gros pistons et fonctions séparées, avec réglage de précharge de ressorts, d'amortissement en compression et en détente
Suspension arrière Amortisseur Showa avec réservoir externe (Piggy Back) et précontrainte, compression et détente réglables
Débattement suspension avant 120 mm
Débattement suspension arrière 140 mm
Freins avant Bosch Base MSC, double disque 320 x 5 mm avec étriers radiaux J. Juan à 4 pistons et maître-cylindre radial
Freins arrière Bosch Base MSC, disque 240 x 4,5 mm avec étrier flottant monopiston J. Juan
Pneu avant Pirelli Diablo Rosso III 120/70-17
Pneu arrière Pirelli Diablo Rosso III 180/55-17
Dimensions
Empattement 1.450 mm
Hauteur de selle 787 mm
Angle de fourche 24,5°
Chasse 94 mm
Poids total 222 kg
Charge utile 232 kg
Economie
Equivalent en carburant (cycle urbain) 0,57 l/100 km
Equivalent en carburant (cycle autoroute) 1,14 l/100 km
Prix/Garantie
Prix conseillé 21.290 € TTC (hors options)
Garantie standard sur la moto 2 ans
Garantie de la batterie 5 ans/kilométrage illimité